Le Quotidien du 1 novembre 2021

Le Quotidien

Arbitrage

[Brèves] Nullité de la convention d’arbitrage ad hoc identique à la clause d’arbitrage insérée dans un TBI intra-UE

Réf. : CJUE, 26 octobre 2021, aff. C-109/20, PL Holdings (N° Lexbase : A23077AP)

Lecture: 3 min

N9270BYY

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par Lalaina Chuk Hen Shun, Docteur en droit

Le 03 Novembre 2021

► Les articles 267 (N° Lexbase : L2581IPB) et 344 (N° Lexbase : L2667IPH) du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne s’opposent à ce qu’un État membre conclue avec un investisseur d’un autre État membre une convention d’arbitrage ad hoc rendant possible la poursuite d’une procédure d’arbitrage engagée sur le fondement d’une clause d’arbitrage identique insérée dans un Traité bilatéral de protection des investissements (TBI) conclu entre ces deux États membres.

Faits. En 2013, à la suite d’une opération de fusion, une société de droit luxembourgeois détient 99,6 % des actions d’une banque polonaise. En juillet de la même année, la Komisja Nadzoru Finansowego, un organisme chargé de la surveillance des banques et des établissements de crédit en Pologne, suspend les droits de vote attachés aux titres de la société luxembourgeoise au sein de la banque et ordonne la vente forcée des titres.

Procédures. Sur le fondement d’un Traité bilatéral de protection des investissements (TBI) entre l’Union économique belgo-luxembourgeoise et la Pologne, la société luxembourgeoise introduit une procédure d’arbitrage contre la Pologne devant la Stockholm Chamber of Commerce (SCC). Le tribunal arbitral se déclare compétent sur le fondement du TBI et, par sentence du 28 septembre 2017, condamne la République de Pologne à verser des dommages et intérêts à la société luxembourgeoise pour expropriation indirecte.

L’État polonais forme un recours contre la sentence devant le Svea hovrätt (cour d’appel siégeant à Stockholm) en soutenant, notamment, que les stipulations du TBI relatives à l’arbitrage sont contraires au droit de l’Union. Si elle admet que l’arrêt « Achmea » (CJUE, 6 mars 2018, aff. C-284/16 N° Lexbase : A0668XGT) implique la nullité de la clause d’arbitrage insérée dans le traité, le juge suédois rejette néanmoins le recours en considérant qu’une convention d’arbitrage ad hoc distincte a tacitement été conclue dès lors qu’une volonté commune des parties à résoudre le différend par voie d’arbitrage résulte de l’absence de contestation valable de la compétence arbitrale dans les délais légaux.

Question préjudicielle. La République de Pologne forme pourvoi contre la décision de la Svea hovrätt devant le Högsta domstolen (Cour suprême), qui sursoit à statuer et saisit la CJUE pour demander si une telle convention d’arbitrage ad hoc est valide.

Réponse de la CJUE. La Cour réaffirme d’abord le principe, posé par l’arrêt « Achmea » précité, et entériné par l’accord du 29 mai 2020, selon lequel la clause d’arbitrage insérée dans un TBI entre États membres est contraire au droit de l’Union. Ensuite, le juge européen considère qu’une convention d’arbitrage ad hoc reprenant le contenu que la clause constitue un contournement de la nullité. Pour éviter que cette « approche » se multiplie de sorte que le principe posé par l’arrêt « Achmea » soit écarté, la Cour affirme que « toute tentative d’un État membre de remédier à la nullité d’une clause d’arbitrage au moyen d’un contrat avec un investisseur d’un autre État membre […] serait susceptible d’entacher d’illégalité la cause même de ce contrat dès lors qu’elle serait contraire aux dispositions et principes fondamentaux régissant l’ordre juridique de l’Union ».

Solution. La Cour conclut que le juge national est tenu d’annuler une sentence arbitrale.

Pour aller plus loin : v. L. Chuk Hen Shun, ÉTUDE : L’arbitrage, Autres modes d'expression du consentement, in Procédure civile, (dir. E. Vergès), Lexbase (N° Lexbase : E30144YB).

newsid:479270

Droit des biens

[Brèves] Indemnité au titre des avances sur les deniers personnels de l’indivisaire : quid en cas de prise en charge des mensualités de l’emprunt par l’assureur ?

Réf. : Cass. civ. 1, 20 octobre 2021, n° 20-11.921, FS-B (N° Lexbase : A5245497)

Lecture: 2 min

N9185BYT

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par Aude Lelouvier

Le 28 Octobre 2021

► Ne peut ouvrir droit à indemnité au titre des sommes avancées nécessaires à la conversation d’un bien indivis au sens de l’article 815-13 du Code civil pour, le remboursement d’un emprunt pris en charge par l’assurance des concubins et directement versé entre les mains de l’établissement prêteur.

Dans cet arrêt, la Cour de cassation opère une mise au point sur l’article 815-13 du Code civil (N° Lexbase : L1747IEG) en indiquant que, pour qu’il soit tenu compte à un indivisaire, lorsqu’il a avancé sur ses deniers des sommes nécessaires à la conservation d’un bien indivis, encore faut-il établir que ces deniers soient entrés dans son patrimoine en amont…

En l’espèce, des concubins avaient solidairement souscrit deux emprunts pour l’acquisition d’un immeuble et avaient adhéré à une assurance garantissant le remboursement du prêt en cas d’invalidité. Or, l’un des concubins s’est retrouvé en invalidité durant plusieurs mois, l’assurance prenant le relais pour rembourser les mensualités de l’emprunt.

À la suite de la séparation des concubins, le concubin en invalidité, prétendait donc au remboursement des sommes versées par son assurance considérant que l’assurance s’était substituée à sa personne pour financer les mensualités des emprunts.

Or, cour d’appel et Cour de cassation ont considéré que le concubin invalide n’avait exposé aucune dépense sur ses deniers personnels lui permettant d’obtenir de l’indivision une indemnité correspondant aux sommes versées pour son compte. En effet, comme le rappellent les magistrats du Quai de l’Horloge, en vertu des dispositions du contrat d’assurance, l’établissement prêteur recueillait directement l’indemnité versée par l’assureur qui s’était substitué à l’assuré pour le remboursement du solde des prêts garantis. En effet, bien que l’assureur substitue l’assuré, il règle directement les mensualités de remboursement entre les mains de l’établissement bancaire, sans que celles-ci n’entrent dans le patrimoine de l’assuré. Par conséquent, dans la mesure où les mensualités de remboursement n’intègrent pas le patrimoine personnel de l’assuré, celui-ci ne saurait prétendre à une quelconque indemnité au titre de l’article 815-13 du Code civil qui ne joue que lorsque l’indivisaire a effectué une avance sur ses deniers personnels.

