Le Quotidien du 3 avril 2002

Le Quotidien

Fiscal général

[Jurisprudence] Le caractère inopérant de l'art. 6 de la CEDH pour contester la redevance pour création de bureaux

Réf. : CE du 8 mars 2002, n° 221465 (N° Lexbase : A2556AYC)

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par N. B.

Le 07 Octobre 2010

Par un arrêt du 8 mars 2002, le Conseil d'Etat confirme que la matière fiscale ne relève ni de la matière civile ou privée, ni de la matière pénale. Il a par conséquent écarté l'application de l'art. 6 de la CEDH établissant le droit à un procès équitable et invoqué en l'espèce par un contribuable pour se soustraire à la redevance pour création de bureaux en Ile-de-France.

Dans les zones comprises dans les limites de la région d'Ile-de-France, il est perçu une redevance à l'occasion de la construction de locaux à usage de bureaux (art. L 520-1 et s. du Code de l'urbanisme N° Lexbase : L7633ACP). Le montant de la redevance pour création de locaux à usage de bureaux est en principe arrêté par décision du ministre chargé de l'Urbanisme ou de son délégué. Mais le préfet de Paris et les préfets des départements de la région parisienne peuvent recevoir délégation pour prendre au lieu et place du ministre toutes décisions, au nombre desquelles figurent celles relatives à la fixation du montant de la redevance pour création de locaux à usage de bureaux. Ces derniers peuvent également déléguer aux communes une partie de leurs pouvoirs en la matière. En l'occurence, par un arrêté du 30 mars 1984, le préfet de Paris a transféré au maire de Paris la compétence pour fixer le montant de la redevance pour création de locaux à usage de bureaux.

En l'espèce, pour obtenir la décharge de cette redevance, le redevable soutenait notamment que le maire de Paris n'avait aucune compétence pour en déterminer le montant et qu'une telle circonstance s'avérait nécessairement incompatible avec l'article 6 de la CEDH (N° Lexbase : L7558AIR). Le tribunal administratif de Paris ainsi que la Cour administrative de Paris lui ont donné gain de cause. Mais le Conseil d'Etat, dans le présent arrêt, annule la décision de chacune de ces juridictions en reconnaissant d'une part la compétence du maire de Paris pour fixer le montant de la redevance et, d'autre part, en écartant l'application de l'article 6 de la CEDH en matière fiscale.

La délégation de pouvoir au profit des maires peut être instituée pour l'ensemble des impositions dont la délivrance du permis de construire constitue le fait générateur et non uniquement pour celles d'entre elles qui sont assises et liquidées par le responsable du service de l'Etat chargé de l'urbanisme. Or, selon le Conseil d'Etat, la redevance pour création de locaux à usage de bureaux, dont l'avis de mise en recouvrement doit être émis dans les deux ans qui suivent la délivrance du permis de construire, entre dans la catégorie des impositions dont le permis de construire constitue le fait générateur. Le préfet pouvait donc faire usage de la délégation de pouvoir et le maire de Paris fixer le montant de la redevance.

Aux termes de l'article 31 de la loi du 29 décembre 1997: "Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, sont réputées régulières les impositions assises et liquidées jusqu'au 9 novembre 1995 en application de l'article R. 424 -1 du code de l'urbanisme et sur le fondement de l'arrêté du préfet de Paris en date du 30 mars 1984, en tant qu'elles seraient contestées pour un motif tiré de l'incompétence du maire de Paris résultant du défaut d'affichage de l'arrêté précité ". Selon le Conseil d'Etat, ces dispositions font obstacle à ce que les contribuables puissent utilement se prévaloir de la publicité insuffisante dont l'arrêté du 30 mars 1984 aurait fait l'objet.

Le redevable soutenait que les dispositions de cette loi de validation auraient méconnu les stipulations de l'article 6 de la CEDH. Aux termes de ce texte, " toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ". Mais selon le Conseil d'Etat, ces dispositions ne peuvent être utilement invoquées devant le juge de l'impôt, qui, en l'absence de contestation propre aux pénalités, ne statue pas en matière pénale et ne tranche pas des contestations sur des droits et obligations à caractère civil. Par conséquent, selon les hauts magistrats, le motif tiré de l'incompétence du maire de Paris pour fixer le montant de la redevance est irrecevable.

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Social général

[Jurisprudence] Revirement de jurisprudence concernant les mentions obligatoires des listes électorales

Réf. : Cass. soc., 20 mars 2002, n° 00-60.315, N° Lexbase : A3129AYK

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Le 26 Septembre 2014

Le contentieux relatif aux élections professionnelles est riche, dans un domaine marqué par une large influence de la jurisprudence. En effet, les textes légaux ne dressent qu'un cadre général laissant une large part aux partenaires sociaux à travers le protocole préélectoral, ainsi qu'à l'inspecteur du travail et au tribunal d'instance. La décision rendue par la Cour de cassation le 20 mars 2002 contribue à illustrer l'importance du droit prétorien en la matière, puisqu'il nous paraît constituer un revirement de jurisprudence sur la question des mentions devant figurer sur les listes électorales pour les élections des représentants du personnel, et plus précisément de la mention de l'adresse personnelle des électeurs. La solution de la Cour de cassation est, sur ce point, la suivante : "les seules mentions qui doivent figurer obligatoirement sur la liste électorale des salariés travaillant dans l'entreprise sont : l'âge, l'appartenance à l'entreprise et l'ancienneté dans celle-ci qui déterminent la qualité d'électeur et permettent le contrôle de la régularité des listes électorales ; dès lors, l'indication de l'adresse du domicile des salariés, n'a pas à figurer sur la liste électorale".

