Le Quotidien du 22 juin 2020

Le Quotidien

Terrorisme

[Brèves] La liberté d’expression s’oppose au recel d’apologie du terrorisme

Réf. : Cons. const., décision n° 2020-845 QPC, du 19 juin 2020, M. Théo S. (N° Lexbase : A85303NA)

Lecture: 4 min

N3789BYY

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par June Perot

Le 15 Juillet 2020

► Dans sa décision rendue le 19 juin 2020, le Conseil constitutionnel juge que le délit de recel d'apologie d'actes de terrorisme porte à la liberté d'expression et de communication une atteinte qui n'est pas nécessaire, adaptée et proportionnée ;

Les mots « ou de faire publiquement l'apologie de ces actes » figurant au premier alinéa de l'article 421-2-5 du Code pénal (N° Lexbase : L8378I43) ne sauraient donc, sans méconnaître cette liberté, être interprétés comme réprimant un tel délit.

La QPC. Le Conseil avait été saisi par la Chambre criminelle le 25 mars 2020 (Cass. crim., 24 mars 2020, n° 19-86.706, F-D N° Lexbase : A18073K7) d’une QPC portant sur la combinaison des dispositions des articles 321-1 (N° Lexbase : L1940AMS) et 421-2-5 du Code pénal telles qu’interprétées par la jurisprudence de la Cour de cassation. La combinaison de ces dispositions permettait la répression, sous la qualification de recel d’apologie du terrorisme, de la consultation de sites internet faisant l’apologie du terrorisme, ou la possession d’un support informatique ou numérique sur lequel serait téléchargé le produit d’une telle consultation.

Selon le requérant et l’association intervenante, dans la mesure où il n'y aurait pas de différence substantielle et fondamentale entre la consultation d'un site internet terroriste et le téléchargement ou la détention sur un support informatique du contenu de tels sites, rien ne distinguerait ce délit de recel de celui de consultation habituelle de sites internet terroristes jugé contraire à la liberté de communication dans les décisions du 10 février 2017 (Cons. const., décision n° 2016-611 QPC, du 10 février 2017 N° Lexbase : A7723TBN) et du 15 décembre 2017 (Cons. const., décision n° 2017-682 QPC, du 15 décembre 2017 N° Lexbase : A7105W7B).

Dans sa décision du 7 janvier 2020 (Cass. crim., 7 janvier 2020, n° 19-80.136, FS-P+B+I (N° Lexbase : A5582Z9M ; lire F. Safi, comm., Lexbase Pénal, mars 2020 N° Lexbase : N2501BYB) et dans sa décision du 24 mars 2020 mentionnée ci-dessus, la Cour de cassation a jugé qu'entre dans les prévisions des articles 321-1 et 421-2-5 du Code pénal le fait de détenir, en toute connaissance de cause, des fichiers ou des documents caractérisant l'apologie d'actes de terrorisme, lorsque cette détention s'accompagne d'une adhésion à l'idéologie exprimée dans ces fichiers ou documents. Elle a ainsi reconnu l'existence d'un délit de recel d'apologie d'actes de terrorisme.

Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité portait sur les mots « ou de faire publiquement l'apologie de ces actes » figurant au premier alinéa de l'article 421-2-5 du Code pénal.

Contrôle de l’exigence de nécessité de l’atteinte portée à la liberté d'expression et de communication

Le Conseil relève qu’au regard de cette exigence, les autorités administrative et judiciaire disposent, indépendamment du délit contesté, de nombreuses prérogatives, non seulement pour lutter contre la diffusion publique d'apologies d'actes de terrorisme et réprimer leurs auteurs (association terroriste de malfaiteurs, recrutement terroriste, entreprise individuelle terroriste et provocation au terrorisme), mais aussi pour surveiller une personne consultant ou collectant ces messages et pour l'interpeller et la sanctionner lorsque cette consultation ou cette collection s'accompagnent d'un comportement révélant une intention terroriste, avant même que ce projet soit entré dans sa phase d'exécution.

