Le Quotidien du 30 mai 2022

Le Quotidien

Actualité judiciaire

[Le point sur...] L’ex-ministre des PME, Alain Griset, toujours embourbé dans son affaire d’abus de confiance

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N1641BZS

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par Vincent Vantighem

Le 22 Juin 2022

Le nom d’Alain Griset n’est jamais apparu dans les conjectures liées à la composition du premier gouvernement d’Élisabeth Borne. Et pour cause, l’ancien ministre délégué aux Petites et moyennes entreprises (PME) n’est plus au Gouvernement depuis le 8 décembre 2021. Contraint à démissionner après avoir été condamné à six mois d’emprisonnement avec sursis et à une peine d’inéligibilité de trois ans pour « déclaration incomplète de sa situation patrimoniale auprès de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Condamnation dont il a fait appel. C’est cette même affaire qui lui a valu de comparaître, mercredi 25 mai, devant le tribunal judiciaire de Lille (Nord). Mais cette fois dans le volet « abus de confiance ».

Chauffeur de taxi durant plus de 30 ans, diplômé selon ses propres mots, à la barre, d’un « bac moins 8 », Alain Griset se voit reprocher d’avoir placé sur son Plan d’épargne en actions personnel de l’argent issu de la Confédération nationale de l’artisanat des métiers et des services (Cnams) du Nord, une structure syndicale qu’il présidait avant d’entrer au Gouvernement. Depuis le début, il a toujours prétendu qu’il avait opté pour cette solution sans penser à mal, pour faire « fructifier » l’argent de son ancienne organisation comme le ferait « un bon père de famille ». Mais voilà, déjà condamné pour déclaration incomplète auprès de la HATVP, le voilà désormais menacé par une nouvelle peine. Le parquet de Lille a, en effet, requis à son encontre un an de prison avec sursis. « J’ai essayé de rendre service et j’ai tout perdu… », a-t-il regretté.

« Ce n’est pas digne de Tracfin. Je suis tombé sur le cul ! »

Cette affaire trouve son origine dans les précédentes fonctions d’Alain Griset. À la tête de la Cnams pendant longtemps, il avait décidé de placer, pendant onze mois, 130 000 euros appartenant à la structure sur l’un de ses comptes personnels. À l’époque, selon lui, il était animé de bonnes intentions dans le but de faire fructifier de l’argent pour pouvoir, ensuite, le rendre à son organisation. Sauf qu’une fois nommé ministre, il s’est bien vite rendu compte que cette manœuvre bancaire allait poser un problème. D’autant plus que Tracfin, la cellule anti-blanchiment des services de Bercy, venait de faire un signalement.

Certes, une fois nommé, Alain Griset a reversé les 130 000 euros sur un compte de la Cnams avant un second versement de quelque 19 000 euros, censés correspondre à la plus-value réalisée. Mais, selon les calculs de Tracfin, la plus-value dépassait, en réalité, 41 000 euros. « Ce que j’ai lu n’est pas digne de Tracfin, s’est agacé l’ancien ministre à la barre du tribunal judiciaire de Lille, lors de l’audience. Je suis tombé sur le cul ! »

Quel que soit le montant de la plus-value vraiment réalisée, le problème est ailleurs pour Alain Griset : héberger sur son compte personnel des fonds appartenant à une organisation syndicale ou association est illégal. Quand bien même le but poursuivi ne serait pas de l’enrichissement personnel. D’autant plus qu’Alain Griset est accusé d’avoir fait son coup en douce. Confronté par le tribunal aux déclarations des membres du conseil d’administration de la Cnams qui ont affirmé aux enquêteurs ne pas avoir été informés de l’opération, l’ancien chauffeur de taxi a été contraint de reconnaître qu’il avait pris la décision tout seul.

La décision sera rendue le 28 juin

Que ce soit dans le volet parisien consacré à la déclaration incomplète à la HATVP ou dans le volet lillois sur l’abus de confiance, Alain Griset a toujours plaidé la « maladresse » plus que « la tricherie », « la malhonnêteté » ou « la tentative de vol ». Mais l’accusation a du mal à le croire. Le procès qui s’est tenu à Lille est notamment longuement revenu sur le contact qu’il avait d’ailleurs pris, lui-même, avec Alexis Kohler, le secrétaire général de l’Élysée, alors que la HATVP le mettait sur la sellette. Un moyen de tenter de comprendre si Alain Griset avait bien tenté de régulariser la situation discrètement alors que le fric-frac bancaire allait éclater.

« On a affaire à quelqu’un mû par l’avidité, la cupidité », a ainsi pointé la procureure à l’audience, estimant qu’un mode de fonctionnement sans contre-pouvoirs lui avait permis de se comporter en propriétaire de la somme appartenant en réalité à la Cnams, à travers ce placement « à hauts risques » effectué pour réaliser des profits personnels. Un raisonnement qui l’a ensuite conduit à requérir une peine d’un an de prison, de trois ans d’inéligibilité et de 80 000 euros d’amende. La décision doit être rendue le 28 juin prochain. Pas sûr qu’Alain Griset soit rappelé au Gouvernement d’ici là.

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Entreprises en difficulté

[Brèves] La créance d’impôt sur les sociétés est une créance postérieure méritante

Réf. : Cass. com., 18 mai 2022, n° 20-21.852, F-B N° Lexbase : A33927XW

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N1559BZR

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par Vincent Téchené

Le 25 Mai 2022

► Lorsque la clôture de l'exercice fiscal, qui, seule permet de déterminer le bénéfice net imposable, est postérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective, le paiement de l'impôt sur les sociétés constitue pour les entreprises qui y sont assujetties une obligation légale inhérente à l'activité poursuivie après le jugement d'ouverture donnant naissance à une créance postérieure privilégiée.

Faits et procédure. Une société a bénéficié d'une procédure de sauvegarde le 12 juillet 2017 et un plan de sauvegarde a été arrêté le 3 juillet 2018. Le 21 décembre 2017, le juge-commissaire a autorisé la transmission universelle à la débitrice du patrimoine de sa filiale à 100 % . La somme correspondant à l'impôt sur les sociétés estimé dû par la filiale a été consignée entre les mains de l'administrateur, devenu commissaire à l'exécution du plan. Le 28 mai 2018 l'administration fiscale, après avoir établi une situation au 31 décembre 2017, a émis un avis de mise en recouvrement et adressé à la débitrice une mise en demeure de payer le montant en résultant, que cette dernière a contesté.

Elle a alors saisi le juge-commissaire d'une demande aux fins de voir déclarée la créance fiscale non éligible aux dispositions de l'article L. 622-17, II, du Code de commerce N° Lexbase : L9123L7Z et de solliciter l'autorisation pour le commissaire à l'exécution du plan de se libérer à son profit de la consignation.

