Le Quotidien du 13 novembre 2019 : Taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

[Brèves] Exonération de TVA sur les opérations d’octroi, de négociation et de gestion de crédits

Réf. : CJUE, 17 octobre 2019, aff. C-692/17 (N° Lexbase : A9266ZRM)

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N1003BYS

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[Brèves] Exonération de TVA sur les opérations d’octroi, de négociation et de gestion de crédits. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/54478214-breves-exoneration-de-tva-sur-les-operations-doctroi-de-negociation-et-de-gestion-de-credits
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par Marie-Claire Sgarra

le 06 Novembre 2019

L’article 135 de la Directive 2006/112/CE (N° Lexbase : L7664HTZ) doit être interprété en ce sens que lorsque l’exonération qu’il prévoit pour les opérations concernant l’octroi et la négociation de crédits ou la gestion de crédits ne s’applique pas à une opération qui consiste, pour l’assujetti, à céder à un tiers, à titre onéreux, tous les droits et obligations tirés de sa position dans une procédure visant au recouvrement forcé d’une créance ayant été reconnue par une décision de justice et dont le paiement a été garanti par un droit sur un bien immeuble saisi ayant été adjugé à cet assujetti.

Telle est la solution retenue par la CJUE dans un arrêt en date du 17 octobre 2019 (CJUE, 17 octobre 2019, aff. C-692/17 N° Lexbase : A9266ZRM).

Le litige : en l’espèce, une société s’est vu confier, dans le cadre de son activité d’agence immobilière, un mandat exclusif de vente d’un terrain agricole. Une offre d’achat a été transmise par la société à son mandant, le propriétaire de ce terrain, mais a été rejetée par ce dernier, qui a refusé de rémunérer la société pour le service fourni. La société a saisi le tribunal de la famille et des mineurs de Portimao afin de faire condamner son mandant à lui verser une somme de 125 000 euros au titre de la commission d’agence immobilière due, augmentée de la TVA et des intérêts moratoires courant jusqu’au paiement intégral. Le tribunal fait droit à cette demande.

Par suite, la société introduit un recours à fin d’exécution forcée pour obtenir le recouvrement de sa créance. Un bien immeuble appartenant au débiteur a fait l’objet d’une saisie pour garantir le paiement du montant du et été adjugé à la société. Cette adjudication était assortie pour la société d’une obligation de verser à l’agence d’exécution l’excédent, à savoir la différence entre le montant de l’adjudication et la valeur de sa créance. Par accord, la société a cédé à Starplant tous les droits et obligations tirés de sa position dans la procédure d’exécution forcée en cours. La société a, d’une part, comptabilisé la somme de 125 000 euros en tant que contrepartie des services fournis au mandant et a acquitté la somme de 26 250 euros, correspondant au montant de la TVA due à ce titre. Elle a, d’autre part, comptabilisé une somme de 200 369,90 euros, au titre d’«autres produits, non précisés», qui correspondait au reliquat du prix payé par Starplant, sur laquelle elle n’a acquitté aucun montant de TVA.

La procédure : l’autorité fiscale et douanière du Portugal a adressé à la société des rappels de TVA assortis d’intérêts après avoir estimé que dans sa déclaration de TVA déposée pour la période concernée, la société n’avait pas correctement comptabilité la cession de position procédurale. Le tribunal administratif et fiscal de Loulé fait droit au recours de la société tendant à l’annulation de ces rappels de TVA. Le tribunal administratif centre Sud du Portugal infirme ce jugement. La société forme alors un pourvoi contre cet arrêt devant la Cour administrative suprême du Portugal qui décide de surseoir à statuer et de poser la question préjudicielle suivante :

«La cession à titre onéreux en faveur d’un tiers de la position procédurale qu’un assujetti à la TVA occupe dans un recours visant à recouvrer une créance, reconnue en vertu d’une décision de justice, résultant de l’inexécution d’un contrat d’agence immobilière, majorée de la TVA au taux en vigueur à la date du paiement et des intérêts moratoires échus et à échoir jusqu’au paiement intégral, relève-t-elle de la notion d’«octroi», de «négociation» ou de «gestion de crédits», aux fins de l’exonération prévue à l’article 135, paragraphe 1, sous b), de la Directive 2006/112/CE ?»

