Le Quotidien du 24 novembre 2021

Le Quotidien

Baux d'habitation

[Brèves] Bail verbal : reconduction tacite à défaut de congé délivré par le bailleur

Réf. : Cass. civ. 3, 17 novembre 2021, n° 20-19.450, FS-B (N° Lexbase : A94737BH)

Lecture: 2 min

N9501BYK

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par Marie-Lou Hardouin-Ayrinhac

Le 24 Novembre 2021

► À défaut de congé délivré par le bailleur, le bail verbal est tacitement reconduit ; l'article 10 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 s'applique au bail d'habitation, qu'il soit écrit ou verbal.

Faits et procédure. Un immeuble indivis, dans lequel un locataire occupe un appartement, est frappé par un arrêté de péril le 20 avril 2012.

La commune de Marseille met en demeure les propriétaires indivis de lui rembourser les frais du relogement du locataire.

Par jugement du 21 mars 2016, dans une instance opposant les propriétaires au locataire, le tribunal constate que ce dernier est occupant sans droit ni titre.

La commune assigne les propriétaires et le locataire en tierce opposition à ce jugement.

Par un arrêt du 25 juin 2020, la cour d'appel d'Aix-en-Provence déclare recevable la tierce opposition de la commune et rejette la demande de la commune tendant à voir reconnaître le caractère licite de l'occupation par le locataire du logement.

Sur la recevabilité de la tierce opposition de la commune. La troisième chambre civile de la Cour de cassation retient que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de l'intérêt à agir, que la cour d’appel a relevé que l'intérêt distinct de la commune résidait dans le fait de ne pas supporter la charge du relogement du locataire. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.

Sur le caractère licite de l'occupation par le locataire du logement. La troisième chambre civile de la Cour de cassation énonce tout d'abord qu'il résulte de l'article 10, alinéas 1 à 3, de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 (N° Lexbase : Z06675MW) que le bail verbal portant sur un logement à usage d'habitation principale conclu par des bailleurs personnes physiques, en SCI familiale ou en indivision, l’est pour une durée au moins égale à trois ans, et qu’en absence de congé valablement donné par les bailleurs, ce contrat parvenu à son terme est reconduit tacitement par périodes triennales.

Pour rejeter la demande de la commune tendant à voir reconnaître le caractère licite de l'occupation par le locataire du logement, l’arrêt de la cour d'appel énonce que, si l’existence d’un contrat de bail verbal entre 1994 et 1998 n’est pas contestée par les parties, sa reconduction tacite ou son renouvellement ne peut être supposé.

La Haute cour conclut qu'en statuant ainsi, alors qu’à défaut de congé délivré par le bailleur, le bail verbal est tacitement reconduit, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Ainsi, le bail d'habitation, qu'il soit écrit ou verbal, protège de la même manière le locataire, au titre de la loi du 6 juillet 1989.

newsid:479501

Congés

[Brèves] Publication de la loi allongeant la durée du congé de présence parentale

Réf. : Loi n° 2021-1484, du 15 novembre 2021, visant à améliorer les conditions de présence parentale auprès d'un enfant dont la pathologie nécessite un accompagnement soutenu (N° Lexbase : L0475L9H)

Lecture: 1 min

N9459BYY

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par Charlotte Moronval

Le 23 Novembre 2021

► Publiée au Journal officiel du 16 novembre 2021, la loi n° 2021-1484 du 15 novembre 2021 améliore les conditions de présence parentale auprès d’un enfant dont la pathologie nécessite un accompagnement soutenu.

Jusqu'à 620 jours mobilisables sur trois ans. La loi du 15 novembre 2021 offre au salarié ayant épuisé son solde de congé de présence parentale de 310 jours avant l'expiration de la période de 3 ans la possibilité de bénéficier d'un nouveau crédit de 310 jours de congés qu'il pourra utiliser au cours d'une nouvelle période de 3 ans. La durée maximum du congé de présence parentale est donc désormais de 620 jours.

Un renouvellement sous conditions. Ce renouvellement, qui ne pourra être accordé qu’une seule fois, nécessite un certificat médical, établi par le médecin qui suit l’enfant, attestant du caractère indispensable de la poursuite des soins contraignants et d’une présence soutenue. Ce certificat devra également être confirmé par un accord explicite du service du contrôle médical de la CPAM ou du régime spécial de Sécurité sociale.

newsid:479459

Copropriété

[Brèves] Fonds travaux et démembrement de propriété d’un lot : quel est le redevable des provisions au titre du fonds de travaux, en l’absence de clause de solidarité entre usufruitier et nu-propriétaire ?

Réf. : QE n° 40008, réponse publiée au JOAN, 2 novembre 2021, p. 7991 (N° Lexbase : L1840L9Z)

Lecture: 5 min

N9469BYD

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 23 Novembre 2021

► Interrogé sur la problématique résultant d’une incertitude juridique pour déterminer le redevable des provisions au titre du fonds de travaux, dans le cas d'un démembrement de la propriété d'un lot, entre usufruitier et nu-propriétaire, et en l'absence de clause de solidarité entre eux, le ministre de la Justice a été amené à préciser qu’il n'était pas envisagé de modifier la législation applicable en la matière, l'appréciation au cas d'espèce par les juridictions saisies permettant d'apporter une réponse adaptée à chaque situation.

La jurisprudence admet la licéité de clauses de solidarité entre nu-propriétaire et usufruitier, insérées dans le règlement de copropriété et prévoyant que le nu-propriétaire et l'usufruitier sont tenus solidairement du paiement des charges de copropriété envers le syndicat des copropriétaires (Cass. civ. 3, 14 avril 2016, n° 15-12.545 FS-P+B N° Lexbase : A6862RIY). Il a été jugé qu'une telle clause de solidarité peut s'étendre à toutes sommes dues au syndicat des copropriétaires, notamment aux cotisations au fonds de travaux prévues par l'article 14-2 de la loi du 10 juillet 1965 (N° Lexbase : L5469IGN) (CA Rennes, 4e ch., 20 mai 2021, n° 19/02202 N° Lexbase : A41574SR). De telles clauses sont assez fréquentes en pratique et permettent donc de régler d'éventuelles contestations en matière de charges voire de cotisation au fonds de travaux, selon leur rédaction.