Devant la cour d'appel, le comptable public a demandé l'inscription de la créance sur la liste des créances postérieures privilégiées. La cour d’appel l’ayant débouté de sa demande (CA Paris, 5-9, 27 février 2020, n° 19/11726 N° Lexbase : A74043GC), le comptable public a formé un pourvoi en cassation.

Décision. La Cour de cassation accueille favorablement le pourvoi en censure l’arrêt d’appel au visa des articles L. 622-17, I, du Code de commerce, 38 N° Lexbase : L5626MAM et 223 A N° Lexbase : L2208LYG du Code général des impôts.

Elle retient qu’il résulte de la combinaison des deux premiers textes que, lorsque la clôture de l'exercice fiscal, qui, seule permet de déterminer le bénéfice net imposable, est postérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective, le paiement de l'impôt sur les sociétés constitue pour les entreprises qui y sont assujetties une obligation légale inhérente à l'activité poursuivie après le jugement d'ouverture donnant naissance à une créance éligible aux dispositions du premier texte. En outre, selon le troisième texte visé, par l'intégration fiscale dans les conditions qu'il détermine, la société mère se constitue seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur l'ensemble des résultats du groupe.

Or, pour dire que la créance fiscale ne bénéficie pas du traitement privilégié, l'arrêt, après avoir constaté que la filiale était fiscalement intégrée à la société mère débitrice, retient que, si en application de l'article 223-A du CGI, c'est sur cette société que l'administration fiscale détient une créance d'impôt, cette dernière, née à la clôture de l'exercice fiscal à raison du résultat bénéficiaire, résulte exclusivement du produit de la cession réalisée par la filiale le 26 janvier 2017. Il en déduit alors que la créance fiscale n'est pas née en contrepartie d'une prestation fournie par la société débitrice ni pour les besoins du déroulement de sa procédure.

La Haute juridiction casse donc l’arrêt d’appel : en statuant ainsi tout en constatant que la société filiale était, pendant toute l'année 2017, intégrée fiscalement à la société mère, cette dernière étant débitrice de l'impôt sur les sociétés, calculé en tenant compte du résultat de la filiale, et que la clôture de l'exercice de la société mère était postérieure à l'ouverture de la procédure de sauvegarde, la cour d'appel a violé les textes visés.

Observations. Concernant les créances fiscales, la Cour de cassation a déjà précisé que :

  • la taxe d'apprentissage et la participation des employeurs à la formation professionnelle constituent, pour les entreprises qui y sont assujetties, une obligation légale et sont inhérentes à l'activité poursuivie après le jugement d'ouverture, de sorte qu’elle est une créance postérieure privilégiée (Cass. com., 22 février 2017, deux arrêts, n° 15-17.166, F-P+B+I N° Lexbase : A6883TNA et n° 15-17.167, F-D N° Lexbase : A2431TPQ, B. Brignon, Lexbase Affaires, mars 2017, n° 503 N° Lexbase : N7226BWK) ;
  • la créance de taxe foncière n'est pas née pour les besoins du déroulement de la procédure et n’est donc pas une créance privilégiée (Cass. com., 14 octobre 2014, n° 13-24.555, FS-P+B N° Lexbase : A6480MYN) ;
  • la cotisation foncière des entreprises (CFE) constitue, pour les entreprises qui y sont assujetties, une obligation légale et est inhérente à l'activité poursuivie après le jugement d'ouverture et entre, en conséquence, dans la catégorie des créances privilégiées (Cass. com., 24 mars 2021, n° 20-13.832, F-P N° Lexbase : A66994M3, V. Téchené Lexbase Affaires, avril 2021, n° 671 N° Lexbase : N7014BYG).
Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les créanciers postérieurs, Les créances sociales et fiscales, in Entreprises en difficulté, (dir. P.-M. Le Corre), Lexbase N° Lexbase : E0608E9E.

 

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Fiscalité des entreprises

[Brèves] Imposition des revenus distribués : la qualité de maître de l’affaire reste sans incidence pour présumer du caractère effectivement distribué des revenus

Réf. : CE, 10° ch., 19 mai 2022, n° 446787, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A58787XY

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N1590BZW

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par Marie-Claire Sgarra

Le 25 Mai 2022

Pour soumettre à l'impôt sur le revenu des revenus distribués, il incombe à l'administration d'établir qu'ils ont été mis à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts. La circonstance que le contribuable que l'administration entend imposer est le maître de l'affaire est à cet égard sans incidence.

Les faits :

  • le requérant a été gérant et actionnaire à hauteur de 50 % d’une SARL depuis sa création en 2005 jusqu'au 7 juin 2011, date de sa démission ;
  • la société a été mise en liquidation amiable le 10 avril 2012 ;
  • l'administration fiscale a procédé à une vérification de comptabilité de la société au titre de la période allant du 1er juillet 2008 au 30 juin 2011 et a adressé deux courriers par lettre simple puis recommandée, à l'adresse de la société et à celle du nouveau dirigeant, renvoyées avec la mention « destinataire non identifiable » ;
  • deux mises en garde, envoyées dans les mêmes conditions ont été adressées aux mêmes destinataires et retournées à l'administration ;
  • un procès-verbal pour opposition à contrôle fiscal a été établi et les bénéfices de la société ont fait l'objet d'un rehaussement à la suite d'une procédure d'évaluation d'office ;
  • les charges non admises en déduction des bénéfices imposables ont été réputées distribuées et réintégrées à l'impôt sur le revenu dû par le requérant reconnu comme maître de l'affaire sur les trois années évaluées ;
  • le TA de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions litigieuses ; la CAA de Versailles rejette l’appel formé contre ce jugement (CAA Versailles, 22 septembre 2020, n° 18VE02847 N° Lexbase : A27513WS).

Principe. Aux termes de l’article 109 2° du CGI N° Lexbase : L2060HLU, sont considérés comme revenus distribués :

  • tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ;
  • toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices.

Pour rejeter la demande tendant à la décharge des impositions supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à la charge du requérant, la CAA de Versailles a jugé que si les dispositions de l’article 109 2° du CGI précitées font obligation à l'administration, lorsqu'elle estime devoir imposer l'associé d'une société qui n'a pas accepté, même tacitement, le redressement de son imposition à l'impôt sur le revenu, d'apporter la preuve que celui-ci a eu la disposition des sommes ou valeurs qu'elle entend imposer à son nom à raison de revenus regardés comme distribués, l'administration est toutefois réputée apporter la preuve de l'appréhension effective des fonds lorsqu'elle établit que cet associé, en sa qualité de maître de l'affaire, était en mesure de prélever des sommes à son profit.

Solution du CE. En statuant ainsi, alors que, s'agissant d'une imposition fondée sur l'article 109 2° du CGI, il lui appartenait de rechercher si les revenus avaient effectivement été distribués au requérant, et non de le présumer en raison de la qualité de maître de l'affaire de ce dernier, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit.