On évoquera également le sujet de la communication des listes électorales aux organisations syndicales représentatives dans l'entreprise.

Les faits de l'espèce étaient relativement simples. A l'occasion des élections des représentants du personnel devant se dérouler au sein de l'association Consistoriale israélite de Paris (ACIP), les 15 et 29 juin 2000, un protocole préélectoral fut signé le 18 avril 2000 entre l'employeur et l'organisation syndicale UFT sous réserve de la décision du tribunal d'instance concernant la mention de l'adresse du domicile des électeurs à laquelle une partie des salariés s'opposait. Le tribunal d'instance de Paris enjoignit à l'ACIP d'avoir à mentionner l'adresse du domicile des électeurs sur la liste électorale. C'est cette décision qui fait l'objet du pourvoi en question.

Rappelons tout d'abord qu'en vertu de l'article L. 423-13 du Code du travail, dernier alinéa, ([lxb=L6373ACZ]), "les modalités d'organisation et de déroulement des opérations électorales font l'objet d'un accord entre le chef d'entreprise et les organisations syndicales intéressées. Cet accord doit respecter les principes généraux du droit électoral. Les modalités sur lesquelles aucun accord n'a pu intervenir peuvent être fixées par une décision du juge d'instance statuant en dernier ressort en la forme des référés".

On voit l'importance de l'accord préélectoral ; cependant, il faut souligner que si le chef d'entreprise doit négocier avec toutes les organisations syndicales intéressées, l'absence de signature unanime n'emporte pas forcément invalidité de l'accord ; la partie ou les parties mécontentes doivent saisir sur le(s) point(s) qui fait (font) difficulté le tribunal d'instance selon une procédure rapide. C'était ici le cas.

Deux problèmes de droit devaient en l'occurrence être traités par la Cour de cassation.

En premier lieu, c'est la faculté pour les organisations syndicales représentatives d'accéder à la liste électorale qui est abordée par la Cour régulatrice.

L'association ACIP faisait grief au jugement de lui avoir enjoint de communiquer aux organisations syndicales qui en feraient la demande, la liste électorale ; en effet, selon elle, la publication des listes électorales pouvait être faite par voie d'affichage ou mise à la disposition du personnel en un lieu libre d'accès. L'affichage était donc suffisant, car selon l'entreprise il satisfaisait à la loi et à la demande du personnel.

La Cour de cassation répond "que ni l'employeur ni les salariés ne peuvent s'opposer à ce que les organisations syndicales représentatives, parties nécessairement intéressées au déroulement des élections professionnelles consultent ou se voient communiquer lorsqu'elles en font la demande, la liste des électeurs et éligibles portant les mentions nécessaires au contrôle de sa régularité". L'idée est simple : les organisations syndicales doivent être à même de pouvoir consulter les listes électorales afin de vérifier la régularité des inscriptions. Toutefois, les mentions relatives aux inscrits ne doivent être relatives qu'à cette régularité.

C'est alors la seconde question de droit qui fait surface. Peut-on indiquer, sur les listes électorales, l'adresse personnelle des inscrits ?

La Cour de cassation avait jugé qu'à défaut de dispositions spéciales du protocole préélectoral indiquant les mentions qui doivent figurer sur les listes électorales, le droit commun électoral est applicable, ce qui impose l'énonciation du domicile réel des inscrits (Cass. soc., 2 octobre 1991, n° 90-60.426 et Cass. soc., 14 octobre 1997, n° 96-60.191, [lxb=A2306ACE]).

On faisait parfois observer que ces arrêts pouvaient laisser entrevoir un changement possible de la jurisprudence en considérant qu'un protocole électoral pouvait déroger à cette obligation. En effet, il est acquis qu'un protocole préélectoral ne saurait déroger aux principes du droit commun électoral qui a également une place importance dans le contentieux des élections professionnelles.

Ce revirement semble être intervenu avec la décision commentée : selon la Cour de cassation, "les seules mentions qui doivent figurer obligatoirement sur la liste électorale des salariés travaillant dans l'entreprise sont : l'âge, l'appartenance à l'entreprise et l'ancienneté dans celle-ci qui déterminent la qualité d'électeur et permettent le contrôle de la régularité des listes électorales" et que "dès lors, l'indication de l'adresse du domicile des salariés, n'a pas à figurer sur la liste électorale". Ce faisant, la Cour de cassation privilégie le droit spécial des élections professionnelles sur le droit commun électoral, en vertu d'un raisonnement téléologique. Les mentions nécessaires ont pour seul objet de vérifier la régularité des listes, et par conséquent, n'impliquent pas la mention du domicile des inscrits qui n'a aucune influence sur cette régularité.

Dirk Baugard
Université Paris I Panthéon-Sorbonne

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