À défaut d'une telle clause, la question de l'imputation de la cotisation annuelle obligatoire au fonds de travaux, au nu-propriétaire ou à l'usufruitier, n'est pas réglée par le statut de la copropriété. Le fonds de travaux constitue une réserve monétaire obligatoire, appelée annuellement, et dont l'affectation future reste indéterminée tant qu'aucuns travaux n'ont été effectivement décidés par l'assemblée générale. Si les dispositions de l'article 10 de la loi du 10 juillet 1965 (N° Lexbase : L4803AHD) prévoient son paiement par les copropriétaires selon les mêmes modalités que pour les charges communes générales, c'est-à-dire « proportionnellement aux valeurs relatives des parties privatives comprises dans leurs lots », la loi ne se prononce pas sur leur nature exacte.

Dans le silence du statut, il convient donc de se référer au régime de droit commun de l'usufruit. Celui-ci prévoit, d'une part, que l'usufruitier est tenu aux réparations d'entretien tandis que les grosses réparations demeurent à la charge du nu-propriétaire (C. civ., art. 605 N° Lexbase : L3192ABT et 606 N° Lexbase : L3193ABU). Il prévoit, d'autre part, que « l'usufruitier est tenu, pendant sa jouissance, de toutes les charges annuelles de l'héritage » (C. civ., art. 608 N° Lexbase : L3195ABX). S'agissant de la juste répartition du coût final de travaux, elle est soumise à l'interprétation jurisprudentielle des articles 605 et 606 du Code civil. Il a ainsi pu être jugé que la nature des travaux décidés par un syndicat des copropriétaires (ravalement des façades rue et cour, zinguerie et les toitures y compris sa vérification totale), pour lesquels des cotisations au fonds de travaux étaient appelées, relevait des réparations d'entretien à la charge de l'usufruitier et non des grosses réparations telles que définis par l'article 606 du Code civil (TGI Marseille, 3e ch. civ., 20 novembre 2014, n° 10/03509) quand, dans d'autres cas, la réfection de zingueries s'est avérée d'une importance et d'un coût tels qu'elle relevait en fait des grosses réparations (Cass. civ. 1, 2 février 1955, Albert Knauer c/ Veuve Knauer N° Lexbase : A9920AS9).

Face à la diversité des situations dans lesquelles les sommes cotisées peuvent être employées, c'est effectivement par le biais d'actions récursoires engagées a posteriori que les litiges peuvent être résolus. S'agissant de la cotisation au fonds de travaux en copropriété, d'une nature distincte des appels de fonds au titre de travaux votés, la jurisprudence ne paraît pas avoir eu l'occasion de se prononcer. Cela étant, la cotisation au fonds de travaux constituant une réserve de fonds dont l'usage peut être divers et dont le versement est une charge annuelle obligatoire, elle pourrait s'analyser comme une charge annuelle incombant à l'usufruitier au sens de l'article 608 du Code civil, sans préjudice d'une éventuelle action de ce dernier à l'encontre du nu-propriétaire en cas d'emploi des fonds à des fins de grosses réparations.

En outre, compte tenu de la disparité des usages qui peuvent être faits de cette cotisation, il serait extrêmement délicat voire inopérant d'adopter une règle générale de répartition entre usufruitier et nu-propriétaire. Le raisonnement en termes de ratios moyens observés entre travaux d'entretien et grosses réparations en copropriété pourrait s'avérer inadapté à la majorité des situations, compte tenu de la diversité des immeubles, de leurs structures, compositions, états et entretien, la moyenne n'étant pas ici gage de représentativité. En conséquence, il n'est pas envisagé de modifier la législation applicable en la matière, l'appréciation au cas d'espèce par les juridictions saisies permettant d'apporter une réponse adaptée à chaque situation.

newsid:479469

Durée du travail

[Brèves] Contrat de travail à temps partiel : attention à bien indiquer la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois

Réf. : Cass. soc., 17 novembre 2021, n° 20-10.734, FS-B (N° Lexbase : A94727BG)

Lecture: 2 min

N9506BYQ

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par Charlotte Moronval

Le 23 Novembre 2021

► Un contrat de travail à temps partiel doit obligatoirement mentionner la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois.

Faits et procédure. Un salarié demande la requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein, soutenant que l'article L. 3123-14 du Code du travail (N° Lexbase : L0679IXG), dans sa version alors applicable, prévoit que le contrat de travail doit mentionner la durée hebdomadaire ou mensuelle et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois. Il soutient que le non-respect de ce texte entraîne automatiquement la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein.

La cour d'appel déboute le salarié de sa demande, relevant que le contrat de travail du salarié prévoyait une durée mensuelle de travail (86,67 heures par mois) et précisait les plages horaires pendant lesquelles le salarié pouvait travailler (de 8h30 à 12h30 ou de 14h à 18 heures : suivant le choix du salarié). Pour les juges, la rédaction du contrat était conforme aux exigences légales, notamment quant à la répartition des horaires et des jours travaillés. Il était également relevé que le salarié n'avait jamais remis en cause cette organisation du temps de travail et que la stipulation du contrat lui laissait une très grande liberté pour organiser son temps de travail. Le salarié se pourvoit en cassation.

La solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale casse et annule l’arrêt rendu par la cour d’appel.

Elle retient que le contrat de travail ne mentionnait pas la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, de sorte qu'il devait être requalifié en contrat de travail à temps plein.

Pour en savoir plus : v. ÉTUDE : Le contrat de travail à temps partiel, Les mentions obligatoires dans le contrat de travail à temps partiel, in Droit du travail, Lexbase (N° Lexbase : E0470ETL).

newsid:479506

Environnement

[Brèves] Autorisation d'activités commerciales dans le cœur d’un parc national : domaine relevant du pouvoir de police spéciale du directeur de ce parc

Réf. : CE 5° et 6° ch.-r., 15 novembre 2021, n° 435662, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A82417BT)

Lecture: 3 min

N9503BYM

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par Yann Le Foll

Le 23 Novembre 2021

L’autorisation d'activités commerciales dans le cœur d’un parc national relève du pouvoir de police spéciale du directeur de ce parc.

Parc national de la Guadeloupe - pouvoir de police spéciale du directeur.

Il résulte, d'une part, des articles L. 331-1 (N° Lexbase : L7966K9W) et L. 331-4-1 (N° Lexbase : L6102HIT) du Code de l'environnement et, d'autre part, de l'article 13 du décret n° 2009-614 du 3 juin 2009 (N° Lexbase : L3131IEP) et du II de la modalité 20 de l'annexe 2 de la charte de territoire du parc national de la Guadeloupe, que, dans le cœur de ce parc national, le directeur du parc dispose d'un pouvoir de police spéciale pour autoriser et réglementer les activités commerciales nouvelles ou les changements de localisation ou d'exercice d'activités existantes, dans le but d'assurer le développement de la faune et de la flore et de préserver le caractère du parc national (voir pour l’annulation de la décision du directeur du parc national des Pyrénées Occidentales autorisant des travaux d’aménagement au col du Somport au motif qu’ils étaient de nature, du fait de leur ampleur, à « altérer le caractère du parc », CE 6° et 2° s-s-r., 4 avril 1990, n° 105162, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A5556AQT).