Dans le même sens, dans une situation similaire mais différente, dans le cas où l’indivisaire avait versé les échéances de l'emprunt à l'établissement prêteur et où elles lui avaient été remboursées par l'assureur au titre de la garantie invalidité, de sorte que l'indivisaire n'avait exposé aucune dépense de ses deniers personnels : cf. Cass. civ. 1, 28 mars 2018, n° 17-18.127, F-D (N° Lexbase : A8611XIR).

newsid:479185

Élections professionnelles

[Brèves] Contestation de la perte de la qualité d’établissement distinct : pas d’action possible pour les salariés

Réf. : Cass. soc., 20 octobre 2021, n° 20-60.258, F-B (N° Lexbase : A525249E)

Lecture: 2 min

N9248BY8

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par Charlotte Moronval

Le 29 Octobre 2021

► La contestation de la décision unilatérale de l’employeur constatant la perte du caractère distinct d’un établissement n’est pas ouverte aux salariés.

Faits et procédure. Une société organise des élections professionnelles. Au moment de la négociation de leur périmètre de mise en place, l’employeur et les organisations syndicales ne parviennent pas à trouver un accord.

Une société organise des élections professionnelles. Après l’échec du processus de négociation des périmètres de mise en place de ces comités, l’employeur fixe leur nombre par décision unilatérale. La Dreets confirme ces périmètres et la décision de l’employeur est elle-même confirmée par le tribunal d’instance.

Au cours du processus électoral, et alors que les élections avaient été annulées par le juge, l’employeur, par décision unilatérale, décide de la perte de la qualité d’un établissement distinct ainsi que du transfert d’agence de l’établissement vers un autre. Des salariés saisissent le juge et lui demandent de suspendre les effets de la décision unilatérale de l’employeur ainsi que l’organisation d’élections sur le périmètre de l’établissement.

Déboutés de leurs demandes, ils forment un pourvoi en cassation.

La solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale rejette le pourvoi.

En l’espèce, le tribunal retient qu’à la suite d’une réorganisation de l’entreprise, l’employeur avait invité les organisations syndicales représentatives à négocier sur la perte de qualité d’un établissement distinct, et que, faute d’accord, il avait constaté cette perte et le rattachement des salariés à un autre établissement par la décision unilatérale sur laquelle aucune organisation syndicale n’a formé recours.

Le tribunal en a déduit à bon droit que les salariés n’étaient pas recevables à demander la suspension des effets de cette décision unilatérale et l’organisation d’élections sur un périmètre n’étant plus reconnu comme constituant un établissement distinct.

Pour en savoir plus : v. ÉTUDE : Les conditions de mise en place du comité social et économique, La détermination du périmètre de mise en place du comité social et économique, in Droit du travail, Lexbase (N° Lexbase : E9046ZQ4).

newsid:479248

Entreprises en difficulté

[Brèves] Annulation de l’ordonnance du juge-commissaire autorisant un paiement prohibé : prescription de l’action en restitution

Réf. : Cass. com., 20 octobre 2021, n° 20-16.231, F-B (N° Lexbase : A524249Z)

Lecture: 3 min

N9186BYU

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par Vincent Téchené

Le 29 Octobre 2021

► L'action en restitution du paiement effectué en exécution d'un contrat de transport, exercée après l'annulation de l'ordonnance du juge-commissaire autorisant le transporteur à transiger avec le donneur d'ordres pour ne payer qu'une fraction de la créance du voiturier, ne constitue pas une action à laquelle peut donner lieu le contrat de transport au sens de l'article L. 133-6 du Code de commerce (N° Lexbase : L4810H9Z) ; elle est donc soumise, non à la prescription d’un an prévue par ce dernier texte, mais à la prescription de trois ans prévue par l'article L. 622-7 (N° Lexbase : L9121L7X), relatif à l’interdiction des paiements de créances antérieures.

Faits et procédure. Un juge-commissaire a autorisé une société à transiger avec l'un de ses créanciers qui lui avait facturé des prestations de transports avant sa mise en redressement judiciaire consécutive à la résolution de son plan de sauvegarde, prononcée le 25 mai 2016. Cette transaction prévoyait un abandon, à concurrence de 10 %, de sa créance par le créancier et sa renonciation à exercer l'action directe qui lui était ouverte par l'article L. 132-8 du Code de commerce (N° Lexbase : L5640AIQ) contre les clients de la débitrice, en contrepartie du paiement par celle-ci d’une certaine somme. La débitrice a été mise en liquidation judiciaire. L'ordonnance du juge-commissaire autorisant la transaction, qui avait fait l'objet d'un recours formé par le mandataire judiciaire, ayant été annulée par un jugement du 4 janvier 2017, le liquidateur a assigné, le 3 octobre 2018, la créancière en annulation du paiement de la somme convenue dans la transaction.

La cour d’appel (CA Lyon, 26 novembre 2020, n° 20/02415 N° Lexbase : A797137D) ayant déclaré le liquidateur recevable et bien-fondé à agir en annulation du paiement effectué par la débitrice au profit du créancier et condamné ce dernier à en rembourser le montant, il a formé un pourvoi en cassation.

Décision. La Cour de cassation censure ici l’arrêt d’appel. Elle retient que l'ordonnance du juge-commissaire, qui autorisait un paiement prohibé, ayant été annulée, c'est en tirant la conséquence de l'effet rétroactif du jugement prononçant son annulation et en faisant l'exacte application de l'article L. 622-7 du Code de commerce que l'arrêt d’appel a retenu qu'en raison de cette décision, le paiement n'avait pas été autorisé et que l'action tendant à son annulation et à la restitution des fonds, qui ne constituait pas une action à laquelle peut donner lieu le contrat de transport au sens de l'article L. 133-6 du même code, était soumise, non à la prescription par un an prévue par ce dernier texte, mais à la prescription par trois ans prévue par l'article L. 622-7.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : L'interdiction des paiements, Les sanctions civiles, in Entreprises en difficulté, (dir. P.-M. Le Corre), Lexbase (N° Lexbase : E5204EUB).

 

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Fiscalité des particuliers

[Brèves] Revenus distribués provenant d’une SEL : quelles contributions sociales pour la fraction excédant 10 % du capital social, des primes d’émission et des sommes versées en compte courant ?