Contrôle des exigences d’adaptation et de proportionnalité requises en matière d'atteinte à la liberté d'expression et de communication

Sur ce point, le Conseil relève, d’une part que si l'apologie publique d'actes de terrorisme favorise la large diffusion d'idées et de propos dangereux, la détention des fichiers ou documents apologétiques n'y participe qu'à la condition de donner lieu ensuite à une nouvelle diffusion publique.

Surtout, le Conseil observe que la simple adhésion à l’idéologie terroriste ne suffit pas pour passer le contrôle de proportionnalité à l’aune de la liberté d’expression :

« 25. Le délit de recel d'apologie d'actes de terrorisme réprime donc d'une peine qui peut s'élever, selon les cas, à cinq, sept ou dix ans d'emprisonnement le seul fait de détenir des fichiers ou des documents faisant l'apologie d'actes de terrorisme sans que soit retenue l'intention terroriste ou apologétique du receleur comme élément constitutif de l'infraction. »

Le Conseil en conclut que « le délit de recel d'apologie d'actes de terrorisme porte à la liberté d'expression et de communication une atteinte qui n'est pas nécessaire, adaptée et proportionnée. Les mots « ou de faire publiquement l'apologie de ces actes » figurant au premier alinéa de l'article 421-2-5 du Code pénal ne sauraient donc, sans méconnaître cette liberté, être interprétés comme réprimant un tel délit » (§ 26).

newsid:473789

Divorce

[Brèves] Pension alimentaire due au titre des mesures provisoires : clarification de la notion d’état de besoin

Réf. : QE n° 28638, réponse publiée le 16 juin 2020, JOAN Q, p. 4245 (N° Lexbase : L4199LXS)

Lecture: 2 min

N3757BYS

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 18 Juin 2020

► Aux termes du 6° de l'article 255 du Code civil (N° Lexbase : L2818DZE), le JAF fixe dans le cadre des mesures provisoires « la pension alimentaire [...] que l'un des époux devra verser à son conjoint » ; cette pension alimentaire suppose que l'un des époux soit dans une situation de besoin et que l'autre ait les ressources suffisantes ; interrogé sur la notion d’état de besoin, non définie par loi, et sujette à de multiples interprétations, le ministre de la Justice apporte quelques éclaircissements dans une réponse publiée le 16 juin 2020 (QE n° 28638, réponse publiée le 16 juin 2020, JOAN Q, p. 4245 N° Lexbase : L4199LXS).

Aux termes de l'article 212 du Code civil, les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance. Pour fixer le montant de la pension alimentaire au titre du devoir de secours due par un époux à son conjoint, dans le cadre des mesures provisoires de la procédure de divorce sur le fondement de l'article 255-6° du Code civil, le juge aux affaires familiales doit apprécier le niveau d'existence auquel l'époux créancier peut prétendre en raison des facultés de son conjoint.

En effet, la pension alimentaire au titre du devoir de secours ne se limite pas strictement à répondre à l'état de besoin de l'époux qui serait dans l'impossibilité d'assurer sa subsistance par son travail ou les revenus de ses biens, elle doit tendre, compte tenu de la multiplication des charges fixes incompressibles et des frais induits par la séparation, au maintien d'un niveau de vie aussi proche que possible de celui du temps de la vie commune. Elle a ainsi vocation à assurer un certain équilibre entre les trains de vie de chacun des époux pendant la durée de la procédure de divorce.  

Pour aller plus loin : cf. l’Ouvrage « Droit du divorce », Pension alimentaire allouée durant la procédure de divorce (N° Lexbase : E2914EYL).

 

newsid:473757

Électoral

[Brèves] Modification du calendrier des élections municipales 2020 et déroulement du premier tour : rejet des QPC

Réf. : Cons. const., décisions du 17 juin 2020, n° 2020-849 QPC (N° Lexbase : A71123NQ) et n° 2020-850 QPC (N° Lexbase : A71133NR)

Lecture: 3 min

N3777BYK

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par Yann Le Foll

Le 24 Juin 2020

► Les QPC contestant les modalités de la tenue du premier tour des élections municipales ainsi que le report du second tour sont rejetées (Cons. const., décisions du 17 juin 2020, n° 2020-849 QPC N° Lexbase : A71123NQ et n° 2020-850 QPC N° Lexbase : A71133NR).