Illustration - autorisation d'activités commerciales dans le cœur du parc.

Le directeur du parc a modifié l'arrêté autorisant une société à pratiquer des activités de loisirs dans un site du cœur marin du parc pour réduire la fréquence et le nombre des activités autorisées. Alors même que l'arrêté en litige est intervenu à la suite de plusieurs infractions commises par la société qui avait pratiqué certaines des activités pour lesquelles elle bénéficiait d'une autorisation dans des conditions non conformes aux prescriptions fixées par l'arrêté du directeur du parc national, celui-ci, en modifiant cet arrêté pour encadrer plus strictement les activités autorisées de la société en cœur de parc, a entendu assurer une protection effective de la faune et de la flore protégées face à des pratiques de nature à leur causer des dommages.

Censure CAA.

Par suite, cette décision a le caractère d'une mesure de police et non de sanction comme l’avait estimé à tort la cour administrative d’appel (CAA Paris, 30 juillet 2019, n° 17PA23609 N° Lexbase : A04217CL). Le rapporteur public Olivier Fuchs avait émis cette option dans ses conclusions : « dans la très grande majorité des cas vous constatez simplement que, alors même que des infractions ont été commises, une mesure relève de la police administrative si elle poursuit de fait l’objectif de sauvegarder l’ordre public […] les cœurs de parcs nationaux constituent les lieux dans lequel l’objectif de protection de l’ordre public écologique a une raison d’être particulière en ce qu’elle est intrinsèquement liée à la réussite de la mission confiée ».

newsid:479503

Fiscalité des entreprises

[Brèves] Sursis d’imposition de titres à une société contrôlée avec cession immédiate par celle-ci : appréciation distincte du but de chaque opération

Réf. : CE 9° et 10° ch.-r., 5 novembre 2021, n° 437996, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A85557A4)

Lecture: 5 min

N9371BYQ

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par Marie-Claire Sgarra

Le 23 Novembre 2021

Le Conseil d’État a, dans un arrêt du 5 novembre 2021, apporté des précisions sur l'octroi automatique d'un sursis d'imposition pour les plus-values résultant de certaines opérations qui ne dégagent pas de liquidités.

Les faits :

  • à l'issue d'une vérification de la comptabilité d’une société ayant pour activité la gestion d'immeubles et dont le requérant est le principal associé, l'administration fiscale a estimé que l'opération par laquelle le requérant avait apporté à cette société une partie des titres de la société Pharmacie Centrale qu'il détenait, avant que cette société ne procède au rachat de ses propres titres, avait eu pour unique but de permettre au requérant de bénéficier du sursis d'imposition prévu par l'article 150-0 B du CGI (N° Lexbase : L3216LC4) ;
  • l’administration a, par suite, remis en cause ce sursis d'imposition selon la procédure de répression des abus de droit ;
  • le TA de Nîmes a rejeté la demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d’IR et de contributions sociales auxquelles a été assujetti le requérant ;
  • la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l’appel formé contre ce jugement (CAA Marseille, 21 novembre 2019, n° 18MA00444 N° Lexbase : A6638Z3A).

🔎 Principe. Les dispositions applicables au report d'imposition ne sont pas applicables, au titre de l'année de l'échange des titres, aux plus-values réalisées dans le cadre d'un apport de titres à une société soumise à l'impôt sur les sociétés (CGI, art. 150-0 B).

⚖️ Plusieurs précisions du CE

  • l'opération par laquelle des titres d'une société sont apportés par un contribuable à une société qu'il contrôle, puis sont immédiatement cédés par cette dernière, répond à l'objectif économique ainsi poursuivi par le législateur, lorsque le produit de cession fait l'objet d'un réinvestissement à caractère économique, à bref délai, par cette société ;
  • en revanche, en l'absence de réinvestissement à caractère économique, une telle opération doit, en principe, être regardée comme poursuivant un but exclusivement fiscal dans la mesure où elle conduit, en différant l'imposition de la plus-value, à minorer l'assiette de l'année au titre de laquelle l'impôt est normalement dû à raison de la situation et des activités réelles du contribuable ;
  • lorsque les titres d'une société sont apportés par un contribuable à plusieurs entreprises qu'il contrôle, le but de chaque opération d'apport doit être apprécié distinctement.

⚖️ Solution du CE

👉 La cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant, au regard du seul apport réalisé au profit de la société G... Patrimoine, que le produit retiré par cette société du rachat des titres apportés, n'avait pas été réinvesti dans une activité économique.

👉 En jugeant qu'était sans incidence sur la qualification d'abus de droit qu'elle retenait, la circonstance que l'opération, envisagée dans sa globalité, avait eu pour objectif principal de scinder les actifs de la société Pharmacie Centrale et de permettre aux associés de cette société de retrouver leur autonomie grâce à la restructuration de leur patrimoine professionnel respectif, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.

👉 En déduisant de l'ensemble des éléments ainsi relevés que l'opération d'apport réalisée au profit de la société G... Patrimoine, suivie du rachat des titres apportés, était constitutive d'un abus de droit, la cour n'a pas inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.

💡 Sursis d’imposition et abus de droit, les différentes étapes jurisprudentielles

✔ Le Conseil d’État a appliqué l’abus de droit en matière de report d’imposition (CE 8° et 3° ssr., 8 octobre 2010, n° 301934, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A3490GBU et CE 8° et 3° ssr., 8 octobre 2010, n° 313139, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A3503GBD), et l’a ensuite étendu au sursis d’imposition (CE 9° et 10° ssr., 27 juillet 2012, n° 327295, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A0694IR7).

✔ Plus tard, le Conseil d’État a refusé de transmettre une QPC au Conseil constitutionnel, relative au régime de sursis d'imposition automatique des plus-values d'échange de titres, tel qu'interprété par la jurisprudence en cas d'apport-cession de titres (CE 9° et 10° ch.-r., 22 septembre 2017, n° 412408, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A7392WSL).