Réf. : CE 8° et 3° ch.-r., 20 octobre 2021, n° 440375, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A650249P)

Lecture: 4 min

N9237BYR

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par Marie-Claire Sgarra

Le 29 Octobre 2021

Si les revenus distribués ont en principe le caractère de revenus des capitaux mobiliers passibles de la contribution sociale sur les revenus du patrimoine, ceux provenant d'une société d'exercice libéral doivent être regardés, pour leur assujettissement aux prélèvements sociaux, comme des revenus d'activité pour leur fraction excédant 10 % du capital social et des primes d'émission ainsi que des sommes versées en compte courant ;

Cette fraction entrant ainsi dans le champ des contributions portant sur les revenus d'activité, elle ne saurait être soumise à celles assises sur les revenus du patrimoine.

Les faits :

  • une SELAS dont le requérant exerçait la gérance et était associé à hauteur de 50,12 %, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration, après avoir regardé la comptabilité comme irrégulière et non probante et procédé à la reconstitution de son chiffre d'affaires, l'a assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et à des rappels de TVA ;
  • au titre de l'exercice clos en 2009, les suppléments de bénéfice mis en évidence par la vérification ont été regardés comme des revenus distribués au requérant, imposables entre ses mains ;
  • le tribunal administratif de Lyon a substitué à la pénalité au taux de 80 % celle de 40 % pour manquement délibéré et rejeté le surplus des conclusions ;
  • le Conseil d'État, statuant au contentieux a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi formé par les requérants contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles rejetant leur appel contre ce jugement, en tant seulement que cet arrêt a statué sur leurs conclusions tendant à la réduction de l'assiette des contributions sociales sur les revenus du patrimoine auxquelles ils ont été assujettis ainsi que des pénalités correspondantes.

🔎 Principes :

  • sont considérés comme revenus distribués tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (CGI, art. 109 N° Lexbase : L2060HLU) ;
  • pour l'application de l'article 109, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés (CGI, art. 110 N° Lexbase : L2063HLY).

⚖️ Solution du CE. La CAA a entaché son arrêt d'une erreur de droit en jugeant que l'administration fiscale avait pu légalement assujettir les requérants aux prélèvements sociaux applicables aux revenus du patrimoine à raison de la fraction excédant le seuil de 10 % des revenus réputés distribués, taxés entre leurs mains à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, au motif qu'ils n'établissaient pas que ces revenus auraient été soumis à la contribution sur les revenus d'activité.

💡 Sur l'exclusivité réciproque des deux catégories d'imposition, le CE a, par une décision rendue le 20 mars 2017, réglé un litige fiscal posant la question de l'articulation entre les contributions sociales sur les revenus d'activité et de remplacement régies par les articles L. 136-1 (N° Lexbase : L0432LCY) à L. 136-3 (N° Lexbase : L6945LNK) du Code de la Sécurité sociale et les contributions sociales sur les revenus du patrimoine régies par l'article L. 136-6 du même Code (N° Lexbase : L1361LDR) (CE 10° et 9° ch.-r., 20 mars 2017, n° 395128, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A9394UEN).

👉 Lire sur cette affaire les conclusions du Rapporteur public, A. Bretonneau, Lexbase Fiscal, avril 2017, n° 695 (N° Lexbase : N7743BWP).

💡 Plus récemment, le CE a jugé qu’alors même qu’un stock a été constitué au cours de la période d'activité de l'intéressé, les revenus tirés de cette cession ont été perçus alors que le requérant n'était plus en activité et qu'à défaut d'entrer dans le champ des contributions sur les revenus d'activité et de remplacement, ils devaient être soumis à la contribution sur les revenus du patrimoine (CE 3° et 8° ch.-r., 2 avril 2021, n° 428084, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A50294NL) .

 

newsid:479237

Fiscalité locale

[Brèves] TEOM : prise en compte des dépenses de services transversaux dans le calcul de la taxe

Réf. : CE 3° et 8° ch.-r., 22 octobre 2021, n° 434900, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A01607A8)

Lecture: 5 min

N9263BYQ

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par Marie-Claire Sgarra

Le 29 Octobre 2021

Le Conseil d’État a jugé, dans un arrêt en date du 22 octobre 2021, que pouvaient être prises en compte pour le calcul de la TEOM les dépenses correspondant à une quote-part du coût des directions ou services transversaux centraux de la collectivité.

Les faits :

  • une association a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les délibérations du conseil de la métropole du 21 mars 2016 ayant adopté le budget primitif de l'année 2016 et fixé les taux de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères pour cette même année ;
  • le tribunal a annulé la délibération fixant les taux de la taxe pour l'année 2016 et rejeté les conclusions dirigées contre la délibération adoptant le budget primitif ;
  • la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté, d'une part, l'appel formé par la métropole de Lyon contre ce jugement et l'appel incident de l'association contre ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de la délibération approuvant le budget primitif 2016 (CAA Lyon, 25 juillet 2019, n° 18LY03504 N° Lexbase : A4042ZLB).

🔎 Principe. Les communes qui assurent au moins la collecte des déchets des ménages peuvent instituer une taxe destinée à pourvoir aux dépenses du service de collecte et de traitement des déchets ménagers et des déchets mentionnés à l'article L. 2224-14 du CGCT (N° Lexbase : L9628INW), dans la mesure où celles-ci ne sont pas couvertes par des recettes ordinaires n'ayant pas le caractère fiscal (CGI, art. 1520 N° Lexbase : L8981LNX).

👉 La TEOM susceptible d'être instituée sur le fondement de ces dispositions n'a pas le caractère d'un prélèvement opéré sur les contribuables en vue de pourvoir à l'ensemble des dépenses budgétaires, mais a exclusivement pour objet de couvrir les dépenses exposées par la commune ou l'établissement de coopération intercommunale compétent pour assurer l'enlèvement et le traitement des ordures ménagères et des déchets et non couvertes par des recettes non fiscales affectées à ces opérations.

👉 Le produit de cette taxe et, par voie de conséquence, son taux, ne doivent pas être manifestement disproportionnés par rapport au montant des dépenses exposées pour ce service, déduction faite, le cas échéant, du montant des recettes non fiscales de la section de fonctionnement.

👉 Les dépenses susceptibles d'être prises en compte sont constituées de la somme de toutes les dépenses de fonctionnement réelles exposées pour le service public de collecte et de traitement des déchets ménagers et des déchets et des dotations aux amortissements des immobilisations qui lui sont affectées, telle qu'elle peut être estimée à la date du vote de la délibération fixant le taux de la taxe.