Modification du calendrier des élections municipales (décision n° 2020-849 QPC sur renvoi CE 2° et 7° ch.-r., 25 mai 2020, n° 440217, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A21533MP). Les dispositions contestées (l'article 19 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020, d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 N° Lexbase : L5506LWT) suspendent les opérations électorales postérieurement à la tenue du premier tour et reportent l'organisation du second tour. Si elles remettent en cause l'unité de déroulement des opérations électorales, elles permettent, contrairement à une annulation du premier tour, de préserver l'expression du suffrage lors de celui-ci

Pour les Sages, en adoptant ces dispositions, alors que le choix avait été fait, avant qu'il n'intervienne, de maintenir le premier tour de scrutin, le législateur a entendu éviter que la tenue du deuxième tour de scrutin initialement prévu le 22 mars 2020 et la campagne électorale qui devait le précéder ne contribuent à la propagation de l'épidémie de covid-19, dans un contexte sanitaire ayant donné lieu à des mesures de confinement de la population. Ces dispositions sont donc justifiées par un motif impérieux d'intérêt général.

En outre, le législateur a prévu que le second tour des élections municipales aurait lieu au plus tard au mois de juin 2020. Le délai maximal ainsi fixé pour la tenue du second tour était, lors de son adoption, adapté à la gravité de la situation sanitaire et à l'incertitude entourant l'évolution de l'épidémie.

Attribution des sièges au premier tour des élections municipales dans les communes de 1 000 habitants et plus (décision n° 2020-850 QPC sur renvoi CE 2° et 7° ch.-r., 25 mai 2020, n° 440335, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A21543MQ). La requérante reproche aux dispositions renvoyées de permettre que l'élection du conseil municipal d'une commune d'au moins 1 000 habitants puisse être acquise dès le premier tour de scrutin, sans exiger que la liste ayant obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés ait également recueilli un nombre de suffrages correspondant à une part minimale du nombre des électeurs inscrits. 

Les Sages estiment que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots « la majorité absolue des suffrages exprimés » figurant à la première phrase du premier alinéa et du deuxième alinéa de l'article L. 262 du Code électoral (N° Lexbase : L2619AAA) et qu’ils ont déjà déclaré ces dispositions conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision (décision n° 82-146 DC du 18 novembre 1982 N° Lexbase : A8048AC3).  Si, depuis cette décision, le champ d'application de ces dispositions a été étendu aux communes d'au moins 1 000 habitants, les dispositions prévoyant cette extension ont été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 16 mai 2013 (décision n° 2013-667 DC du 16 mai 2013 N° Lexbase : A4405KDI).

newsid:473777

Fiscalité internationale

[Brèves] Assujetti à la TVA et filiale d’une société d’un Etat tiers localisée dans un Etat membre

Réf. : CJUE, 7 mai 2020, aff. C-547/18 (N° Lexbase : A26043LZ)

Lecture: 4 min

N3732BYU

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par Marie-Claire Sgarra

Le 17 Juin 2020

L’existence, sur le territoire d’un Etat membre, d’un établissement stable d’une société établie dans un Etat tiers ne peut pas être déduite par un prestataire de services du seul fait que cette société y possède une filiale et que ce prestataire n’est pas tenu de s’enquérir, aux fins d’une telle appréciation, des relations contractuelles entre les deux entités (CJUE, 7 mai 2020, aff. C-547/18 N° Lexbase : A26043LZ).

En l’espèce, une société de droit polonais a conclu avec une société de droit corées un contrat de fourniture de services d’assemblage de cartes de circuits imprimés. Les matériaux et les composants nécessaires à la confection des imprimés étaient dédouanés puis fournis à la société de droit polonais par une filiale de la société de droit polonais. Le directeur de la chambre fiscale de Wroclaw a estimé que la société de droit polonais avait exécuté les prestations de services d’assemblage en Pologne. Elle s’interroge quant à la question de savoir si l’existence d’un établissement stable peut se déduire de la seule existence d’une filiale ou si le prestataire de services doit tenir compte des relations contractuelles entre la société mère et cette filiale. À cet égard, la juridiction de renvoi indique que les contrats de collaboration liant la société mère et la filiale, sur le fondement desquelles les autorités fiscales polonaises ont conclu à l’existence d’un établissement stable, ont été recueillis dans le cadre d’une procédure fiscale autre que celle à l’origine du litige au principal et n’étaient pas accessibles au prestataire de services concerné par ce dernier.