✔ Le CE a précisé ensuite que lorsqu’une opération d’apport-cession de titres est placée en sursis d’imposition avant le 14 novembre 2012, le réinvestissement du produit de la cession dans l’acquisition de titres appartenant au contribuable ne présente pas un caractère économique (CE 9° et 10° ch.-r., 10 juillet 2019, n° 411474, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A6816ZIB).

✔ Dans une affaire de gain réalisé par un dirigeant à l’occasion de la vente d’actions qu’il avait acquises dans le cadre d’un management package, les juges ont qualifié un circuit juridique d’« artificiel » alors que tous les maillons de la chaîne avaient de la substance (CE 9° et 10° ch.-r., 12 février 2020, n° 421444, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A34993EC).

Lire en ce sens, les conclusions du Rapporteur public, A. Iljic, Lexbase Fiscal, mars 2020, n° 817 (N° Lexbase : N2601BYY).

✔ Dernièrement, enfin, le CE a jugé dans le cadre d’une opération d’apport-cession que le nantissement de sommes en vue de couvrir une garantie de passif ne caractérise pas un réinvestissement (CE 3° et 8° ch.-r., 28 mai 2021, n° 442711, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A48694TI).

Lire en ce sens, les conclusions du Rapporteur public, R. Victor, Lexbase Fiscal, juillet 2021, n° 871 (N° Lexbase : N8091BYC).

 

newsid:479371

Huissiers

[Pratique professionnelle] Constat d’huissier et drone : oui, mais comment ?

Lecture: 17 min

N9496BYD

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par Sylvian Dorol, Huissier de justice associé (Vénézia Associés),Titulaire du certificat de Télépilote de drone (DGAC) , Intervenant (ENM, EFB) ; Pierre-Nicolas Mazenot, Président de Juris Drone, Formateur et Titulaire du certificat de Télépilote de drone (DGAC), Diplôme de l’École Nationale de Procédure

Le 28 Février 2024

                         

                            

« Qu’est-ce qu’un huissier qui a les mains en l’air ?

Un huissier face à un policier car il pilotait un drone sans autorisation ! »

La trivialité de la formule ne saurait pour autant faire oublier sa vérité. Bien qu’officier public et ministériel, un huissier de justice qui effectue des constatations déportées à l’aide d’un drone qu’il pilote seul, sans autorisations, agit en totale illégalité. En effet, la carte tricolore qu’il porte ne l’exonère donc pas des sanctions prévues par le Code pénal, le Code de l’aviation civile… Et si le drone peut donner des ailes à l’urgentiste du droit qu’est l’huissier de justice, ce dernier peut se transformer en un Icare juridique si, pour échapper au dédale juridique du vol par drone, il se laisse enivrer par l’apparente liberté de l’azur pour finalement s’abîmer dans l’océan de sanctions du vol illégal.

Nous l’aurons donc compris, si l’huissier de justice peut se sentir « boosté » par les quadrirotors de son aérodyne, il ne peut agir légèrement au risque de voir sa responsabilité engagée, et la qualité de son acte en souffrir.

Au-delà de déterminer dans quelles circonstances et comment un huissier de justice peut user de son drone, la question qui se pose réellement est de savoir si ce professionnel a plus à gagner à recourir à un tiers télépilote qu’à passer lui-même son certificat de télépilote de drone.

Répondre à cette interrogation nécessite d’exposer dans un premier temps tous les avantages et conditions du constat par drone (I), puis sa mise en œuvre (II).

I. Le constat par drone : oui, mais…

Comme le suggère l’introduction de notre propos, réaliser un constat à l’aide d’un drone n’est pas sans risque pour l’huissier de justice : « Ce n’est pas parce que l’on défie la pesanteur qu’il faut ignorer la gravité… » écrivions-nous il y a peu [1]. Ainsi, si cela lui est possible, voire presque incontournable dans certains cas (A), l’officier public et ministériel doit connaître la stricte règlementation applicable en la matière sous peine de voir son procès-verbal privé de force probante (B).

A. Le constat par drone : oui

Pourquoi recourir à un drone alors que l’huissier de justice pouvait jusqu’aujourd’hui s’en passer ? Simplement parce que la réalité du terrain l’impose dans certaines hypothèses (1), et que le droit octroie au constat par drone de réelles qualités probatoires (2).

1) La réalité du terrain

Même si les auteurs n’apprécient guère l’expression, il faut reconnaître que l’huissier de justice est un juriste de terrain. En effet, de tous les professionnels du droit, c’est le seul que le justiciable n’a pas le choix de rencontrer : sa vie durant, il peut ne pas consulter d’avocat, ne pas se présenter à une audience, ne pas voir de notaire mais, s’il doit voir un huissier de justice, il le verra parce que cet officier public et ministériel s’impose à lui, se présente chez lui sans même y être invité. Ainsi, l’huissier de justice est un professionnel du droit « de contact ». S’il se fait insulter au téléphone par le débiteur, il sait qu’il en sera souvent autrement quand ils seront face à face…

Face à la réalité, l’huissier l’est. Face à la dure réalité, l’huissier l’est encore plus car il éprouve le terrain. Pour le juriste lambda, une assignation signifiée ne se résume qu’à des mentions écrites sur des feuilles. Pour l’huissier, une assignation signifiée représente les difficultés à accéder aux parties communes, à localiser le justiciable, à affronter le regard méfiant des voisins, à désamorcer les craintes et suspicions pour expliquer au justiciable la portée de l’acte qu’il lui remet.

Bref, la mission de l’huissier dépasse le format A4 de la feuille qui récite ses diligences. Et quel huissier de justice n’a pas été confronté au cours de constats à des toitures non sécurisées, à devoir gravir un échafaudage ou une grue pour constater à plusieurs dizaines de mètres du sol, ou alors à une descente d’eaux pluviales percée à hauteur du cinquième étage dans une courette de quelques mètres carrés ? Pour résumer, tout huissier de justice a déjà risqué son intégrité physique, voire même sa vie, au cours de l’exercice de son ministère.

Pour l’impératif de sécurité physique justifiant la technique du constat déporté [2], le recours au drone s’impose donc dans plusieurs hypothèses à l’huissier de justice. Cela lui évitera de subir l’inconfort de la formation aux travaux en hauteur (il est très inconfortable de constater harnaché et en se balançant dans le vide), et avoir une meilleure vision de l’élément à constater. Le recours à la gamme Mavic de DJI (Mavic 2 zoom ou le récent Mavic 3) et leur qualité d’optique, suffisent à convaincre.

2) La réalité juridique

Si la réalité du terrain peut contraindre l’huissier de justice à recourir au drone, il est heureux de s’apercevoir que le constat par drone est une réalité juridique.