⚖️ Pour juger disproportionné le taux de TEOM adopté par le conseil de la métropole de Lyon pour l'année 2016, la cour administrative d'appel a retenu qu'il n'y avait pas lieu d'inclure, dans les dépenses de fonctionnement à prendre en compte au titre du service public de collecte et de traitement des déchets ménagers, les dépenses représentatives de la quote-part d'activité de chaque service transversal de la métropole de Lyon, au motif que la ventilation de ces dépenses par service au moyen d'une comptabilité analytique dénuée de clef de répartition ne permettait pas d'établir que ces dépenses auraient été exposées pour le fonctionnement du seul service de collecte et de traitement des déchets.

⚖️ Solution du CE. « En jugeant que la comptabilité analytique produite par la métropole de Lyon ne comportait pas de clef de répartition permettant d'établir si les dépenses en cause étaient directement exposées pour le service de collecte et de traitement des déchets, la cour administrative d'appel a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis ». La métropole de Lyon est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

💡 Rappel des jurisprudences antérieures relatives au taux de la TASCOM

Le Conseil d’État a, au fil des années, assoupli sa position concernant le taux de la TEOM. Le point de départ de ce changement de cap est un arrêt du 31 mars 2014, la célèbre affaire « Auchan » (CE 3° et 8° ssr., 31 mars 2014, n° 368111, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A6437MIA). Dans cette décision, le CE a apporté des clarifications concernant le champ d'application et la détermination du taux de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères et en a exclu les « déchets assimilés » produits par les entreprises et les administrations. Par ailleurs, lorsque la TEOM est instituée, une redevance spéciale doit obligatoirement être instaurée pour couvrir ces coûts de gestion des déchets dits « assimilés ».

Dans un autre arrêt marquant en date du 25 juin 2018 (CE 3° et 8° ch.-r., 25 juin 2018, n° 414056, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A9105XTE), le CE a précisé que la somme des excédents de fonctionnement résultant de l’exécution des budgets des années précédentes et reportée en section de fonctionnement n’a pas à être prise en compte au titre des recettes du service.

 

newsid:479263

Fonction publique

[Brèves] Suspension de l’entrée en vigueur de deux dispositions du nouveau règlement du temps de travail des agents de la Ville de Paris

Réf. : TA Paris, 25 octobre 2021, n° 2121032 (N° Lexbase : A23127AU)

Lecture: 2 min

N9264BYR

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par Yann Le Foll

Le 29 Octobre 2021

► L’entrée en vigueur de deux dispositions du nouveau règlement du temps de travail des agents de la Ville de Paris est suspendue, un doute sérieux existant quant à leur légalité.

Rappel. La loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique (N° Lexbase : L5882LRB) a imposé aux collectivités territoriales l’adoption d’un nouveau règlement du temps de travail pour leurs agents. Celui-ci devait entrer en vigueur au plus tard le 1er janvier 2022.

Faits. Le conseil de la Ville de Paris a adopté, par une délibération de juillet 2022, le nouveau règlement du temps de travail des personnels de la Ville de Paris. Ce dernier, long de cinquante pages, réglemente l’ensemble des conditions de travail des agents municipaux (cycles de travail, aménagement du temps de travail, congés, absence, etc.). Il prévoyait notamment, d’une part, que son entrée en vigueur serait échelonnée tout au long du premier semestre de l’année 2022 et, d’autre part, que l’ensemble des agents de la Ville de Paris devaient bénéficier de trois jours de RTT supplémentaires, en raison de la « sursollicitation » du territoire et des services publics parisiens liée à l’activité de la ville-capitale et des niveaux importants de bruit et de pollution atmosphérique auxquels ils sont exposés.

Grief. Le préfet de la région d’Île-de-France, préfet de Paris, a estimé que ces deux dispositions étaient illégales. Il a donc, dans le cadre du contrôle de légalité qu’exerce l’État sur les actes de collectivités territoriales, demandé à la Ville de Paris de retirer ces dispositions. À la suite du refus de la Ville de Paris, l’autorité préfectorale a saisi le tribunal administratif de Paris sur le fondement des dispositions de l’article L. 2131-6 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L7480L78) (déféré préfectoral).

Ordonnance. Le juge des référés a notamment estimé que le moyen tiré de ce que l'octroi au bénéfice de la totalité des agents de la Ville de Paris, indépendamment de la nature de leur mission et de la définition des cycles de travail qui en résultent, de jours de réduction du temps de travail fondés, de manière générale, sur la « sursollicitation » de ces agents et sur les niveaux de bruits et de pollution atmosphérique auxquels ils sont exposés, est propre à créer un doute sérieux quant à la légalité du  point 1.5.2 du règlement du temps de travail des personnels de la Ville de Paris qui contient cette disposition.

Conséquence. Les deux mesures décidées par la Ville de Paris n’entreront donc pas en vigueur le 1er janvier 2022. Enfin, le juge des référés a informé les parties que le jugement de l’affaire au fond interviendrait avant la fin du premier trimestre 2022.

newsid:479264

Marchés publics

[Brèves] Office du juge saisi de la validité d’une PAO : obligation de replacer les parties au stade précédant l’apparition du vice sanctionné

Réf. : Cass. com., 13 octobre 2021, n° 19-24.904, F-B (N° Lexbase : A325149B)

Lecture: 3 min

N9218BY3

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par Yann Le Foll

Le 29 Octobre 2021

► Le juge saisi de la validité d’une procédure d’appel d’offres tend à corriger les vices éventuels du processus, de sorte que le juge doit replacer les parties au stade où elles se trouvaient immédiatement avant l’apparition du vice sanctionné.

Faits. Était ici en cause la régularité de la procédure d'appel d'offres engagée par une société d'habitation à loyers modérés, relatif à l'infogérance des serveurs et l'interconnexion des sites du groupe de sociétés auquel elle appartient.

Rappel. Aux termes de l'article 3 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009, relative aux procédures de recours applicables aux contrats de la commande publique (N° Lexbase : L1548IE3), à la demande du requérant, le juge peut prendre les mesures provisoires tendant à ce qu'il soit ordonné à la personne morale responsable du manquement de se conformer à ses obligations et, le cas échéant, à ce que soit suspendue la procédure de passation du contrat ou l'exécution de toute décision qui s'y rapporte, sauf s'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts en présence, et notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l'emporter sur leurs avantages (Cass. com., 26 mai 2009, n° 08-14.534, F-P+B N° Lexbase : A3874EHX).