La Cour a déjà jugé que, si le point de rattachement le plus utile afin de déterminer le lieu des prestations de services, du point de vue fiscal et, partant, prioritaire, est celui où l’assujetti a établi le siège de son activité économique, la prise en considération d’un établissement stable de l’assujetti constitue une dérogation à cette règle générale, pourvu que certaines conditions soient remplies (CJUE, 16 octobre 2014, aff. C- 605/12 N° Lexbase : A4466MY3). Ainsi, lorsque le service a été fourni à un établissement qui peut être qualifié d’établissement stable de l’assujetti, il doit être considéré que le lieu de prestations des services fournis est l’endroit où cet établissement stable est situé.

S’agissant du point de savoir s’il existe un « établissement stable », cette question doit être examinée en fonction de l’assujetti-preneur auquel les services sont fournis. La qualification d’un établissement d’établissement stable ne saurait dépendre du seul statut juridique de l’entité concernée. L’existence sur le territoire d’un Etat membre, d’un établissement stable d’une société établie dans un Etat tiers ne saurait être déduite par un prestataire de services du seul fait que cette société y possède une filiale.

Quant au fait de savoir si le prestataire de services concernés est tenu d’examiner les relations contractuelles entre ladite société et sa filiale pour déterminer si la première dispose d’un tel établissement stable dans cet Etat membre, il y a lieu de relever que la juridiction de renvoi se réfère dans la décision de renvoi à l’article 22 du Règlement d’exécution n° 282/2011. Cet article prévoit toute une série de critères dont le prestataire de services doit tenir compte afin de déterminer l’établissement stable du preneur. Ainsi que l’ont soutenu les gouvernements polonais et du Royaume-Uni ainsi que la Commission européenne, il ne ressort pas de ces dispositions que le prestataire des services concernés est tenu d’examiner les relations contractuelles entre une société établie dans un Etat tiers et sa filiale établie dans un Etat membre pour déterminer si la première dispose d’un tel établissement stable dans cet Etat membre. En effet est visé le contrat de fourniture de services entre le prestataire et l’assujetti-preneur de services et non pas les relations contractuelles entre cet assujetti-preneur et une entité pouvant, le cas échéant, être identifiée comme étant son établissement stable.

Il convient de répondre aux questions posées que l’existence, sur le territoire d’un Etat membre, d’un établissement stable d’une société établie dans un Etat tiers ne peut pas être déduite par un prestataire de services du seul fait que cette société y possède une filiale et que ce prestataire n’est pas tenu de s’enquérir, aux fins d’une telle appréciation, des relations contractuelles entre les deux entités.

 

newsid:473732

Internet

[Brèves] Loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet : lecture d’une censure

Réf. : Cons. const., décision n° 2020-801 DC, du 18 juin 2020, Loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet (N° Lexbase : A81893NM)

Lecture: 5 min

N3790BYZ

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par Adélaïde Léon

Le 16 Juillet 2020

► La loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet, dite « Avia » modifie et ajoute à la désormais célèbre loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique dite « LCEN » (N° Lexbase : L2600DZC) ;

Comme cette dernière, la loi « Avia » constitue une mesure de transposition en droit interne de la Directive européenne 2000/31/CE, du 8 juin 2000, dite « e-commerce » (N° Lexbase : L8018AUI) ;

Largement décriée tout au long de son processus législatif, la loi « Avia » a été, ce jeudi 18 juin 2020, largement censurée par le Conseil constitutionnel.