Contrairement à ce que soutient le ministre dans ses écritures en défense, ce moyen n'est pas nouveau en cassation. Par suite, le requérant est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

Précisions.

► Le Conseil d’État a déjà eu l’occasion de juger que la circonstance que le contribuable soit le maître de l'affaire est sans incidence s’il n’est pas établi que les sommes réputées distribuées ont été mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts (CE 8°-3° ch. réunies, 29 juin 2020, 432815, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A78583PQ ; CE 8°-3° ch. réunies, 29 juin 2020, n° 433827, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A78653PY).

Sur ces arrêts, lire les conclusions du Rapporteur public, R. Victor, Lexbase Fiscal, juillet 2020, n° 832 N° Lexbase : N4089BY4.

 

Aussi, bien que le Conseil d’État a déjà eu l’occasion de rendre plusieurs décisions sur la notion de maître de l’affaire.

► CE 8° ss., 3 juin 2015, n° 370699, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A1995NK4.

► CE 3°-8° ch. réunies, 13 juin 2016, n° 391240, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A7768RSI.

Sur ce dernier arrêt, lire les conclusions du Rapporteur public, V. Daumas, Lexbase Fiscal, juillet 2016, n° 665 N° Lexbase : N3976BW8.

 

► CE 8°-3° ch. réunies, 14 septembre 2016, n° 400882, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A9148RZT.

Lire en ce sens, J. Bellaiche, Ambigüités à propos de la présomption pesant sur le maître de l'affaire, Lexbase Fiscal, septembre 2016, n° 670 N° Lexbase : N4504BWQ.

 

► CE plén., 22 février 2017, n° 388887, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A8444TN3 : le CE toujours refusé de transmettre des QPC portant sur la constitutionnalité de la présomption.

Lire en ce sens les conclusions du Rapporteur public, V. Daumas, Lexbase Fiscal, mars 2017, n° 693 N° Lexbase : N7398BWW.

 

 

 

 

newsid:481590

Informatique et libertés

[Focus] Les risques pénaux liés à l’exploitation et à l’utilisation de bases de données juridiques numériques contenant des décisions de justice

Lecture: 23 min

N1637BZN

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par Rodolphe Mesa, Maître de conférences HDR, Université du Littoral-Côte d’Opale (A2U – Larj EA 3603)

Le 08 Juin 2022

Mots-clés : libre accès aux décisions de justice • exploitation et utilisation de bases de données numériques • legaltech • liberté d’utilisation du contenu public figurant dans les décisions de justice • abus pénalement sanctionnés

Le libre accès aux décisions de justice, associé à l’absence de droits de propriété intellectuelle sur leur contenu public, permet leur inclusion dans une base de données numérique. Si le droit pénal est étranger à ces éléments, il peut réapparaitre pour appréhender des agissements voisins de l’exploitation et de l’utilisation de telles bases de données, soit parce qu’ils portent atteinte à un intérêt pénalement protégé, soit parce qu’ils méconnaissent un droit de propriété intellectuelle.


 

La création, l’exploitation et l’utilisation de bases de données juridiques sous forme numérique contenant des décisions de justice sont permises par la loi, du 7 octobre 2016, pour une République numérique N° Lexbase : L4795LAT. Cette loi consacre, en effet, le principe de la mise à disposition du public, à titre gratuit et dans le respect de la vie privée des personnes concernées, des jugements des juridictions judiciaires et administratives [1], dont le régime a été retouché par la loi n° 2019-222, du 23 mars 2019, de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice  [2] N° Lexbase : L6740LPC. De telles bases de données, articulées autour de logiciels performants, facilitent et rendent plus efficace le travail du juriste [3]. Elles peuvent également être une source de bénéfices pour leur exploitant, tout en contribuant à la réalisation de la justice prédictive [4]. Différentes entités économiques, couramment désignées sous l’appellation de legaltech, se sont saisies du filon et exploitent, pour certaines d’entre elles, d’importantes bases de données qui peuvent regrouper jusqu’à plusieurs millions de décisions de justice [5].

Malgré les atouts de la facilitation de l’accès au droit et aux décisions de justice par le recours à l’outil numérique, bon nombre de difficultés subsistent [6]. Certaines d’entre elles tiennent aux modalités de mise à disposition des décisions de justice, à la question du bienfondé d’une demande de communication en masse desdites décisions adressées par une legaltech à une juridiction et du refus du greffe de répondre à une telle sollicitation [7], aux prérogatives légitimes de l’utilisateur de ces données, au droit au respect de la vie privée des personnes concernées [8], ou encore, à la question de la nature de document administratif des jugements [9]. D’autres difficultés, inhérentes au caractère lucratif de l’exploitation ou de l’utilisation d’une base de données juridiques contenant des décisions de justice, sont attachées à la question de la réponse pénale susceptible d’être apportée à certains comportements peu scrupuleux qui leur sont liés, tels que la mise en œuvre de pratiques de typosquattage dans le but de tromper le greffe et de le conduire à délivrer la décision sollicitée, ou l’utilisation de décisions de justice dont l’origine est douteuse [10].

Le Conseil d’État considère classiquement que les jugements, ordonnances et arrêts des juridictions ne constituent pas des documents administratifs au sens de l’article L. 300-2 du Code des relations entre le public et l’administration (CRPA) N° Lexbase : L4910LA4 [11], et qu’il en va de même, de manière générale, des documents d'ordre juridictionnel ou qui en sont inséparables [12]. Il a réaffirmé pareille position dans un arrêt en date du 5 mai 2021, qui a exclu l’inclusion des décisions de justice du domaine du droit de communication des documents administratifs de l'article L. 300-2 précité du CRPA [13]. Il n’en reste pas moins que l’exigence de publicité de la justice, telle qu’elle ressort de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (CESDH) N° Lexbase : L7558AIR, implique que chacun puisse avoir accès au texte intégral d’une décision de justice[14]. Ces considérations, reprises aux articles L. 111-13 N° Lexbase : L7368LPL et L. 111-14 N° Lexbase : L7190LPY du Code de l’organisation judiciaire (COJ), et L. 10 N° Lexbase : L7370LPN et L. 10-1N° Lexbase : L7189LPX du Code de justice administrative (CJA), associées aux principes, issus des mêmes textes, de mise à disposition du public des décisions de justice sous forme électronique et de liberté de réutilisation des informations publiques qu’elles contiennent, impliquent que la seule inclusion, exploitation ou utilisation de telles décisions dans une base de données numérique n’est pas, par principe, de nature infractionnelle (I). Si infraction il peut y avoir, ce n’est pas en raison de telles actions, mais des agissements qui sont susceptibles de s’y greffer, tout en étant attentatoires à un intérêt protégé par la loi pénale (II).