Position TGI. L'ordonnance attaquée a annulé la procédure d'appel d'offres et enjoint à la société de la reprendre après avoir relevé que l'offre d’un candidat apparaissait anormalement basse puisqu'elle était de plus de 50 % inférieure à l'offre la moins-disante proposée par un opérateur pourtant de surface technique, commerciale et financière similaire et que la société avait procédé à l'attribution du marché sans solliciter d'explications complémentaires sur les motifs de cet écart. Rappelons, toutefois, qu’il a été jugé qu’une différence de prix de 52 % entre l'offre de deux candidats ne saurait établir, à elle seule, que l'offre la moins élevée était anormalement basse (CE 2° et 7° s-s-r., 4 mai 2016, n° 396590, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A4664RN3).

Décision CCass. En prononçant l’annulation de la procédure d’appel d’offres en son entier et en renvoyant la société à la reprendre ab initio, après avoir pourtant retenu que la procédure était seulement rendue irrégulière par l’analyse qu’avait fait le pouvoir adjudicateur des offres reçues, de sorte qu’il lui incombait seulement de renvoyer la société à reprendre sa procédure au stade de l’analyse des offres, le président du tribunal de grande instance a violé l’article 3 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Le contentieux de la commande publique, Le référé précontractuel, in Droit de la commande publique, (dir. N. Lafay, E. Grelczyk), Lexbase (N° Lexbase : E62583QT).

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Procédure civile

[Jurisprudence] Compétence du CME pour statuer sur la recevabilité de l’appel en cause de l’article 552, alinéa 2, du CPC et conséquences de la caducité de la déclaration d’appel à l’égard d’un propriétaire indivis

Réf. : Cass. civ. 2, 30 septembre 2021, n° 19-24.580, F-B (N° Lexbase : A0504488)

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N9178BYL

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par Yves Strickler, Professeur à l’Université Côte d’Azur, membre du Haut Conseil de la Magistrature de la Principauté de Monaco

Le 03 Novembre 2021


Mots-clés : Appel (en matière civile) • Caducité • Recevabilité • Indivisibilité du litige

Impact : L’article 552 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6703H7E) ne permet pas de former une nouvelle déclaration d’appel à l’égard d’une partie à l’encontre de laquelle une déclaration d’appel avait déjà été dirigée et qui est devenue caduque. Quand le litige est indivisible, la conséquence est importante puisqu’elle va emporter la caducité de l’appel à l’égard de toutes les autres parties.


 

En principe, « les actes accomplis par ou contre l’un des coïntéressés ne profitent ni ne nuisent aux autres » (CPC, art. 324 N° Lexbase : L8423IRE). Mais il est des cas dans lesquels la situation qui lie les différentes parties à une procédure commande qu’elles se voient appliquer une même règle et de mêmes effets. On ne saurait diviser des situations qui ne peuvent être séparées [1]. L’indivisibilité [2] crée ainsi une situation dans laquelle le jugement à intervenir va nécessairement toucher toutes les personnes intéressées. Elle est donc spécifiquement encadrée par les textes. D’où des dérogations au principe, qui sont prévues par l’article 324, parmi lesquelles les articles 552 et 553 (N° Lexbase : L6704H7G) du code précité.

Les principaux textes du CPC qu’il convient d’avoir à l’esprit sont les cinq suivants [3] :

Article 324 : « Les actes accomplis par ou contre l’un des coïntéressés ne profitent ni ne nuisent aux autres, sous réserve de ce qui est dit aux articles 474 (N° Lexbase : L6588H77), 475 (N° Lexbase : L6589H78), 529 (N° Lexbase : L6678H7H), 552, 553 et 615 (N° Lexbase : L6773H7Y). »

Article 529 : « En cas de condamnation solidaire ou indivisible de plusieurs parties, la notification faite à l’une d’elles ne fait courir le délai qu’à son égard.

Dans les cas où un jugement profite solidairement ou indivisiblement à plusieurs parties, chacune peut se prévaloir de la notification faite par l’une d’elles. »

Article 552 : « En cas de solidarité ou d’indivisibilité à l’égard de plusieurs parties, l’appel formé par l’une conserve le droit d’appel des autres, sauf à ces dernières à se joindre à l’instance.

Dans les mêmes cas, l’appel dirigé contre l’une des parties réserve à l’appelant la faculté d’appeler les autres à l’instance.

La cour peut ordonner d’office la mise en cause de tous les co-intéressés. »

Article 553 : « En cas d’indivisibilité à l’égard de plusieurs parties, l’appel de l’une produit effet à l’égard des autres même si celles-ci ne se sont pas jointes à l’instance ; l’appel formé contre l’une n’est recevable que si toutes sont appelées à l’instance. »

Article 911-1, alinéa 3 (N° Lexbase : L7243LEY) : « La partie dont la déclaration d’appel a été frappée de caducité en application des articles 902 (N° Lexbase : L7237LER), 905-1 (N° Lexbase : L7035LEB), 905-2 (N° Lexbase : L7036LEC) ou 908 (N° Lexbase : L7239LET) ou dont l’appel a été déclaré irrecevable n’est plus recevable à former un appel principal contre le même jugement et à l’égard de la même partie. »

En l’espèce, un tribunal de grande instance a déclaré irrecevable une demande tendant à ce que les propriétaires indivis d’un bien immobilier soient condamnés à en consentir la vente par acte authentique. Appel a été interjeté. Par ordonnance du 12 février 2018, le conseiller de la mise en état a constaté la caducité de la déclaration d’appel à l’égard de l’une des parties car la déclaration ne lui avait pas été signifiée dans le délai d’un mois à compter de l’avis adressé par le greffe, délai prévu par l’article 902 du Code de procédure civile. Les demandeurs ont alors décidé de s’appuyer sur l’article 552, en son deuxième alinéa, pour considérer que l’indivisibilité du litige à l’égard des intimés devrait leur permettre d’appeler en la cause ladite personne. Le thème de l’indivisibilité du litige ayant fait son entrée dans les débats, les défendeurs initiaux ont sollicité le bénéfice de l’extension de la caducité prononcée à l’égard des autres indivisaires… Le conseiller de la mise en état, le 5 mars 2019, est allé dans le sens tracé par les propriétaires indivis, d’une part, en affirmant par application de l’article 552 du Code de procédure civile l’irrecevabilité de la mise en cause opérée et, d’autre part, en constatant que la déclaration d’appel était également caduque à l’égard des deux autres propriétaires indivis. Le 5 septembre de la même année, la cour d’appel a confirmé cette lecture et a assorti le tout d’une condamnation au titre de l’article 700 à hauteur de 1 500 euros, ce au bénéfice, in solidum, de chaque propriétaire indivis.