Contexte. Le Conseil constitutionnel a été invité à se prononcer sur la constitutionnalité des régimes d’obligations de retrait institués par la loi, ainsi que du système de surveillance administrative organisé par ce texte afin de veiller au respect des nouvelles obligations de moyens de plateformes, sous le contrôle du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA).

Sur l’obligation de retrait sous 1 heure de certains contenus à caractère terroriste ou pédopornographique

Le paragraphe I de l’article 1er de la loi « Avia » entendait réduire à 1 heure l’actuel délai de 24 heures, imparti aux hébergeurs et éditeurs par l’article 6-1 de la « LCEN » pour retirer, sur demande de l’autorité administrative, certains contenus à caractère terroriste ou pédopornographique. Il introduisait également, en cas de manquement à cette obligation de retrait, une peine d’un an d’emprisonnement et de 250 000 euros d’amende.

Pour censurer le paragraphe I de l’article 1er de la loi « Avia » en ce qu’il porte une atteinte à la liberté d’expression et de communication non adaptée, non nécessaire et disproportionné au but poursuivi de préservation de l’ordre public et des droits des tiers, les Sages ont constaté que la détermination du caractère illicite des contenus litigieux était soumise à la seule appréciation de l’administration, que les hébergeurs et éditeurs se trouvaient dans l’impossibilité d’obtenir une décision judiciaire avant d’être contraints de retirer le contenu en cause et enfin que la peine encourue en cas de manquement à ces obligations de retrait était particulièrement sévère.

Sur l’obligation, pour certains opérateurs de plateforme en ligne dont l’activité dépasse des seuils définis par décret de retirer ou rendre inaccessible dans un délai de 24 heures des contenus illicites en raison de leur caractère haineux ou sexuel

Le paragraphe II de l’article 1er de la loi différée créait un nouvel article 6-2 renforçant le régime de responsabilité de certains hébergeurs. Alors que sous le régime actuel de la « LCEN » les hébergeurs ne pouvaient voir leur responsabilité engagée qu’en cas de connaissance de l’illicéité « manifeste » des contenus stockés et à défaut de les avoir retirés « promptement », la loi « Avia » créait, à l’égard des grands réseaux sociaux et moteurs de recherche, une obligation de retrait des contenus manifestement illicites dans un délai de 24 heures après notification, sous peine d’être sanctionnés par une amende pénale. Elle précisait que ce délit pouvait résulter de l’absence même d’examen proportionné et nécessaire du contenu.

Pour censurer le paragraphe II de l’article 1er de la loi « Avia », le Conseil constitutionnel pointe l’obligation faite aux opérateurs concernés d’examiner tous les contenus qui leur auraient été signalés sans que leur nombre, s’il s’avérait trop important, ne puisse constituer une cause d’exonération. Il souligne également la technicité qu’engendre l’appréciation du caractère manifestement illicite de certaines des infractions visées par le texte. Le nombre de demandes potentielles et ces difficultés d’appréciation sont par ailleurs incompatibles avec le délai de 24 heures octroyé aux opérateurs concernés pour procéder au retrait. Enfin, les Sages n’ont pas manqué de relever le caractère démesuré de la sanction envisagée, laquelle est encourue pour chaque manquement et non en considération de leur répétition. Selon le Conseil, de telles dispositions auraient pu conduire les opérateurs à supprimer tous les contenus signalés sans en étudier le caractère manifestement illicite.

Sur les obligations de contrôle des contenus illicites

Pour censurer le dispositif de surveillance permanente et exhaustive mis à la charge des importants réseaux sociaux et des moteurs de recherche par les articles 4 et 5 le Conseil souligne que la plupart des obligations mentionnées par ces articles sont directement liées aux conditions de mise en œuvre de l’obligation de retrait de certains contenus institués par le paragraphe II de l’article 1er de la loi déférée. Par voie de conséquence, les Sages déclarent les articles 4 et 5 contraires à la Constitution. Ils censurent sur la même logique l’article 7 de la loi déférée lequel fixe les compétences du CSA pour veiller et encourager au respect des dispositions du paragraphe II de la loi « Avia ».