I. Le caractère non-infractionnel de l’exploitation et de l’utilisation d’une base de données numérique contenant des décisions de justice

Malgré l’encadrement dont elles font l’objet et qui est sanctionné par les dispositions du CRPA (B), l’exploitation et l’utilisation des informations publiques figurant dans les décisions de justice ne peuvent, en raison du principe de mise à disposition du public sous forme électronique de ces décisions, être constitutives d’une infraction, en ce compris quand ces décisions sont incluses dans une base de données numérique (A).

A. Le principe de mise à disposition du public exclusif du caractère infractionnel de l’exploitation et de l’utilisation d’une base de données numérique contenant des décisions de justice

Dans l’absolu, l’exploitation et l’utilisation du contenu des décisions de justice, en ce compris lorsque ces décisions ont été intégrées dans une base de données numérique, ne peuvent, à elles seules, en raison de la rédaction des articles L. 111-13 et L. 111-14 du COJ, d’une part, L. 10 et L. 10-1 du CJA, d’autre part, être constitutives d’une infraction. Ces dispositions, rédigées dans des termes semblables, permettent, en effet, aux tiers à l’affaire de solliciter du greffe de la juridiction concernée la délivrance d’une copie des décisions de justice, le tout sous réserve des demandes abusives, en particulier par leur nombre ou par leur caractère répétitif ou systématique. Elles consacrent, également, le principe de la mise à la disposition du public, à titre gratuit et sous forme électronique, des décisions rendues par les juridictions judiciaires et administratives, tout en renvoyant aux articles L. 321-1 N° Lexbase : L4921LAI à L. 326-1 N° Lexbase : L4931LAU du CRPA en ce qui concerne la réutilisation des informations publiques figurant dans ces décisions.

Aussi, conformément à ces dispositions, n’importe quelle personne, même non-partie à l’affaire, peut demander la communication de n’importe quelle décision de justice en s’adressant au greffe de la juridiction qui l’a rendue. Demander la communication d’une telle décision aux fins de l’inclure dans une base de données n’est donc pas, en soi, infractionnel. Quant aux demandes abusives, leur caractère abusif permet au greffe de justifier un refus de communication, mais n’est pas, pris isolément, constitutif d’une infraction.

Par ailleurs, le renvoi aux articles L. 321-1 à L. 326-1 du CRPA, s’agissant de la réutilisation des informations publiques figurant dans les décisions de justice, implique que ces informations ne sont pas protégées par un droit de propriété intellectuelle. Ce renvoi implique également que l’utilisation et la réutilisation des informations publiques contenues dans les décisions de justice sont autorisées à toute personne qui le souhaite, à d'autres fins que celles de la mission de service public pour les besoins de laquelle les documents ont été produits ou reçus, et que cette réutilisation est gratuite [15]. Pareille réutilisation ne peut, en effet, donner lieu à redevance que lorsque l’administration dont émanent les documents est tenue de couvrir par des recettes propres une part substantielle des coûts liés à l'accomplissement de ses missions de service public [16], et ne peut, non plus, faire l'objet d'un droit d'exclusivité accordé à un tiers, sauf si un tel droit est nécessaire à l'exercice d'une mission de service public [17].

Tel qu’il est encadré par les articles L. 321-1 et suivants du CRPA, le principe de liberté de réutilisation des informations publiques figurant dans les décisions de justice rend parfaitement légales leurs réunion, exploitation et utilisation dans une base de données numérique. La méconnaissance de l’encadrement de ces agissements, tel qu’il résulte des dispositions précitées, peut cependant exposer son auteur à une sanction punitive, qui est de nature administrative et non pénale.

B. Les sanctions administratives punitives de l’irrespect des conditions d’utilisation des informations publiques figurant dans les décisions de justice

Les articles L. 321-1 et suivants du CRPA précisent les limites et conditions de l’utilisation, par toute personne qui le souhaite, des informations publiques figurant dans les décisions de justice. La réutilisation de telles informations publiques n’est en principe possible qu’à la condition que lesdites informations ne soient pas altérées, que leur sens ne soit pas dénaturé [18] et que leurs sources et la date de leur dernière mise à jour soient mentionnées [19]. La réutilisation n’est, par ailleurs, concevable, lorsque les informations publiques comportent des données à caractère personnel, que dans le respect des dispositions de la loi n° 78-17, du 6 janvier 1978, relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés N° Lexbase : L8794AGS [20], ce qui impose l’anonymisation des données à caractère personnel réalisée par l’autorité émettrice [21]. Cette exigence d’anonymisation est expressément reprise par les articles L. 111-14 du COJ et L. 10 du CJA, qui prescrivent que les éléments permettant d'identifier les personnes physiques mentionnées dans le jugement, lorsqu'elles sont parties ou tiers, soient occultés si leur divulgation est de nature à porter atteinte à la sécurité ou au respect de la vie privée de ces personnes ou de leur entourage. La réutilisation d'informations publiques figurant dans les décisions de justice peut encore, conformément à l’article L. 323-1 du CRPA N° Lexbase : L2018K7U, donner lieu à l'établissement d'une licence fixant les conditions de cette réutilisation et ne pouvant apporter de restrictions à la réutilisation que pour des motifs d'intérêt général et de façon proportionnée tout en ne restreignant pas la concurrence [22], ceci alors qu’une telle licence est obligatoire lorsque la réutilisation est soumise au paiement d'une redevance [23]. La réutilisation des informations publiques contenues dans les décisions de justice ne peut, par ailleurs, faire l'objet d'un droit d'exclusivité accordé à un tiers, sauf si un tel droit est nécessaire à l'exercice d'une mission de service public [24].

La méconnaissance de cet encadrement de la réutilisation des informations publiques figurant dans les décisions de justice fait l’objet de sanctions punitives, qui ne sont pas des sanctions pénales mais des sanctions administratives, auxquelles s’exposeraient naturellement les legaltechs peu scrupuleuses en la matière. Ainsi, l’article L. 326-1 du CRPA sanctionne d’une amende administrative d’un montant maximal d’un million d’euros, prononcée par la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA), la réutilisation, à des fins commerciales, d’informations publiques  en méconnaissance des dispositions de l'article L. 322-1 N° Lexbase : L2014K7Q qui interdisent leur altération ou la dénaturation de leur sens, ou des conditions de réutilisation prévues par une licence délivrée à cet effet, ou encore, en violation de l'obligation d'obtenir une licence. Le montant maximal de l’amende est porté à deux millions d’euros en cas de manquement réitéré dans les cinq années à compter de la date à laquelle la sanction précédemment prononcée est devenue définitive, ou, s'agissant d'une entreprise, à 5 % du chiffre d'affaires hors taxe du dernier exercice clos dans la limite de deux millions d'euros. La CADA peut également interdire à l'auteur du manquement la réutilisation d'informations publiques pendant une durée maximale de deux ans, qui peut être portée à cinq ans en cas de récidive dans les cinq années suivant le premier manquement.