La Cour de cassation rappelle que l’article 552, alinéa 2, du Code de procédure civile permet à l’appelant, en cas de solidarité ou d’indivisibilité à l’égard de plusieurs parties, d’appeler en cause les parties omises, contre lesquelles l’appel n’avait pas initialement été dirigé. Mais cette faculté est limitée au cas où toutes les parties devaient être appelées à la cause et ne l’ont pas été.

En revanche, lorsque l’appelant a interjeté appel contre toutes les parties et a malencontreusement laissé déclarer caduque la déclaration d’appel à l’égard d’une partie, il ne saurait former un nouvel appel principal du même jugement à l’égard de cette même partie.

Les questions qui résultaient des critiques dirigées par l’auteur du pourvoi contre l’arrêt d’appel se concentraient en deux interrogations : d’abord, l’appréciation de la recevabilité de l’appel en cause d’une partie sur le fondement de l’article 552, alinéa 2, du Code de procédure civile relève-t-elle ou non de l’office du conseiller de la mise en état et par suite de la cour saisie du déféré de sa décision ? L’arrêt permet de ce point de vue de clarifier les pouvoirs du conseiller de la mise en état et de la cour saisie sur déféré de sa décision (I). Ensuite, lorsqu’un appel est caduc à l’égard d’un des intimés, l’appelant peut-il bénéficier d’une sorte de session de rattrapage et intimer à nouveau cette même partie en utilisant pour fondement l’article 552, alinéa 2, du Code de procédure civile ? Ce qui permet d’expliquer l’agencement des dispositions des articles 552 et 911 (N° Lexbase : L7242LEX) du Code de procédure civile (II).

I. Pouvoirs du conseiller de la mise en état et de la cour saisie sur déféré

Les pouvoirs reconnus au juge (A), sont accompagnés des modalités destinées à en assurer l’effectivité (B).

A. Le pouvoir de statuer sur la recevabilité de la mise en cause d’une partie

Le défendeur au pourvoi admettait que tant le conseiller de la mise en état que la cour d’appel statuant sur le déféré de sa décision puissent prononcer la caducité de l’appel conformément à l’article 914, texte qui indique que : « Les parties soumettent au conseiller de la mise en état, qui est seul compétent depuis sa désignation et jusqu’à la clôture de l’instruction, leurs conclusions, spécialement adressées à ce magistrat, tendant à :

  • prononcer la caducité de l’appel ;
  • déclarer l’appel irrecevable et trancher à cette occasion toute question ayant trait à la recevabilité de l’appel ; les moyens tendant à l’irrecevabilité de l’appel doivent être invoqués simultanément à peine d’irrecevabilité de ceux qui ne l’auraient pas été ; […] »

En effet, le conseiller de la mise en état avait constaté que le délai de signification de la déclaration d’appel prévu par l’article 902 n’avait pas été respecté à l’égard d’une partie. Il pouvait donc constater la caducité de l’appel [4].

Mais le pourvoi présenté à la Cour considérait que ces magistrats n’ont pas le pouvoir de statuer sur la recevabilité de la mise en cause d’une partie dans les conditions prévues à l'article 552, alinéa 2, du Code de procédure civile, peu importe à ce sujet que la caducité de l’appel à l’égard de certaines parties dépendait de la recevabilité de cette mise en cause. Il est vrai que, contrairement à la manière dont est rédigé le texte pour l’irrecevabilité, où « toute [autre] question » qui a « trait à la recevabilité de l’appel » entre dans les prévisions expresses du texte, la caducité n’est visée que directement. Ceci étant, c’est parce que la déclaration d’appel était caduque à l’égard d’une partie que l’irrecevabilité de l’appel à nouveau engagé mais sur le fondement de l’article 552, devait être tranchée. Or, l’irrecevabilité de la mise en cause, justement analysée comme nous le verrons comme un nouvel appel principal, est en lien direct avec la question de la caducité, de sorte qu’il aurait été artificiel de détacher son appréciation de la mission du conseiller de la mise en état. Il est donc heureux que la Haute juridiction ait retenu que la cour qui statue « sur déféré d’une ordonnance du conseiller de la mise en état, [est] compétente pour examiner la recevabilité de l’appel en cause […] sur le fondement de l’article 552, alinéa 2, du Code de procédure civile, qui s’analyse en un appel » (§ 11 de l’arrêt).

Comme les deux autres parties indivisibles avaient été régulièrement citées devant la cour, l’appelant entendait échapper à la caducité qui le frappait et pour cela, user d’une autre voie qui consistait à se prévaloir de l’article 552, alinéa 2, du Code de procédure civile. Comme le rappelle la Haute juridiction (§ 8 de l’arrêt), le texte réserve à l’appelant qui a agi contre une partie indivise la faculté d’appeler à l’instance les autres parties qui avaient obtenu gain de cause au premier degré mais qui avaient été omises lors de l’exercice du recours [5]. Ainsi, lorsque l’appelant a interjeté appel contre l’une des parties indivisibles, il peut encore appeler les autres. Ceci est vrai quand bien même les délais seraient expirés à leur égard [6].

L’intérêt pratique de la règle est évident lorsqu’elle est mise en parallèle avec les prescriptions de l’article 553 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6704H7G) qui indiquent in fine ‒ mais uniquement dans le cas d’indivisibilité, non en cas de solidarité ‒ que l’appel formé contre une partie indivisible ne sera recevable que si toutes ont été appelées à l’instance. En cas d’omission, l’article 552, alinéa 2, permet de la rattraper.

B. Les modalités procédurales

La faculté reconnue à l’appelant de former une « seconde déclaration d’appel […] pour appeler à la cause les parties omises dans la première déclaration d’appel régularise l’appel [et ceci], sans créer une nouvelle instance, laquelle demeure unique » [7]. C’est bien une « nouvelle déclaration d’appel » mais elle vise à « étendre l’intimation aux parties omises dans la déclaration d’appel initiale » comme l’affirme avec l’arrêt commenté, la Cour. Cette technique de la « seconde déclaration d’appel » se retrouve en d’autres endroits, par exemple pour régulariser une déclaration qui comporterait une erreur matérielle. Dans une telle occurrence, ce n’est pas la seconde mais bien cette première déclaration qui marquera le point de départ du délai de dépôt des conclusions, dans la mesure où elle s’inscrit dans l’instance déjà existante [8] et « s’incorpore » à elle [9]. Logiquement, c’est aussi la première déclaration qui lancera la date du délai offert à l’appelant pour conclure, de sorte que malgré l’affirmation selon laquelle il est possible d’appeler les personnes omises sans délai, celui prévu pour permettre à l’appelant de conclure, s’imposera tout de même [10].