Sur la prévention des « sites miroirs »

Le Conseil constitutionnel censure également les articles 8 et 9 de la loi déférée lesquels déterminaient les conditions dans lesquelles l’administration pouvait solliciter d’un opérateur qu’il empêche l’accès à un site reprenant des contenus dont un juge aurait considéré qu’ils relevaient des infractions prévues par le paragraphe II de l’article 1er de la loi « Avia ». Toujours par voie de conséquence, les juges ont censuré ces dispositions en raison de la censure préalable de l’article 1er de la loi déférée.

Sur la méconnaissance de l’article 45 de la Constitution

Enfin, estimant que les articles 11 et 12 ont été amendés en première lecture sans que les dispositions ainsi introduites ne présentent de lien, même indirect, avec celles qui figuraient dans la proposition de loi déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale, le Conseil constitutionnel censure ces modifications adoptées selon une procédure contraire à la Constitution.

Pour aller plus loin : B. Nicaud, Censure de la loi « Avia » par le Conseil constitutionnel : non-conformité plus-que-partielle, Lexbase Pénal, juillet 2020 (N° Lexbase : N3986BYB).

 

newsid:473790

Soins psychiatriques sans consentement

[Brèves] L’absence d’un contrôle légal du juge judiciaire des mesures d’isolement et de contention est contraire à la Constitution

Réf. : Cons. const., décision n° 2020-844 QPC, du 19 juin 2020 (N° Lexbase : A85293N9)

Lecture: 3 min

N3791BY3

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par Laïla Bedja

Le 24 Juin 2020

► L’article L. 3222-5-1 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L9473KX7) est contraire à l’article 66 de la Constitution (N° Lexbase : L0895AHM) en ce qu’il ne soumet pas le maintien à l’isolement ou en contention en psychiatrie au-delà d’une certaine durée à un contrôle du juge judiciaire ; dès lors que l’abrogation immédiate des dispositions déclarées contraires à la Constitution, en ce qu’elle ferait obstacle à toute possibilité de placement à l’isolement ou sous contention des personnes admises en soins psychiatriques sous contrainte, entraînerait des conséquences manifestement excessives, la date de leur abrogation est reportée au 31 décembre 2020.

L’objet de la QPC. L’article L. 3222-5-1 du Code de la santé publique établit le cadre dans lequel, lors d’une prise en charge dans un établissement assurant des soins psychiatriques sans consentement, il peut être recouru à l’isolement d’une personne hospitalisée, consistant à la placer dans une chambre fermée, ou à sa mise sous contention, consistant à l’immobiliser. Ce sont ces dispositions que le Cour de cassation (Cass. civ. 1, 5 mars 2020, n° 19-40.039, FS-P+B N° Lexbase : A12603II) soumet au Conseil constitutionnel lors d’une saisie opérée le 6 mars 2020.

Les requérants reprochaient à ces dernières, de méconnaître la liberté individuelle protégée par l'article 66 de la Constitution en ce qu'elles ne prévoyaient pas de contrôle juridictionnel systématique des mesures d'isolement et de contention mises en œuvre dans les établissements de soins psychiatriques, non plus qu'aucune voie de recours en faveur de la personne qui en fait l'objet.

La décision du Conseil constitutionnel. Enonçant la solution précitée, le Conseil constitutionnel déclare les dispositions en cause contraires à la Constitution.

Bien que le législateur a fixé des conditions de fond et des garanties de procédures propres à assurer que le placement à l’isolement ou sous contention, dans le cadre de soins psychiatriques sans consentement, n’intervienne que dans les cas où ces mesures sont adaptées, nécessaires et proportionnées à l’état de la personne qui en fait l’objet, les Sages rappellent que la liberté individuelle prévue à l’article 66 de la Constitution ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible. Or, si le législateur a prévu que le recours à isolement et à la contention ne peut être décidé par un psychiatre que pour une durée limitée, il n'a pas fixé cette limite ni prévu les conditions dans lesquelles au-delà d'une certaine durée, le maintien de ces mesures est soumis au contrôle du juge judiciaire. Il s'ensuit qu'aucune disposition législative ne soumet le maintien à l'isolement ou sous contention à une juridiction judiciaire dans des conditions répondant aux exigences de l'article 66 de la Constitution.