Le cadre juridique : aux termes de l’article 2 de la Directive TVA, seules les activités ayant un caractère économique sont soumises à la TVA. Est considéré comme assujetti quiconque, d’une façon indépendante et quel qu’en soit le lieu, une telle activité à caractère économique. Cette notion d’activité économique est définie par l’article 9 de cette même Directive.

La CJUE a déjà eu l’occasion d’interpréter ces dispositions de cet article et a jugé qu’une personne physique, déjà assujettie à la TVA pour une activité économique qu’elle exerce de manière permanente doit être considérée comme un «assujetti» pour toute autre activité économique qu’elle exerce de manière occasionnelle (CJUE, 13 juin 2013, aff. C-62/12 N° Lexbase : A4722KGY). Ici, la société a émis des doutes quant au fait que, dans une situation telle que celle en cause, le cédant puisse être considéré comme ayant agi dans le cadre de son activité économique au sens de l’article 9 au motif que son intervention dans l’opération de cession de créance n’a été que ponctuelle, dès lors que l’activité qu’elle exerce de manière habituelle est une activité d’agence immobilière.

Il y a lieu de relever que l’opération de cession en cause au principal est intervenue dans le cadre d’un litige relatif au recouvrement forcé d’une créance née d’un contrat conclu dans le cadre de l’activité économique taxable de la société, consistant à fournir des services d’agence immobilière, sans qu’elle conteste avoir agi, en ce qui concerne l’opération à l’origine de la procédure de recouvrement forcé, dans le cadre de son activité économique. Partant, l’opération en cause au principal s’inscrit effectivement dans le prolongement direct de l’activité économique principale de cette société. Dans ces conditions, la circonstance que l’opération en cause au principal, effectuée par une personne déjà assujettie à la TVA, ne correspond pas à l’activité principale de cette personne et n’a été effectuée que de manière ponctuelle par celle-ci n’exclut pas que ladite personne ait agi, en ce qui concerne cette opération, dans le cadre de son activité économique.

Sont soumises à la TVA, respectivement, les «livraisons de biens effectuées à titre onéreux sur le territoire d’un Etat membre par un assujetti agissant en tant que tel» et «les prestations de services, effectuées à titre onéreux sur le territoire d’un Etat membre par un assujetti agissant en tant que tel». S’agissant de la qualification, aux fins de la TVA, de l’opération en cause au principal, il est constant que cette opération a été effectuée à titre onéreux. Par suite, il y a lieu de conclure à l’existence d’une prestation unique lorsque deux ou plusieurs éléments ou actes fournis par l’assujetti au client sont si étroitement liés qu’ils forment, objectivement, une seule prestation économique indissociable, dont la décomposition revêtirait un caractère artificiel. Dès lors il y a lieu de considérer que l’opération en cause au principal ne saurait être artificiellement décomposée en deux prestations consistant, d’une part, en une cession de créance et, d’autre part, en la cession d’une position procédurale visant au recouvrement forcé d’une créance.

S’agissant de la question de savoir si cette opération relève de l’exonération de TVA prévue à l’article 135 de la Directive 2006/112, il y a lieu de faire observer que, ainsi que le gouvernement portugais et la Commission l’ont relevé dans leurs observations les circonstances à l’origine du litige au principal, à l’évidence, ne se rapportent pas à un «crédit», consistant en la mise à disposition d’un capital, dûment rémunéré par le versement d’intérêts ou en un paiement différé du prix d’achat d’un bien consenti par un fournisseur, moyennant le versement d’intérêts rémunérant ce crédit. En effet, il ne ressort pas de la décision de renvoi que l’opération en cause au principal comportait une obligation de verser des intérêts destinés à rémunérer un crédit qui lui avait été accordé. En conséquence, à supposer que cette opération soit qualifiée de prestation de services par la juridiction de renvoi, une telle opération ne relèverait pas d’une exonération.

Il s’ensuit que la CJUE conclut à la solution mentionnée précédemment.

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