D’abord, la doctrine [3] s’est intéressée il y a à peine quelques années à la problématique, principalement pour alerter sur les dangers juridiques des vols par drone non autorisés. C’était alors le premier et unique article de fond sur le constat par drone.

Puis, la cour d’appel de Paris a rendu une première décision en la matière en 2019 [4]. Cet arrêt n’est pas la première décision où des magistrats étaient appelés à statuer sur des faits prouvés par un drone, mais constitue la première occasion où ils ont été appelés à juger la légalité d’une telle preuve. Auparavant, les juges administratifs avaient jugé que le recours au drone était parfois inutile pour prouver un fait [5], même si le juge judiciaire apprécie cette modalité de prise de vue [6].

Le drone n’est donc pas ignoré de la procédure civile, même s’il n’en est qu’à ses balbutiements.

B. Le constat par drone : mais

Pour autant, le constat par drone, s’il est possible, est parfois source d’ennuis lorsque ses arcanes juridiques sont ignorés ou mal maîtrisés (1). Le constat par drone présente certes des avantages que ses thuriféraires vantent (rapidité, précision, modernité), mais également des inconvénients majeurs (2).

1) Un « mais », résultante d’une complexe législation

Faire voler un drone, ce n’est pas seulement savoir le manipuler et éviter les crashs. C’est également savoir où et quand le faire voler. Voilà résumé l’esprit de la législation relative à l’utilisation professionnelle d’un drone ainsi que celle relative à l’obtention du certificat d’aptitude au pilotage de drone.

Le problème est que, même si le certificat de télépilote précise qu’il a une durée illimitée, tel n’est pas le cas des règles juridiques et administratives dans le domaine, d’autant que la législation européenne se superpose à la nationale [7].

Les contraintes administratives varient selon les heures et lieux : une zone géographique peut autoriser le vol par drone, mais uniquement durant des créneaux horaires prédéterminés, tout en se trouvant à proximité d’un RTBA[8] où la pénétration est strictement interdite sans autorisations préalables pour les drones de plus de 900 grammes.

Même si les règles évoluent sans cesse, obligeant les télépilotes à une veille, une constante demeure : celui qui vole en méconnaissant la règlementation encourt de lourdes sanctions, quand bien même il serait huissier de justice. Il convient ainsi d’évoquer plusieurs textes répressifs, tous susceptibles de s’appliquer en cas de constat par drone irrégulier :

  • l’article L 6232-4 du Code des transports (N° Lexbase : L6290INB) dispose que la violation par un drone des règles de sécurité est passible dune amende 75 000 euros et dune peine de prison de 1 an ;
  • l’article 226-1 du Code pénal (N° Lexbase : L2092AMG) incrimine les atteintes à lintimité de la vie dautrui par lutilisateur dun drone. Cela est passible dune amende 45 000 euros et dune peine de prison de 1 an ;
  • l’article 223-1 du Code pénal (N° Lexbase : L3399IQX) évoque lui le cas de la mise en danger de la vie dautrui, passible dune amende 15 000 euros et dune peine de prison de 1 an.

Ce triptyque de textes répressifs suffit à prendre conscience du sérieux de la matière.

2) Un « mais », résultante d’indéniables défauts

Le principal inconvénient du drone est qu’il ne peut faire face à l’imprévu. En effet, l’huissier de justice ne peut dégainer cet outil sans avoir préparé son vol au préalable, notamment en ayant analysé correctement la zone de vol et obtenu le cas échéant les autorisations de vol.

Or, comme il était précédemment indiqué, l’huissier de justice est un urgentiste du droit : il est appelé bien souvent en urgence afin de préserver et stabiliser une situation juridique, puis laisse sa place au spécialiste qu’est l’avocat. Son rôle est semblable au Samu : se transporter sur place, stabiliser le patient et administrer les soins de première urgence, puis l’amener dans un hôpital pour une prise en charge par des unités spécialisées.

C’est ainsi que l’huissier, au cours d’un constat où il a été appelé en urgence, peut s’apercevoir que la situation nécessite le recours à un drone. Il ne peut alors en faire usage puisqu’il ne l’a pas prévu, et doit expliquer la situation et ses contraintes à son mandant, tout en lui proposant une nouvelle date de rendez-vous.

Le constat par drone présente donc l’inconvénient d’une forte inertie administrative, son temps de réaction se comptant en jour et sa faisabilité variant selon le bon vouloir de l’autorité de vol local.

Le deuxième inconvénient du drone est que le caractère draconien de la règlementation, laquelle est en constante mutation, peut décourager l’huissier de justice de l’utiliser.

En effet, il ne suffit pas de maîtriser les subtilités du vol par drone, encore faut-il en connaître les aspects juridiques et administratifs. C’est principalement le volet administratif de l’activité qui peut rebuter l’officier public et ministériel. Parce que la préparation d’un vol peut prendre plusieurs heures, cela monopolise l’huissier de justice durant longtemps, l’empêchant de pallier aux urgences habituelles émaillant ses journées (actes urgents, constats imprévus…). Le temps de la préparation du vol du drone constitue une immobilisation de l’huissier, ce qui peut fortement impacter le coût du constat et susciter l’incompréhension du justiciable qui n’aura vu le drone voler que vingt minutes, mais non les heures de préparation, et donc sa réticence à s’acquitter du prix.

Le constat par drone apparaît donc comme une réelle opportunité mais peut se heurter dans sa mise en œuvre à de réelles difficultés que seul peut lever un télépilote. Le moment vient donc d’aborder le deuxième temps de notre réflexion : comment réaliser un constat par drone ?

II. Le constat par drone : comment

Il est clair qu’il n’existe pas de constat par drone sans télépilote. L’huissier se trouve alors confronté à une interrogation : doit-il pour ce faire recourir au service d’un sapiteur télépilote (A), ou est-il préférable de devenir lui-même ce télépilote (B) ? Chacune des options présente ses avantages et défauts.

A. Le sapiteur télépilote

Pour mémoire, le sapiteur est un sachant appelé à faire bénéficier de son expertise lhuissier de justice. Il est requis par ce dernier, sur un point précis.  Si le recours au sapiteur télépilote présente de très nombreux atouts pour l’huissier de justice appelé à dresser un constat par drone (1), ses inconvénients sont réels (2).

1) Avantages

À dire vrai, réaliser un constat par drone en recourant à un sapiteur télépilote n’offre des avantages que pour l’huissier de justice. Ces atouts sont juridiques, administratifs et financiers.