Cette décision met un terme à une question récurrente posée au juge judiciaire et à laquelle la Cour de cassation ne pouvait opposer que la lettre de l’article L. 3222-5-1 (lire notre brève, Mesures d’isolement et de contentions constitutives de modalités de soins ne relevant pas du juge des libertés et de la détention, Lexbase Privée, février 2020, n° N° Lexbase : N2197BYZ, relative à l’avis de la Cour de cassation du 3 février 2020 N° Lexbase : A90403D8, et, De l’unique contrôle du juge de la mesure de soins sans consentement à compter de la date de prononcé de la décision d’admission et de son absence de contrôle sur les mesures d’isolement et de contention, Lexbase Privée, novembre 2019, n° 804 N° Lexbase : N1360BYZ, relative à Cass. civ. 1, 21 novembre 2019, n° 19-20.513, FS-P+B+I N° Lexbase : A4714Z3Y).

Pour aller plus loin

Cf. l’Ouvrage « Droit médical », Le contrôle des mesures d'admission en soins psychiatriques par le juge des libertés et de la détention N° Lexbase : E7544E9B).

 

newsid:473791

Transport

[Brèves] Comportement perturbateur d’un voyageur à l’origine de retards des vols : indemnisation des passagers des vols suivants

Réf. : CJUE, 11 juin 2020, aff. C-74/19 (N° Lexbase : A27933NR)

Lecture: 4 min

N3713BY8

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par Vincent Téchené

Le 17 Juin 2020

► Sous certaines conditions, le comportement perturbateur d’un passager ayant entraîné un déroutement de l’aéronef, à l’origine du retard du vol, constitue une « circonstance extraordinaire », et un transporteur aérien effectif peut se prévaloir de cette « circonstance extraordinaire » ayant affecté non pas le vol annulé ou retardé mais un vol précédent opéré par lui-même au moyen du même aéronef ;

Le réacheminement d’un passager par le transporteur aérien au moyen du vol suivant opéré par lui-même et conduisant ce passager à arriver le lendemain du jour initialement prévu ne constitue une « mesure raisonnable » libérant ce transporteur de son obligation d’indemnisation que si certaines conditions sont remplies.

Tel est le sens d’un arrêt rendu par la CJUE le 11 juin 2020 (CJUE, 11 juin 2020, aff. C-74/19 N° Lexbase : A27933NR).

Les faits. Le litige oppose un passager à un transporteur aérien au sujet du refus de ce dernier d’indemniser ce passager dont le vol en correspondance a subi un retard important à l’arrivée à sa destination finale. Le transporteur aérien avait refusé de faire droit à la demande d’indemnisation au motif que le retard du vol concerné trouvait son origine dans le comportement perturbateur d’un passager intervenu sur un vol précédent opéré au moyen du même aéronef et ayant entraîné un déroutement de l’aéronef, et que cette circonstance devait être qualifiée d’« extraordinaire » au sens du Règlement sur les droits des passagers aériens (Règlement n° 261/2004 du 11 février 2004 N° Lexbase : L0330DYU) qui l’exonérait de son obligation d’indemnisation prévue par ce même Règlement. C’est dans ces circonstances que le juge portugais saisi de ce litige a interrogé la CJUE afin de savoir si de telles circonstances pouvaient être qualifiées d’extraordinaires.

La décision.  La Cour retient, en premier lieu, que le comportement perturbateur d’un passager ayant entraîné un déroutement de l’aéronef met en cause la sécurité du vol concerné. Ce comportement n’est pas inhérent à l’exercice normal de l’activité du transporteur aérien. Toutefois, pour la Cour, le comportement en cause ne saurait être considéré comme échappant à la maîtrise effective du transporteur aérien effectif concerné et, partant, qualifié de « circonstance extraordinaire », s’il apparaît que le transporteur a contribué à la survenance du comportement ou s’il avait été en mesure de l’anticiper et de prendre les mesures appropriées à un moment où il pouvait le faire sans conséquences importantes sur le déroulement du vol concerné, en se fondant sur des signes avant-coureurs d’un tel comportement. Tel peut être notamment le cas si le transporteur aérien a procédé à l’embarquement d’un passager présentant des troubles du comportement déjà avant, voire pendant l’embarquement.