De la sorte, le seul non-respect, par une legaltech, de l’encadrement inhérent à la réutilisation des informations publiques figurant dans les décisions de justice qu’elle insèrerait dans une base de données numérique qu’elle exploite, l’expose à un risque pécuniaire important, voire à une interdiction de réutiliser certaines décisions de justice. Ce risque n’est pas pour autant un risque pénal, car les manquements appréhendés par l’article L. 326-1 du CRPA ne sont pas, en eux-mêmes, constitutifs d’infractions à la loi pénale.

Quant à celui qui utiliserait les informations publiques figurant dans les décisions de justice contenues dans une base de données numérique irrégulièrement constituée, il pourrait s’exposer aux mêmes sanctions en cas d’utilisation à des fins commerciales, ou à une amende de 1 500 euros en cas d’utilisation à des fins non commerciales [25]. Encore faudrait-il, toutefois, qu’il ait connaissance du fait que les informations publiques qu’il utilise le sont en violation des articles L. 322-1 et suivants du CRPA, sans quoi aucune sanction ne devrait être encourue. Un tel utilisateur ne peut, en tout état de cause, s’exposer, pour une telle utilisation, à une sanction sur le fondement des articles 321-1 N° Lexbase : L1940AMS et suivants du Code pénal. La condition préalable du recel fait, en effet, défaut dans la mesure où les manquements sanctionnés par l’article L. 326-1 du CRPA ne constituent pas des crimes ou des délits.

Si le droit pénal est absent s’agissant de la réutilisation des informations publiques figurant dans les décisions de justice, il peut réapparaitre pour appréhender les agissements voisins de l’exploitation ou de l’utilisation d’une base de données numérique contenant des telles décisions.

II. Les agissements infractionnels voisins de l’exploitation et de l’utilisation d’une base de données numérique contenant des décisions de justice

Si, à elles seules, l’exploitation et l’utilisation de bases de données numériques contenant des décisions de justice apparaissent difficilement infractionnelles, il n’en reste pas moins que celles-ci peuvent être accompagnées d’agissements voisins susceptibles d’être pleinement constitutifs. Il peut en aller ainsi en raison soit de la lésion d’un intérêt protégé par les dispositions du Code pénal (A), soit de celle d’un droit de propriété intellectuelle (B).

A. La répression des agissements attentatoires à un intérêt pénalement protégé

Plusieurs agissements constitutifs d’un délit incriminé par les dispositions des Livres II et III du Code pénal, relatifs aux différentes atteintes aux personnes et aux biens, sont susceptibles d’accompagner l’exploitation ou l’utilisation de bases de données numériques contenant des décisions de justice et, le cas échéant, d’être imputés à l’exploitant ou à l’utilisateur d’une telle base de données.

En premier lieu, la réutilisation des informations publiques contenues dans les décisions de justice n’est concevable que dans le strict respect de la vie privée des parties à l’affaire. Cela ressort tant des articles L. 111-13 et L. 111-14 du COJ, et L. 10 et L. 10-1 du CJA, qui imposent l’occultation, préalablement à la mise à disposition du public, des nom et prénoms des personnes physiques mentionnées dans le jugement, que de l’article L. 322-2 du CRPA N° Lexbase : L4917LAD, qui subordonne l’utilisation d’informations publiques comportant des données à caractère personnel au respect des prescriptions de la loi du 6 janvier 1978. Ces obligations sont complétées par la prohibition de l’utilisation des données d’identité des magistrats et des membres du greffe aux fins d’évaluer, d’analyser, de comparer ou de prédire leurs pratiques professionnelles réelles ou supposées.

De la sorte, la legaltech qui exploiterait une base de données numérique dans des conditions génératrices d’une atteinte à la vie privée pourrait se voir reprocher l’un des délits incriminés par les articles 226-16 N° Lexbase : L4525LNW et suivants du Code pénal relatifs aux atteintes aux droits de la personne résultant des fichiers ou des traitements informatiques. Aussi, à suivre les articles L. 111-13 du COJ et L. 10 du CJA, l’exploitation à des fins prédictives d’une telle base contenant des données relatives à l’identité des juges permet d’imputer à son auteur le délit de collecte de données à caractère personnel par un moyen frauduleux, déloyal ou illicite de l’article 226-18 du Code pénal N° Lexbase : L4480GT4, qui est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 300.000 euros d'amende. Une legaltech pourrait s’exposer aux mêmes peines, sur le fondement des articles 226-16 et suivants du Code pénal, si des données à caractère personnel étaient, y compris par négligence, traitées sans qu'aient été respectées les formalités préalables à leur mise en œuvre prévues par la loi du 6 janvier 1978, ou en violation de certaines obligations édictées par la même loi. Le fait que les données nominatives irrégulièrement exploitées soient peu nombreuses est, dans ce cadre, une circonstance indifférente dans la mesure où la Chambre criminelle de la Cour de cassation ne subordonne aucunement la constitution de l’infraction au franchissement d’un seuil de données ou de fichiers [26]. Les mêmes peines pourraient encore être encourues au titre de la transgression des dispositions du Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) incriminées par les articles 226-16-2 N° Lexbase : L6310L4H et 226-17 N° Lexbase : L4524LNU du Code pénal.

En second lieu, la collecte des décisions de justice peut donner lieu, en raison de certains obstacles inhérents à leur communication par les juridictions, tels qu’ils ressortent, notamment, des articles L. 111-14 du COJ et L. 10-1 du CJA, à la commission de délits contre les biens et d’infractions de conséquence.

Ainsi, se faire passer pour une partie, de manière à obtenir la communication d’une décision non-anonymisée, peut caractériser un délit d’escroquerie par l’usage d’un faux nom dès lors que cet usage est déterminant de la remise de la décision convoitée [27]. Une telle remise peut, en effet, s’analyser soit comme la remise d’un bien quelconque, soit comme la fourniture d’un service au sens de l’article 313-1 du Code pénal N° Lexbase : L2012AMH [28]. Quant aux agissements réalisés aux fins de collecte des décisions de justice à partir des bases de données mises en ligne par les juridictions, ils peuvent, s’ils consistent en des sollicitations massives en ligne au point d’en impacter négativement le fonctionnement, constituer le délit de perturbation informatique de l’article 323-2 du Code pénal N° Lexbase : L0871KCA. Si un forçage était effectué pour obtenir l’accès à des données non-publiées par la juridiction, l’agissement pourrait être appréhendé comme caractéristique d’un délit d’accès frauduleux dans tout ou partie d'un système de traitement automatisé de données (STAD) de l’article 323-1 du Code pénal. Ceci alors que l’extraction, la détention, la reproduction ou la transmission desdites données non-publiques contenues dans un STAD peut être constitutive du délit de l’article 323-3 du Code pénal N° Lexbase : L0872KCB.