Le premier atout du recours au sapiteur télépilote est juridique. Puisque l’huissier de justice lambda ne dispose pas du brevet de télépilote, il lui est plus facile de recourir au sapiteur télépilote pour l’éclairer et lui permettre de se concentrer sur sa mission première : constater.

Le deuxième atout est administratif. Comme il a été précédemment exposé, la préparation d’un vol par drone, même d’une dizaine de minutes, nécessite plusieurs heures de travail administratif (demandes d’autorisation, identification des interlocuteurs, exposé de la mission, programmation du vol…). Recourir au sapiteur télépilote permet à l’huissier de justice de s’exonérer de cette tâche pour se recentrer sur son cœur de métier. En recourant aux services d’un prestataire, l’huissier de justice échappe aux contraintes de la réglementation des activités particulières. Il n’a pas à se soucier des déclarations préalables, des demandes d’autorisation, de la carte de navigation aérienne, des hauteurs de vol. De même, il n’a pas à se former à la théorie et à la pratique imposée au télépilote.

Le troisième et dernier atout est économique puisqu’il permet de facturer le constat par drone « apparemment » moins cher, le requérant devant supporter en plus, mais séparément, le coût de l’intervention du télépilote.

2) Inconvénients

Cependant, le recours au sapiteur télépilote n’est pas une solution miracle pour l’huissier de justice car il est illusoire de croire que cet officier public et ministériel n’a qu’à regarder piloter le sapiteur pour dresser un constat par drone. En effet, il doit s’assurer que les photographies réalisées, et ce qu’il voit, sont juridiquement exploitables. Pour ce faire, il doit donc maîtriser un minimum la matière afin de ne pas laisser son procès-verbal dériver dans l’illégalité.

Même non spécialiste, l’huissier de justice se doit de vérifier quelques informations auprès de son sapiteur avant le vol. Ainsi, l’officier public et ministériel doit notamment s’assurer auprès du sapiteur télépilote que ce dernier :

  • dispose des compétences théoriques et pratiques (DGAC) ;
  • dispose d’un drone homologué et dûment immatriculé ;
  • dispose d’un manuel d’exploitation à jour ;
  • a déclaré son activité à la DGAC ;
  • dispose des documents à présenter en cas de contrôle (autorisations de vol, enregistrement, attestation de conception…) ;
  • s’il n’a jamais travaillé avec un huissier de justice, a compris quel était son rôle et que l’huissier de justice devait avoir la maîtrise des opérations de constatation ;
  • en cas de survol de propriété de tiers, que ces derniers y ont expressément consenti.

Le recours au sapiteur télépilote n’exonère pas l’huissier de justice de garder un œil sur la légalité des opérations de vol. Il en va même de sa responsabilité comme l’indique la doctrine [9] puisque, en cas de vol illégal, le procès-verbal qu’il aura dressé verra sa force probante annihilée en vertu de l’adage fraus omnia corrumpit.

Parce que même avec l’assistance d’un sapiteur, l’huissier de justice ne s’exonère pas de sa responsabilité, il convient d’examiner l’hypothèse où l’officier public et ministériel instrumente seul car titulaire du certificat de télépilote.

B. L’huissier télépilote

L’huissier de justice télépilote appelé à dresser un constat par drone instrumente en vertu d’une double qualité :

  • en qualité d’officier public et ministériel, capable de dresser des constatations au sens de l’ordonnance du 2 novembre 1945 ;
  • en qualité de télépilote professionnel, à même de naviguer dans les cieux à l’aide de son drone en parfaite sécurité juridique.

Dès lors, il est compréhensible que la rédaction de son acte soit affectée puisque son immatricule doit logiquement faire apparaître, en plus de sa qualité d’huissier de justice, son numéro de licence de télépilote.

Comme le sapiteur, la solution de l’huissier télépilote présente des avantages (1) et inconvénients (2).

1) Avantages

L’énumération des avantages de l’huissier télépilote est aisée.

D’abord, l’huissier télépilote maîtrise seul les opérations de constatation, du début à la fin, et le requérant n’a alors qu’un seul interlocuteur, ce qui facilite les prises de rendez-vous, la compréhension et la réussite de la mission.

Ensuite, l’huissier de justice peut dresser davantage de constats par drone puisqu’il n’est pas dépendant des disponibilités d’un tiers, et peut très inciter le requérant d’y recourir. La titularité du certificat de télépilote est synonyme de confiance en soi, qualité indispensable pour développer un nouveau marché…

Enfin, l’huissier de justice peut augmenter son efficacité sur le terrain (meilleure vue et gain de temps) en adaptant lui-même son vol aux contraintes matérielles.

2) Inconvénients

De la même manière que la sapiteur télépilote, l’huissier télépilote ne peut se dispenser des formalités administratives inhérentes au vol par drone. Il peut les accomplir seul, ou recourir à un service d’accompagnement complet, spécialisé en la matière. Cette solution lui permet d’optimiser son emploi du temps et de se concentrer uniquement sur la demande du requérant lors du constat par drone.

Cependant, les deux principaux inconvénients à la solution de l’huissier télépilote résident dans son coût et la durée de la formation.

Concernant le coût, même s’il s’agit d’un investissement, les sommes engagées dans une telle matière sont importantes et nécessitent un effort financier certain, quand bien même il est possible de se faire financer une partie de la formation et rembourser la TVA lors de l’acquisition du drone.

Concernant le temps, la formation au pilotage de drone demande un important volume horaire que le professionnel libéral peut difficilement se dégager au quotidien. Il lui appartient donc, s’il s’engage dans la voie du télépilotage de drone, de faire preuve de rigueur et d’abnégation tout au long de ses dizaines d’heures de formation tant la matière est éloignée des préoccupations juridiques habituelles de l’huissier de justice.

Être télépilote ou ne pas l’être ?

Le choix appartient à tout huissier de justice, en considération de ses contraintes et envies. Une constante demeure : ce choix doit être éclairé s’il souhaite que son procès-verbal de constat par drone ne soit pas illégal. Ainsi, il pourra rester serein lors des contrôles de vol de drone au cours desquels il conservera les mains dans les poches !


[1] S. Dorol, G. Meralli, M.-P. Mourre-Schreiber, Le constat par drone, Droit et procédures, 2018, p. 62.

[2] S. Dorol, Le constat déporté, Revue pratique du recouvrement, 2020, n° 3, p. 25.

[3] S. Dorol, G. Meralli, M.-P. Mourre-Schreiber, Le constat par drone, Droit et procédures, 2018, p. 62.

