Le Quotidien du 23 septembre 2019 : Pénal

[Brèves] Répression pénale de la fraude fiscale : exigence de proportionnalité de la peine

Réf. : Cass. crim., 11 septembre 2019, deux arrêts, n° 18-81.067 (N° Lexbase : A9082ZMC) et n° 18-82.430, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A9084ZME)

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par June Perot

le 18 Septembre 2019

Lorsque le prévenu justifie avoir fait l’objet, à titre personnel, d’une sanction fiscale définitivement prononcée pour les mêmes faits, le juge pénal n’est tenu de veiller au respect de l’exigence de proportionnalité que s’il prononce une peine de même nature.

Ainsi statue la Chambre criminelle de la Cour de cassation dans deux arrêts rendus le 11 septembre 2019 (Cass. crim., 11 septembre 2019, deux arrêts, n° 18-81.067 N° Lexbase : A9082ZMC et n° 18-82.430, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A9084ZME).

  • Première affaire - pourvoi n° 18-81.067 : dans le premier cas, l’administration fiscale a transmis au procureur de la République une plainte pour fraude fiscale à l’encontre d’un couple marié, leur reprochant d’avoir déposé tardivement des déclarations d’ensemble des revenus, certaines après l’envoi de mises en demeure, l’une d’entre elles, postérieurement à la mise en œuvre d’une procédure de taxation d’office, pour un montant total de droits fixé à 70 547 euros. Renvoyés devant le tribunal correctionnel, les époux prévenus ont soulevé une exception d’extinction de l’action publique fondée sur la violation du principe ne bis in idem. Il était allégué que, compte tenu de l’arrêt «Grande Stevens et autres c/ Italie» en date du 4 mars 2014 (CEDH, 4 mars 2014, Req. 18640/10 N° Lexbase : A1275MGC), la CEDH, lorsqu’elle se prononcera, invalidera la réserve émise par la France en marge de ce protocole de sorte qu’il était opportun que les juges anticipent la condamnation de la France. Cette exception a été rejetée par le tribunal et les prévenus condamnés. En cause d’appel, pour rejeter cette exception, l’arrêt a retenu qu’il n’était pas démontré que la réserve émise par la France, dont il n’appartient pas au juge du fond d’apprécier la validité, ait été écartée par la Cour européenne des droits de l’Homme. Les époux ont été déclarés coupables de fraude fiscale et condamnés, chacun, aux peines de douze mois d’emprisonnement avec sursis et de trois ans d’inéligibilité.
  • Seconde affaire - pourvoi n° 18-82.430 : les faits de l’espèce concernaient une fraude à la TVA dans le cadre d’une activité de négoce de véhicules automobiles. Une plainte a été déposée par l’administration fiscale. Le gérant de la société a été cité devant le tribunal correctionnel, ainsi que son fils pour complicité. Comme dans l’affaire précédente, une exception de procédure fondée sur la violation du principe ne bis in idem a été soulevée. Les premiers juges ont relaxé le gérant, sur le fondement, notamment, de la règle ne bis in idem s’agissant de la période de temps retenue par le juge de l’impôt. Le fils a pour sa part été condamné en partie.

En cause d’appel, pour infirmer le jugement et rejeter l’exception de procédure, l’arrêt a retenu que l’interdiction d’une double condamnation en raison de mêmes faits ne trouvait à s’appliquer, selon la réserve émise par la France, que pour les infractions relevant en droit français de la compétence des tribunaux statuant en matière pénale et n’interdisait pas le prononcé de sanctions fiscales parallèlement aux peines infligées par le juge répressif et que contrairement à ce que soutenaient les prévenus, cette réserve n’était pas remise en cause par la Cour européenne des droits de l’Homme (cf. CEDH, 15 novembre 2016, Req. 24130/11, A et B c/ Norvège N° Lexbase : A9900SGR). Le gérant a été déclaré coupable de fraude fiscale et de fraude fiscale aggravée et condamné à un an d’emprisonnement avec sursis.

Les requérants ont critiqué les peines prononcées par les juridictions pénales qui n’ont pas recherché si leur prononcé n’était pas disproportionné, soulevant ainsi une ultime interrogation en matière de fraude fiscale : le juge répressif doit-il apprécier, et motiver, le caractère proportionné des peines prononcées au regard des sanctions fiscales déjà prononcées ?

Compte tenu de la position adoptée sur la réserve française à l’application de l’article 4 du protocole n° 7, le débat s’est situé sur le terrain constitutionnel et la portée de la troisième et dernière réserve d’interprétation. Selon le Conseil constitutionnel, le principe de proportionnalité implique que le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l’une des sanctions encourues. La Chambre criminelle n’a pas suivi l’argumentation des demandeurs en retenant qu’ils avaient été condamnés à douze mois d’emprisonnement avec sursis et trois ans d’inéligibilité et à un an d’emprisonnement avec sursis, et qu’aucune amende n’avait été prononcée.

En effet, la réserve d’interprétation ne peut concerner que des sanctions de même nature. La Chambre en précise la raison : sa mise en oeuvre suppose, pour le juge qui se prononce en dernier, de pouvoir procéder à la comparaison des maximums des sanctions pénales et fiscales encourues afin de déterminer le montant le plus élevé qui constitue le plafond. Il s’en déduit que seule l’amende est considérée comme étant de même nature que les majorations fiscales, ce qui exclut d’autres peines telles que les mesures de confiscation.

Pour la première fois, les modalités d’application de la réserve litigieuse sont ainsi précisées.

La Haute juridiction rejette donc les deux pourvois. Elle considère que la cour d’appel n’a pas méconnu la portée de la réserve d’interprétation du Conseil constitutionnel.

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