L’utilisation des données issues de ces différentes infractions, en ce compris s’il s’agit de décisions de justice, n’est pas à l’abri de la répression. L’application des peines du recel de l’article 321-1 du Code pénal ne semble pas inconcevable à l’encontre de celui qui détient le produit dématérialisé d’un crime ou d’un délit, ou qui en profite, en toute connaissance de cause. Si, en effet, la solution par laquelle la Chambre criminelle avait qualifié de recel d’apologie d’actes de terrorisme le téléchargement de fichiers informatiques faisant l’apologie de tels actes a été remise en cause par le Conseil constitutionnel [29], ce n’est pas en raison de la dématérialisation de la chose susceptible de recel, mais de l’atteinte excessive à la liberté d’expression attachée à la combinaison des articles 321-1 et 421-2-5 N° Lexbase : L8378I43 du Code pénal [30]. Toutefois, pour tomber sous le coup de l’article 321-1 du Code pénal, l’utilisation d’une décision de justice obtenue par le moyen d’une escroquerie, d’une atteinte à la vie privée ou à un STAD doit être réalisée en connaissance de son origine infractionnelle, qui peut être difficile à établir à propos de l’utilisateur d’une base de données numérique exploitée par une legaltech.

Parfois, c’est d’une atteinte à un droit de propriété intellectuelle sanctionnée pénalement que peuvent s’accompagner la collecte, l’exploitation ou l’utilisation digitalisées de décisions de justice.

B. La répression des agissements lésionnaires d’un droit de propriété intellectuelle

Les droits de propriété intellectuelle peuvent être affectés par l’exploitation ou l’utilisation de décisions de justice insérées dans une base de données numérique, ne serait-ce que parce que le principe de libre réutilisation des informations publiques figurant dans de telles décisions n’est pas absolu. La réutilisation libre est, en effet, limitée aux seules informations publiques, c’est-à-dire, à suivre l’article L. 321-2 du CRPA, aux informations autres que celles sur lesquelles des tiers détiennent des droits de propriété intellectuelle. Si, par ailleurs, les droits des administrations sur les bases de données qu’elles exploitent ne peuvent faire obstacle à la réutilisation du contenu desdites bases de données, c’est, précise l’article L. 321-3 du CRPA, sous réserve de droits de propriété intellectuelle détenus par des tiers. Or, certains éléments relatifs à une décision de justice peuvent être protégés par un droit de propriété intellectuelle. Les plaidoiries et les logiciels sont, ainsi, protégées par le droit d’auteur, comme cela ressort de l’article L. 112-2 du Code de la propriété intellectuelle N° Lexbase : L3334ADT, dont la méconnaissance dans le cadre de l’exploitation ou l’utilisation d’une base de données numérique n’est pas incompatible avec la caractérisation d’un délit de contrefaçon des articles L. 335-2 N° Lexbase : L5947K8R et suivants du même code. De telles exploitations et utilisations peuvent encore s’accompagner d’agissements attentatoires aux droits et intérêts relatifs aux noms de domaine et aux bases de données.

S’agissant, en premier lieu, des noms de domaine, certaines pratiques sont concevables, qui peuvent être mises en œuvre auprès des greffes aux seules fins d’obtenir la communication de décisions de justice. De ces pratiques participe le « typosquattage » [31], qui consiste dans le fait de procéder délibérément à l’enregistrement de domaines avec des noms mal orthographiés très proches de noms déposés régulièrement [32]. Si le nom de domaine n’est pas l’objet d’un droit de propriété intellectuelle, ce qui ferme, pour la sanction d’un tel agissement, l’action en contrefaçon tout en laissant ouvertes les actions en concurrence déloyale et en parasitisme économique fondées sur l’article 1240 du Code civil N° Lexbase : L0950KZ9 [33], il n’en reste pas moins que l’atteinte à un tel nom qui est rattaché à une marque peut s’analyser comme une atteinte portée à cette marque [34]. De la sorte, le typosquattage pourrait, sous certaines conditions, être appréhendé sur le fondement de l’article L. 716-10 du Code de la propriété intellectuelle N° Lexbase : L5920LTG qui punit de trois ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende le fait de reproduire, d'imiter, d'utiliser, d'apposer ou de modifier une marque. Cette qualification mise à part, peut être envisagé le recours aux dispositions de l’article 226-4-1 du Code pénal N° Lexbase : L8548LXU, qui incriminent l’usurpation d’identité, sous condition que la pratique de typosquattage porte atteinte l’honneur ou la considération de celui dont l’identité a été usurpée, ou trouble sa tranquillité ou celle d’autrui [35]. Mais aussi à la qualification d’escroquerie de l’article 313-1 du Code pénal, dès lors que le faux nom utilisé par l’auteur de la pratique de typosquattage a déterminé la remise de la décision de justice convoitée [36].

S’agissant, en second lieu, de l’atteinte aux droits de propriété intellectuelle dont est titulaire le producteur d’une base de données qui réunit les conditions des articles L. 341-1 N° Lexbase : L3493ADQ et suivants du Code de la propriété intellectuelle, une telle atteinte pourrait être réalisée par celui qui se sert illicitement de cette base de données, et plus précisément d’éléments non-publics rattachés aux décisions de justice qu’elle contient, pour créer ou exploiter la sienne propre, en y intégrant le contenu illégalement puisé. Une telle utilisation, si elle se concrétise par une extraction non-autorisée, par un transfert permanent ou temporaire de la totalité ou d'une partie qualitativement ou quantitativement substantielle du contenu de la base de données sur un autre support, ou par la mise à disposition du public, non autorisée, de la totalité ou d'une partie qualitativement ou quantitativement substantielle du contenu de ladite base de données, peut exposer son auteur aux peines de l’article L. 343-4 du Code de la propriété intellectuelle N° Lexbase : L5944K8N, soit trois ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende.

Le principe du libre accès aux décisions de justice des articles L. 111-13 et L. 111-14 du COJ, et L. 10 et L. 10-1 du CJA, ne donne pas un blanc-seing à la réalisation de n’importe quel agissement qui serait commis aux fins d’exploitation lucrative ou d’utilisation d’une base de données juridiques numérique. Le droit pénal commun et le droit pénal de la propriété intellectuelle offrent différents moyens de sanctionner les agissements attentatoires à la personne, aux biens ou aux droits de propriété intellectuelle qui seraient commis dans ce cadre, donc les abus dont sont susceptibles de se rendre auteures les legaltechs et ceux qui recourent à leurs services.