[4] CA Paris, 15 mai 2019, n°18/26775 (N° Lexbase : A3488ZBS), obs. S. Dorol, Droit et procédures, 2019.

[5] CAA Lyon, 2e, 18 février 2020, n° 18LY02109 (N° Lexbase : A18533SG).

[6] CA Bordeaux, 20 mai 2021, n° 18/00567 (N° Lexbase : A60164SM) ; CA Nîmes, 28 septembre 2017, n° 16/03311 (N° Lexbase : A3259WTU).

[7] Attention, nous sommes en période de transition, certaines dispositions ont été d’ores et déjà mises en application depuis l'arrêté du 3 décembre 2020, relatif à l'utilisation de l'espace aérien par les aéronefs sans équipage à bord (N° Lexbase : L0272LZ4), mais dans les faits, la réglementation européenne n’entrera réellement en vigueur qu’au 3 décembre 2023, ou au 3 décembre 2025 pour les télépilotes ayant choisi d’utiliser les scénarios nationaux pour deux années supplémentaires.

[8] Réseau très basse altitude : ces volumes de vol sont notamment utilisés pour l'entraînement des appareils de combat destinés à effectuer des missions de dissuasion nucléaire.

[9] S. Dorol, G. Meralli, M.-P. Mourre-Schreiber, Le constat par drone, Droit et procédures, 2018, p. 62.

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Propriété intellectuelle

[Brèves] Rémunération pour copie privée : inopposabilité des dispositions de la Directive « droit d’auteur » à la société Copie France

Réf. : Cass. civ. 1, 10 novembre 2021, n° 19-14.438, FS-B (N° Lexbase : A45137BR)

Lecture: 9 min

N9411BY9

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par Vincent Téchené

Le 17 Novembre 2021

► La société Copie France, qui a pour objet principal de percevoir et répartir la rémunération pour copie privée, n’est pas assimilable à un organisme étatique ou para-étatique auquel un particulier pouvait opposer directement une Directive européenne.

Faits et procédure. Une société commercialisant des CD et DVD en France a payé à Copie France les redevances fixées par les décisions de la Commission copie privée. Par arrêt du 11 juillet 2008, le Conseil d’État (CE 9° 10° s-s-r., 11 juillet 2008, n° 298779, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A6464D9B) a annulé la décision n° 7 du 20 juillet 2006 de cette commission au motif que la rémunération qui y était prévue compensait des copies de sources illicites, les effets de cette nullité ayant été différés jusqu'au 11 janvier 2009.

À la suite de l'arrêt « Padawan » de la CJUE (CJUE, 21 octobre 2010, aff. C-467/08 N° Lexbase : A2205GCN), le Conseil d’État a, par arrêt du 17 juin 2011 (CE, 9° et 10° s-s-r., 17 juillet 2011, n° 324816, 325439, 325468, 325469, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A7590HTB), annulé la décision n° 11 de cette commission au motif que les barèmes arrêtés soumettaient à la rémunération pour copie privée l'ensemble des supports concernés sans possibilité d'exclure ceux à usage professionnel. Il a prévu que l'annulation ne serait effective qu'à compter de l'expiration d'un délai de six mois à compter de sa notification.

La société commercialisant les CD et DVD estimant que le régime français de la rémunération pour copie privée n'était pas conforme à la Directive « droit d’auteur » de 2001 (Directive n° 2001/29/CE du 22 mai 2001 N° Lexbase : L8089AU7), a assigné la société Copie France en remboursement des sommes indûment versées, selon elle, depuis le 22 décembre 2002 et en dommages-intérêts. Copie France a présenté une demande reconventionnelle en paiement des sommes dues depuis le mois de février 2011.

La société a formé un pourvoi en cassation contre l’arrêt d’appel ayant rejeté ses demandes en remboursement et accueilli les demandes reconventionnelles de Copie France.

Décision. Plusieurs moyens étaient invoqués par la demanderesse au pourvoi.

En premier lieu, il était reproché à la cour d’appel d’avoir jugé que Copie France n’était pas un organisme auquel un particulier peut opposer directement une Directive.

Sur ce point, la Cour de cassation approuve l’arrêt d’appel aux termes d’un raisonnement particulièrement étayé.

Elle rappelle que conformément à la jurisprudence de la CJUE, doivent être assimilées à l’État, aux fins de l'application directe d'une Directive, les personnes morales de droit public faisant partie de l’État au sens large, ou les entités soumises à l’autorité ou au contrôle d’une autorité publique, ou encore celles qui ont été chargées, par une telle autorité, d’exercer une mission d’intérêt public et dotées, à cet effet, de pouvoirs exorbitants par rapport à ceux qui résultent des règles applicables dans les relations entre particuliers (CJUE, 10 octobre 2017, aff. C-413/15, points 34 et 35 N° Lexbase : A2357WUT). En revanche, le principe d’interprétation conforme ne peut pas servir de fondement à une interprétation contra legem du droit national et ne permet pas au juge d'écarter une norme nationale contraire (CJUE, 5 octobre 2004, aff. C-397/01 à C-403/01 N° Lexbase : A5431DDI – CJUE, 24 juin 2019, aff. C-573/17 N° Lexbase : A3337ZGP).

La Cour de cassation relève ensuite que, après avoir constaté que Copie France était une société civile soumise au régime de droit commun, la cour d’appel a retenu, d'une part, que celle-ci avait pour objet principal de percevoir et répartir la rémunération pour copie privée au profit des auteurs, des artistes interprètes ainsi que des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes et de leurs ayants droit, de sorte qu'elle était en charge d'intérêts certes collectifs, mais qui demeuraient particuliers, d'autre part, que l'affectation de 25 % de cette rémunération à « des actions d'aide à la création à la diffusion du spectacle vivant et à des actions de formation des artistes » s'analysait comme une modalité de compensation de l'exception de copie privée. La cour d’appel a retenu également que les obligations particulières auxquelles étaient soumises les sociétés comme Copie France étaient destinées à garantir la transparence et la légalité de leur fonctionnement sans les placer pour autant sous la tutelle de l'État, celui-ci ne faisant pas partie des associés, n'y étant pas représenté et ne pouvant agir, s'il estimait que des illégalités avaient été commises, que par des actions en justice. Elle a retenu encore que Copie France n'exerçait pas de mission ou de service d'intérêt général, mais agissait pour le compte d'intérêts privés regroupés collectivement, que, dans sa composition comme dans son fonctionnement, elle était autonome de l'État et ne disposait pas de pouvoir significatif exorbitant du droit commun, et que le contrôle auquel cette société était soumise, pas plus que l'existence d'un cadre légal de la rémunération pour copie privée, ne suffisait à la considérer comme un organisme placé sous le contrôle ou l'autorité de l'État.