La session de rattrapage ainsi offerte à l’appelant est laissée à son initiative mais aussi, le cas échéant, à celle de la cour d’appel qui, si la partie privée ne prend les devants, peut s’en saisir et ordonner la mise en cause de tous les intéressés (CPC, art. 552, al. 3). Cependant, ladite session n’est ouverte que si, par ailleurs, l’appel qui a été engagé contre une ou plusieurs autres parties indivisibles est « recevable à l’égard d’au moins une partie et que l’instance était encore en cours » [11]. Et logiquement, lorsque la déclaration d’appel n’a pas été signifiée à toutes les parties, la sanction de la caducité vaut « à l’égard de l’ensemble des intimés » [12].

L’indivisibilité a cette conséquence d’obliger d’appeler les parties à la cause, faute de quoi, comme a déjà pu l’indiquer la Haute juridiction, pourrait apparaître le risque d’ « une impossibilité juridique d’exécution simultanée de [deux] décisions tenant à leur contrariété irréductible » [13], outre que la chose jugée à l’égard de certaines parties pourrait alors ne pas être opposables aux autres alors même que la situation d’indivisibilité est réelle [14]. C’est pourquoi, en cas d’indivisibilité à l’égard de plusieurs parties, l’appel formé contre l’une n’est recevable que si toutes ces parties sont appelées à l’instance.

Sachant que l’appel est, en application de l’article 900 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L0916H4P), « formé par déclaration unilatérale ou requête conjointe, "les parties que l’appelant a omis d’intimer sont appelées à l’instance par voie de déclaration d’appel" » [15] ; il faut alors une nouvelle déclaration, séparée, en complément de celle déjà signifiée aux autres parties. Il s’agit donc bien, comme le juge la Cour de cassation, d’une nouvelle déclaration d’appel, qui a pour effet d’étendre l’intimation aux parties omises dans la déclaration d’appel initiale. Nous ne sommes pas ici dans le registre de l’intervention forcée qui, elle, vise les tiers à la première instance. Cette position jurisprudentielle déclarant irrecevable la demande à défaut d’avoir dirigé l’appel contre toutes les parties indivises n’est pas nouvelle [16].

Est-il possible d’aller au-delà et de former un nouvel appel principal du même jugement à l’égard de la même partie ? Ce serait cloisonner à tort les articles 552 et 911 du Code de procédure civile.

II. Agencement des dispositions des articles 552 et 911-1 du CPC

La Cour de cassation procède à une lecture combinée des articles 552, alinéa 2, et 911-1, alinéa 3 (A), dont le résultat ne porte pas atteinte aux exigences de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (B).

A. Une lecture combinée des articles 552, alinéa 2, et 911-1, alinéa 3

Les dispositions de l’article 911-1, alinéa 3, prévoient que « La partie dont la déclaration d’appel a été frappée de caducité en application des articles 902, 905-1, 905-2 ou 908 ou dont l’appel a été déclaré irrecevable n’est plus recevable à former un appel principal contre le même jugement et à l’égard de la même partie ». C’est pourquoi, aussi longtemps que « la première déclaration d’appel n’a pas encore été déclarée caduque, l’appelant est recevable à en former une seconde sous réserve qu’il se trouve encore dans le délai de recours » [17]. Inversement, en cas de caducité constatée, l’appel en cause doit être analysé comme un nouvel appel. La faculté réservée à l’appelant par l’article 552, alinéa 2, du Code de procédure civile d’appeler en cause les parties contre lesquelles il n’avait pas initialement dirigé son appel, ne répond pas à une même configuration et doit par suite se heurter à l’interdiction posée par l’article 911-1, alinéa 3. L’appel en cause n’est pas alors une extension de l’intimation aux parties omises, mais un nouvel appel dirigé contre une personne qui avait déjà vu un précédent appel dirigé contre elle. Il ne peut qu’être déclaré irrecevable.

Aussi, la Cour de cassation affirme-t-elle que la faculté offerte à l’appelant de rattraper une omission dans les cas où la recevabilité de l’appel est conditionnée à l’appel en cause de toutes les parties à l’instance, ne peut l’autoriser à former un nouvel appel principal du même jugement à l’égard de la même partie (§ 9 de l’arrêt). Il avait d’ailleurs déjà été jugé en 1999 que si l’article 552 du Code de procédure civile donne la faculté à l’appelant, en cas d’appel contre l’une des parties, d’en appeler une autre à l’instance, il ne lui était pas possible d’interjeter contre elle un appel distinct hors délai [18].

L’article 911-1, alinéa 3, est ainsi applicable à la mise en cause dans les conditions prévues à l’article 552 du Code de procédure civile d’une partie à l’égard de laquelle l’appel initialement formé a été déclaré caduc.

Cette solution est-elle de nature à fragiliser la procédure interne devant la Cour de Strasbourg ? La Cour de cassation, à raison, affirme le contraire.

B. Le respect de la Convention de sauvegarde

Les dispositions appliquées à la situation d’espèce organisent la procédure d’appel en tenant compte des diverses positions procédurales. Certes, elles aboutissent à restreindre l’accès au juge d’appel, mais la Haute juridiction affirme que ce n’est pas « d’une manière ou à un point tel que le droit s’en trouve atteint dans sa substance même ». Cette exigence signifie que la règle interne ne doit pas avoir pour conséquence la privation pure et simple pour le justiciable de son droit d’accès ; il faut un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but poursuivi. Dans son arrêt, la Cour de cassation dit de manière fort pédagogique que l’on ne saurait admettre qu’un appelant multiplie « les déclarations d’appel alors que sa déclaration initiale a régulièrement saisi la cour d’appel », ce à quoi aboutirait de fait la solution contraire. La finalité de bonne administration de la justice forme une limite admise au droit d’accès [19].

Quant à la vérification du degré de proportionnalité entre la règle appliquée et ses finalités, il suffit ici de dire qu’elle résulte de la cohérence inhérente à ces dispositions des articles 552 et 911-1 du Code de procédure civile. L’analyse retenue par l’arrêt est à approuver.