 

[1] Loi n° 2016-1321, du 7 octobre 2016, pour une République numérique, art. 20 N° Lexbase : Z05070PK et 21 N° Lexbase : Z05156PK.

[2] Loi n° 2019-222, du 23 mars 2019, de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, art. 33 N° Lexbase : Z62618RE.

[3] A. Bolze, Accès aux décisions judiciaires et legaltech, Dalloz actualité, 20 février 2019.

[4] B. Dondero, Justice prédictive : la fin de l’aléa judiciaire ?, Dalloz actualité, 2017, p. 532 ; A. Garapon, Les enjeux de la justice prédictive, JCP G, 2017, p. 31 ; P. Giambiasi, Les perspectives ouvertes par la mise à disposition du public des décisions de justice : quelle place et quelle régulation pour la justice prédictive ? État des lieux et analyse à partir de certaines des propositions du rapport de la mission sur l'open data des décisions de justice, Archives de philosophie du droit, janvier 2018, p. 117.

[5] Ibid.

[6] E. Serverin, De l'informatique juridique aux services de justice prédictive, la longue route de l'accès du public aux décisions de justice dématérialisées, Archives de philosophie du droit, janvier 2018, p. 23.

[7] A. Bolze, Accès aux décisions judiciaires et legaltech, op. cit. ; R. Déchaux, L’open data des décisions de justice se fera dans le respect de l’État de droit, AJDA, 2021, p. 1696.

[8] C. Béguin-Faynel, L'open data judiciaire et les données personnelles : pseudonymisation et risque de ré-identification, Archives de philosophie du droit, janvier 2018, p. 153 ; B. Mathis, Ouverture de la jurisprudence : quel rôle et quelles modalités pour l’analyse du risque de ré-identification des personnes ?, Dalloz IP/IT, juin 2017, p. 349.

[9] R. Déchaux, L’open data des décisions de justice se fera dans le respect de l’Etat de droit, op. cit.

[10] A. Bolze, Accès aux décisions judiciaires et legaltech, op. cit. ; Y. Meneceur, Open data des décisions de justice - Pour une distinction affirmée entre les régimes de publicité et de publication, JCP E, 2019, étude 1445 [en ligne].

[11] CE, sect., 27 juillet 1984, Association S.O.S.-Défense, no 30590, publié au recueil Lebon, 284 N° Lexbase : A2869ALT.

[12] CE, 3 septembre 1997, François, no 173125, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A7759ADQ.

[13] CE, [n° 9 – n° 10] ch. réunies, 5 mai 2021, n° 434502, Inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A30564RM.

[14] CEDH, 8 décembre 1983, Req. 7984/77, Pretto et autres c/ Italie,  N° Lexbase : A9068D7Y.

[15] CRPA, art. L. 321-1 N° Lexbase : L4921LAI et s.

[16] CRPA, art. L. 324-1 N° Lexbase : L4922LAK.

[17] CRPA, art. L. 325-1 N° Lexbase : L2025K77.

[18] La réutilisation des informations publiques contenues dans les documents administratifs dans des conditions emportant leur altération ou la dénaturation est soumise à l’accord de l’administration, ceci conformément à l’article L. 322-1 du CRPA N° Lexbase : L2014K7Q.

[19] CRPA, art. L. 322-1 N° Lexbase : L2014K7Q.

[20] CRPA, art. L. 322-2 N° Lexbase : L4917LAD.

[21] CRPA, art. R. 322-3 N° Lexbase : L2226K7L.

[22] CRPA, art. L. 323-2 N° Lexbase : L4925LAN.

[23] CRPA, art. L. 323-1 N° Lexbase : L2018K7U.

[24] CRPA, art. L. 325-1 N° Lexbase : L2025K77.

[25] CRPA, art. L. 326-1 N° Lexbase : L4931LAU.

[26] Cass. crim., 8 septembre 2015, n° 13-85.587, F-P+B N° Lexbase : A3811NPT ; Ph. Conte, obs., Dr. pén., 2016, n° 25.

[27] Cass. crim., 3 décembre 1998, n° 97-82.158 N° Lexbase : A1306CMC.

[28] Des remises portant sur des bulletins de vote (Cass. crim., 14 mai 1878, Bull. crim. no 69) ont déjà été considérées comme des remises portant sur un bien quelconque, alors que certaines décisions ont retenu la culpabilité du chef du délit d’escroquerie, car ayant bénéficié de la fourniture d’un service, de celui qui a bénéficié d’un enseignement en se faisant passer pour l’élève concerné  (TGI Lyon, 18 juin 1970; P. Bouzat, obs.,  RSC, 1971, p. 129), ou dont les agissements lui ont permis d’obtenir la fourniture de codes d'accès confidentiels ne lui appartenant pas et lui ouvrant accès au réseau internet (TGI Paris, 16 décembre 1997 : C. Rojinsky, note, Gaz. Pal., 1998,  Somm. 433).

[29] Cass. crim., 7 janvier 2020, no 19-80.136, FS-P+B+I N° Lexbase : A5582Z9M : D. Roets, note, D., 2020, p. 312 ; Y. Mayaud, note, Gaz. Pal., 2020, n° 260; G. Beaussonie, note, JCP G, 2020, n° 341; Ph. Conte, obs., Dr. pén., 2020, no 48.

[30] Cons. const., décision, no 2020-845 QPC, 19 juin 2020 N° Lexbase : A85303NA : E. Dreyer, obs., RSC, 2020, p. 641; Ph. Conte, obs., Dr. pén., 2020, no 153; R. Mésa, note, Gaz. Pal., 2020, n° 2629.

[31] A. Bolze, Accès aux décisions judiciaires et legaltech, op. cit. ; Y. Meneceur, Open data des décisions de justice - Pour une distinction affirmée entre les régimes de publicité et de publication, op. cit.

[32] A. Touati, Typosquatting: faut-il prévoir un nouveau cadre juridique pour lutter contre cette cybermenace ?, Revue Lamy droit de l'immatériel, juillet 2018, p. 39.

[33] Ibid.

[34] CA Paris, 30 novembre 2011, n° 09-17.146 : Legipresse, 2012, p. 139.

[35] Le délit de l’article 222-4-1 du Code pénal ne peut être constitué sans ces derniers adminicules : Cass. crim., 17 février 2016, no 15-80.211, F-P+B N° Lexbase : A4533PZW : Y. Mayaud., obs., RSC, 2016, p. 68. 

[36] V. supra, II.-A.

newsid:481637

Procédure administrative

[Brèves] Pas de retrait de l’aide juridictionnelle en cas de requêtes présentant des conclusions identiques

Réf. : CE 2°-7° ch. réunies, 5 mai 2022, n° 455860, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A37137WG

Lecture: 3 min

N1620BZZ

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par Yann Le Foll

Le 22 Juin 2022

► En cas de requêtes similaires tendant à l'annulation respectivement d'une décision et de la décision rejetant le recours gracieux formé contre la première décision, la seconde requête ne saurait présenter de caractère abusif justifiant ainsi le retrait de l'aide juridictionnelle.