Ainsi, pour la Haute juridiction, la cour d'appel en a déduit, à bon droit, que la société Copie France n'était pas assimilable à un organisme étatique ou para-étatique auquel un particulier pouvait opposer directement une Directive européenne.

En deuxième lieu, la Cour de cassation énonce que la cour d'appel a retenu à bon droit et sans méconnaître son office que, dès lors qu'une Directive ne crée pas directement d'obligations à l’égard de particuliers, qu'ils soient personnes physiques ou morales, le principe de primauté du droit de l’Union ne permet pas au juge national d'écarter, dans un litige entre ces particuliers, une norme nationale au motif qu'elle serait contraire à celle-ci.

En troisième lieu, la demanderesse au pourvoi reprochait à l’arrêt de rejeter ses demandes en remboursement des sommes qu'elle avait acquittées et d’accueillir les demandes reconventionnelles de la société Copie France en application de ces décisions.

Sur ce point, la Cour de cassation rappelle que les dispositions d'une Directive, même claires et précises, ne permettent pas, dans un litige entre particuliers, d'écarter une norme nationale contraire.

Il en résulte, selon elle, que, lorsque le juge administratif a annulé un acte administratif en différant les effets de cette annulation, le juge judiciaire n’a pas le pouvoir, dans un litige entre particuliers, d’écarter l'application de cet acte au motif qu'il serait contraire à une directive.

Ainsi, la cour d’appel ayant relevé que les décisions n° 7 et 11 de la Commission copie privée étaient contraires à la Directive n° 2001/29/CE et retenu que la société Copie France n’était pas assimilable à un organisme étatique ou para-étatique auquel un particulier pouvait opposer directement une Directive européenne, elle n’avait pas le pouvoir d’écarter les décisions précitées pendant la période au cours de laquelle elles demeuraient applicables.

Enfin, en quatrième et dernier lieu, la société reprochait à l’arrêt d’appel d’avoir rejeté sa demande en dommages-intérêt, estimant que Copie France n’avait pas commis de faute.

La Cour de cassation approuve également la cour d’appel.

Elle constate que cette dernière a relevé que, elle-même, par un arrêt du 22 mars 2007 (CA Paris, 5ème ch., sect. B, 22 mars 2007, n° 05/20609 N° Lexbase : A8205DUG), puis la Cour de cassation, par un arrêt du 27 novembre 2008 (Cass. civ. 1, 27 novembre 2008, n° 07-15.066, FS-P+B N° Lexbase : A4580EBA), avaient considéré que, dans l'hypothèse de l'acquisition d'un support assujetti à la rémunération pour copie privée par un consommateur français auprès d'un cybercommerçant établi légitimement à l'étranger, seul le premier pouvait être considéré comme importateur au sens de l'article L. 311-4 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L2491K97), de sorte qu'aucune action ne pouvait être légalement et utilement introduite contre le second, que, néanmoins, la société Copie France justifiait avoir engagé neuf procédures contre des sites localisés artificiellement à l'étranger afin d'échapper au paiement de la rémunération pour copie privée, ayant abouti notamment à la condamnation d'un cybercommerçant au paiement d'une somme de 1 538 026,50 euros, et que, sur son site internet, cette société, à compter du 20 septembre 2007 avait informé les particuliers qui achetaient des supports sur un site internet étranger qu'ils étaient redevables de la rémunération et devaient établir un bulletin de déclaration afin de permettre l'établissement d'une facture.

Elle a ajouté que, à compter de l'arrêt de la CJUE « Stichting de Thuiskopie » (CJUE, 16 juin 2011, aff. C-462/09 N° Lexbase : A6408HTI), qui a dit pour droit que la seule circonstance que le vendeur professionnel d'équipements, d'appareils ou de supports de reproduction est établi dans un État membre autre que celui dans lequel résident les acheteurs demeurait sans incidence sur l'obligation de résultat incombant à l'État membre de garantir aux auteurs de recevoir effectivement la compensation équitable destinée à les indemniser, la société Copie France justifiait avoir engagé de nombreuses actions auprès de cybercommerçants installés à l'étranger pour obtenir le versement par ceux-ci de la rémunération pour copie privée due à raison de ventes effectuées auprès de consommateurs situés en France, consistant en des lettres de mise en demeure dès le mois d'août 2011, puis en 2013, 2014 et 2016, ainsi qu'en des actions en référé, notamment à l'égard de la société Amazon, dont la société demanderesse au pourvoi contestait inutilement l'efficacité.

Ainsi, selon la Haute juridiction, la cour d'appel a pu écarter l’existence d’une faute de la société Copie France. Le moyen n’est donc pas fondé.

En conséquence, la Cour de cassation rejette le pourvoi.

newsid:479411

Responsabilité administrative

[Brèves] Maltraitance sur des élèves par un professeur : seul l’État peut être financièrement condamné !

Réf. : Cass. crim., 3 novembre 2021, n° 21-80.749, F-B (N° Lexbase : A06577BX)

Lecture: 1 min

N9438BY9

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par Yann Le Foll

Le 23 Novembre 2021

En cas de maltraitance sur des élèves par un professeur, seul l’État peut être financièrement condamné.

Principe. Selon l'article L. 911-4 du Code de l'éducation (N° Lexbase : L9522I7S), lorsque la responsabilité d'un membre de l'enseignement public se trouve engagée à la suite d'un fait dommageable commis au détriment des élèves qui lui sont confiés, la responsabilité de l'État est substituée à celle de l'enseignant qui ne peut jamais être mis en cause devant les tribunaux civils par la victime ou ses représentants (voir déjà pour une application de ce principe, TGI Montpellier, 2ème ch., 9 février 2011, n° 10/01875 N° Lexbase : A3846GXQ).

L'action en responsabilité exercée par la victime, ses parents ou ses ayants droit, intentée contre l'État, ainsi responsable du dommage, est portée devant le tribunal de l'ordre judiciaire du lieu où le dommage a été causé, et dirigée contre l'autorité académique compétente.

Application – censure CA. Après avoir déclaré le prévenu coupable de violences sur ses élèves, les juges du fond l'ont condamné à payer des dommages-intérêts aux parties civiles.
En statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe précité. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : La mise en œuvre de la responsabilité administrative, La faute des membres de l'enseignement public, in Responsabilité administrative, (dir. P. Tifine), Lexbase (N° Lexbase : E3680EUT).

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