À retenir. En cas d’indivisibilité, il faut prendre garde aux effets procéduraux qu’une telle situation commande et ne pas négliger les contraintes qui en résultent. La caducité de l’appel interjeté contre une partie indivise emporte son extension aux autres parties indivises. La tentative qui serait faite d’attraire la première à l’instance par la voie détournée de la mise en cause de l’article 552 est vouée à l’échec, et l’irrecevabilité de la mise en cause qui en est résultée met en évidence le fait que, dans l’espèce commentée, toutes les parties n’avaient pas été appelées à l’instance. La déclaration d’appel s’en est aussi retrouvée caduque à l’égard des autres parties indivises.

La sanction de la caducité est rude et suppose donc une vigilance accrue. Car contrairement à la nullité qui peut être régularisée aussi longtemps que le juge ne s’est pas prononcé [20] et qui, lorsqu’elle est prononcée, n’efface pas l’effet interruptif attaché à la déclaration initiale [21], la caducité ferme, pour tous dans le cas d’indivisibilité, la porte du recours.


[1] Rappr. Rép. Proc. civ. Dalloz, F. Ferrand, V° « Appel », actualisation : juillet 2021, n° 651.

[2] Sur la différence entre indivisibilité et solidarité, v. P. Chevalier, J.-Cl. Proc. civ. LexisNexis, Fasc. 105, V° « Parties à l’instance », dernière mise à jour : 16 mars 2016, n° 76.

[3] Passages soulignés par nous.

[4] Adde et rappr. Cass. civ. 2, 14 novembre 2013, n° 12-25.872, F-D (N° Lexbase : A6061KP8).

[5] Par ex. Cass. civ. 3, 23 juin 1999, JCP éd. G n° 9, 1er mars 2000, II. 10260.

[6] Cass. com., 23 mai 1989, n° 88-10.974 (N° Lexbase : A1106CZY) ; Cass. civ. 2, 25 mars 1992, n° 90-18.045, Bull. civ. II, n° 102  (N° Lexbase : A3200ACI) ; Cass. com., 5 décembre. 2018, n° 17-22.350, FS-D (N° Lexbase : A7889YPU) ; Cass. civ. 3, 23 juin 1999, n° 97-22.607, FS-D (N° Lexbase : A7244CI7) ; Cass. civ. 2, 7 septembre 2017, n° 16-20.463, F-P+B (N° Lexbase : A1189WRH) ; Dalloz actu, 21 septembre 2017, R. Laffly. V aussi D. D’Ambra, Droit et pratique de l’appel, Dalloz référence, 2021/22, n° 112.211.

[7] Cass. civ. 2, 19 novembre 2020, n° 19-16.009, F-P+B+I (N° Lexbase : A945134S), Dalloz actualité, 8 janvier 2021, Ch. Lhermitte.

[8] Cass. civ. 2, 16 novembre 2017, n° 16-23.796, F-P+B (N° Lexbase : A7117WZM).

[9] Cass. civ. 2, 19 novembre 2020, n° 19-13.642, F-P+B+I (N° Lexbase : A944934Q).

[10] En ce sens, v. aussi Ch. Lhermitte, Dalloz actualité, 8 janvier 2021, qui de ce fait conseille « à l’appelant de régulariser cette seconde déclaration d’appel dans son délai pour conclure ».

[11] Cass. civ. 2, 7 septembre 2017, n° 16-20.463, F-P+B (N° Lexbase : A1189WRH) ; v. déjà : Cass. civ. 2, 15 avril 1981, n° 80-10.228 (N° Lexbase : A1189WRH exigence d’une instance en cours) ; Cass. com., 5 décembre 1972, n° 71-11.635 (N° Lexbase : A2511CG4 nécessité que toutes les parties intéressées aient été mises en cause devant la cour d’appel).

[12] Cass. civ. 2, 17 mai 2018, n° 17-16.777, F-D (N° Lexbase : A4621XNH) Adde et rappr. P.-A. Ravot, « L’Incident de caducité de déclaration d’appel, fin de non-recevoir ou exception de procédure ? », Petites affiches des Alpes-Maritimes du 17 avril 2014, qui rappelle à propos que la circulaire CIV/16/10 du 31 janvier 2011 du Directeur des affaires civiles et du Sceau qu’elle indiquait que si, normalement, « en cas de pluralité d’intimés, le non-respect à l’égard de l’un d’entre eux des prescriptions de l’article 902 ne pourra être invoqué par les autres intimés en application de l’article 324 (N° Lexbase : L8423IRE) du Code de procédure civile en sorte que la caducité de la déclaration d’appel n’aura pas d’effet sur les intimés constitués », il en « ira autrement […] en cas d’indivisibilité à l’égard de plusieurs intimés […] ».

[13] Cass. civ. 1, 20 mars 2000, n° 05-11.296, FS-P+B (N° Lexbase : A7377DUR) V. aussi Ph. & N. Gerbay et collab. Cl. Gerbay, Guide du procès civil en appel, LexisNexis, 2021/22, Fiche 38.

[14] F. Ferrand, précité, n° 656.

[15] Cass. civ. 2, 2 juillet 2020, n° 19-14.855, F-P+B+I (N° Lexbase : A56523QE).

[16] Cf. Cass. com., 22 mai 1978, 76-15.606, Bull. civ. IV, n° 140 (N° Lexbase : A5617CIU) V. déjà Cass. req., 27 novembre 1905, DP 1906. 1. 309.

[17] CA Pau, ch. 1, 3 février 2021, n° 18/03408 (N° Lexbase : A63844E8).

[18] Cass. civ. 3, 23 juin 1999, n° 97-22.607, Bull. civ. III, n° 146 (N° Lexbase : A7244CI7).

[19] Pour un ex. où la Cour européenne des droits de l’Homme retient que la disposition qui évite l’engorgement des juridictions forme une atteinte légitime au droit d’accès et ne porte pas atteinte à sa substance, v. CEDH, 20 janvier 2015, Req. 16563/11, Arribas Antón c/ Espagne, § 49 (N° Lexbase : A4813M97).

[20] Cass. civ. 2, 1er juin 2017, n° 16-14.300, FS-P+B+I (N° Lexbase : A8538WEX), Dalloz actualité, 4 juillet 2017, R. Laffly : la Cour rappelle que demeure alors « possible la régularisation de la déclaration d’appel qui, même entachée d’un vice de procédure, avait interrompu le délai d’appel ».

[21] Cass. civ. 2, 16 octobre 2014, n° 13-22.088, F-P+B (N° Lexbase : A6522MY9), Dalloz actualité, 28 octobre 2014, N. Kilgus.

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