En deuxième lieu, la Cour précise qu’un transporteur aérien doit pouvoir se prévaloir d’une « circonstance extraordinaire » ayant affecté un vol précédent opéré par lui-même au moyen du même aéronef, à la condition qu’il existe un lien de causalité directe entre la survenance de cette circonstance ayant affecté un vol précédent et le retard ou l’annulation d’un vol ultérieur.

En troisième lieu, la Cour considère que, en cas de survenance d’une « circonstance extraordinaire », le transporteur aérien doit mettre en œuvre tous les moyens à sa disposition pour assurer un réacheminement raisonnable, satisfaisant et dans les meilleurs délais, au nombre desquels figure la recherche d’autres vols directs ou indirects opérés éventuellement par d’autres transporteurs aériens appartenant ou non à la même alliance aérienne et arrivant à un horaire moins tardif que le vol suivant du transporteur aérien concerné.

Dès lors, le transporteur aérien ne saurait être considéré comme ayant mis en œuvre tous les moyens dont il disposait en se limitant à offrir au passager concerné un réacheminement vers sa destination finale par le vol suivant opéré par lui-même et arrivant à destination le lendemain du jour initialement prévu pour son arrivée, sauf s’il n’existe aucun siège disponible sur un autre vol direct ou indirect permettant à ce passager d’atteindre sa destination finale à un horaire moins tardif que le vol suivant du transporteur aérien concerné ou que la réalisation d’un tel réacheminement constitue pour ce transporteur aérien un sacrifice insupportable au regard des capacités de son entreprise au moment pertinent.

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Urbanisme

[Brèves] Pas d’obligation de consultation du maire d'arrondissement dans le cadre d’une procédure de préemption

Réf. : CE 1° et 4° ch.-r., 10 juin 2020, n° 428072, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A27743N3)

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par Yann Le Foll

Le 17 Juin 2020

Si les dispositions de l'article L. 2511-30 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L4128LIQ), applicables à Paris, Marseille et Lyon, prévoient, de façon générale, que le maire d'arrondissement soit préalablement consulté pour avis sur les projets d'acquisition ou d'aliénation d'immeubles ou de droits immobiliers réalisées par la commune dans l'arrondissement, elles prévoient seulement, s'agissant spécialement des procédures de préemption, que le maire d'arrondissement soit informé des déclarations d'intention d'aliéner des biens situés dans cet arrondissement et soit informé, chaque mois, des suites qui leur ont été réservées (CE 1° et 4° ch.-r., 10 juin 2020, n° 428072, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A27743N3).

Grief. En l'espèce, pour juger que le maire du vingtième arrondissement avait été informé de la déclaration d'intention d'aliéner litigieuse, la cour administrative d'appel (CAA Paris, 1ère ch., 13 décembre 2018, n° 18PA00245 N° Lexbase : A6674YQA) a relevé que la commune avait produit la liste des déclarations d'intention d'aliéner enregistrées entre le 3 et le 9 septembre 2015, sur laquelle figurait la parcelle promise à la vente à la société X, et que le maire du vingtième arrondissement en avait été destinataire le 10 septembre.

Décision. En se fondant sur ces éléments pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 2511-30 du Code général des collectivités territoriales, tout en ajoutant que la société requérante n'apportait aucun élément au soutien de son allégation selon laquelle le maire d'arrondissement aurait pu ne pas recevoir cette liste, adressée de manière hebdomadaire à chaque maire d'arrondissement pour les déclarations d'intentions d'aliéner des immeubles situés dans son arrondissement, la cour, qui n'a pas fait peser sur la société requérante la charge de prouver des faits qu'elle aurait avancés, n'a pas commis d'erreur de droit et s'est livrée à une appréciation souveraine des pièces versées au dossier qui est exempte de dénaturation (v. L’exercice du droit de préemption : la compétence interne, in Droit de l’urbanisme N° Lexbase : E5656E7M).

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