Rappel. Il résulte de la combinaison des dispositions de la loi n° 91-647, du 10 juillet 1991 N° Lexbase : L8607BBE et du décret n° 91-1266, du 19 décembre 1991 N° Lexbase : L0627ATE, pris pour son application, que l'avocat perçoit en principe une rétribution pour toute mission de représentation d'une personne bénéficiaire de l'aide juridictionnelle dans une instance déterminée. Toutefois, lorsqu'un ou plusieurs bénéficiaires de l'aide juridictionnelle présentent, dans une ou plusieurs instances, les mêmes conclusions en demande ou en défense conduisant le juge à trancher des questions identiques, l'avocat les représentant au titre de l'aide juridictionnelle réalise à leur égard une seule et même mission.

En cause d’appel. En l’espèce, le requérant a présenté devant le tribunal administratif deux requêtes distinctes, tendant respectivement à l'annulation d'une décision et à l'annulation de la décision portant rejet de son recours gracieux contre la première décision. Il a bénéficié de l'aide juridictionnelle pour chacune de ces deux requêtes.

Selon la rapporteure publique Mireille Le Corre, « la cour a estimé que la procédure avait un caractère abusif en l’espèce, en relevant que la seconde requête, dirigée contre le rejet du recours gracieux avait le même objet que la première, dirigée contre la décision initiale, qu’elle avait été présentée par un professionnel du droit, que la première avait été enregistrée postérieurement au rejet du recours gracieux, et qu’elle comportait une argumentation similaire et des conclusions à fin d’injonction identiques. L’aide accordée devait donc, selon elle, être retirée » (CAA Bordeaux, 22 octobre 2020, n° 19BX04795 N° Lexbase : A89013YC).

Décision CE. Si les circonstances que les deux requêtes ont été présentées par un avocat postérieurement au rejet du recours gracieux et qu'elles comportaient une argumentation similaire et des conclusions à fin d'injonction identiques peuvent établir le fait que l'avocat représentant le requérant réalisait à son égard une seule et même mission au titre de l'aide juridictionnelle, elles ne sont pas de nature à conférer à la seconde requête un caractère abusif au sens des articles 50 et 51 de la loi du 10 juillet 1991, de nature à entraîner le retrait de l'aide juridictionnelle accordée au requérant.

Conclusions. La rapporteure publique justifiait ainsi la position finalement retenue par le CE : « C’est donc nous semble-t-il de cette manière – via l’identité de contenu de la requête et non via le caractère abusif – qu’une configuration comme celle de l’espèce doit être résolue : la juridiction saisie d’une seconde requête du même requérant aux conclusions identiques doit considérer qu’elle est face à une scission artificielle du contentieux et qu’il s’agit d’une seule et même mission, sans octroyer l’aide juridictionnelle une seconde fois, plutôt que de l’octroyer et la retirer ensuite ».

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE, L’aide juridictionnelle, La demande d'aide juridictionnelle, in Procédure administrative (dir. C. De Bernardinis), Lexbase N° Lexbase : E7614X3E.

newsid:481620

Procédure civile

[Brèves] Procédure à jour fixe devant la cour d’appel : précisions sur la communication de l’assignation et des pièces de la requête

Réf. : Cass. civ. 2, 19 mai 2022, n° 21-10.423, F-B N° Lexbase : A41047XB

Lecture: 3 min

N1602BZD

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par Alexandra Martinez-Ohayon

Le 25 Mai 2022

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation, dans son arrêt rendu le 19 mai 2022 vient préciser qu’aucune disposition n'impose aux parties de limiter la taille de leurs envois à la juridiction et de transmettre, par envois séparés, l'assignation à jour fixe et les pièces visées dans la requête prévue aux articles 918 et 920 du Code de procédure civile.

Faits et procédure. Dans cette affaire, un salarié a saisi un conseil de prud’hommes aux fins de requalification en contrat de travail de son contrat de prestation de services avec une société placée en liquidation judiciaire. Le demandeur a interjeté appel à l’encontre du jugement déclarant la juridiction prud’homale incompétente. Il a saisi le premier président de la cour d’appel d’une requête aux fins d’être autorisé à assigner à jour fixe. Par ordonnance, il a été autorisé à assigner la partie défenderesse pour une audience.

Le pourvoi. Le demandeur fait grief à l’arrêt (CA Paris, 20 février 2020, n° 19/05864 N° Lexbase : A15523GL) d’avoir constaté la caducité de la déclaration d’appel, ainsi que l’extinction de l’instance et le dessaisissement de la cour. L’intéressé fait valoir que la cour d’appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 920 N° Lexbase : L6857LEP, 922 N° Lexbase : L0982H47 et 930-1 N° Lexbase : L7249LE9 du Code de procédure civile.

En l’espèce, pour constater l’irrecevabilité des assignations et la caducité de l’appel, la cour d’appel a retenu que la taille de l’envoi correspondant aux assignations et leurs annexes était de 2,8 Mo, et que ce n’est qu’en raison de la transmission simultanée des pièces que la taille de l’envoi global dépassait 11 Mo. L’arrêt énonce que l’appelant ne justifiait pas de la cause étrangère alléguée qui l’aurait empêché de remettre au greffe par le RPVA une copie des assignations signifiées aux intimés.

Solution. La Cour de cassation rappelle que :

  • les copies de la requête, de l’ordonnance du premier président et un exemplaire de la déclaration d’appel visé par le greffier ou une copie de la déclaration d'appel dans le cas mentionné au troisième alinéa de l'article 919 du Code précité, sont joints à l’assignation ;
  • l’assignation informe l’intimé que, faute de constituer avocat avant l’audience, il sera réputé s’en tenir au moyen de première instance, et qu’il peut prendre connaissance de la copie des pièces au greffe ;
  • elle lui fait sommation de communiquer avant l’audience celles qu’il entend faire état ;
  • enfin, que la cour d’appel est saisie par la remise de la copie de l'assignation au greffe et que dans la procédure avec représentation obligatoire les actes sont remis par voie électronique, et que cette irrecevabilité est écartée lorsqu'un acte ne peut être transmis pour une cause étrangère à celui qui l'accomplit, dans ce cas de figure l'acte est remis au greffe sur support papier.

Énoncant la solution précitée au visa des articles 920, alinéas 2, 3, 4, 922 et 930-1 du Code de procédure civile, la Haute juridiction censure le raisonnement de la cour d’appel et casse et annule en toutes ses dispositions l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris.

Pour aller plus loin :

  • v. J. Courtois, Les actions urgentes au fond, La procédure à jour fixe, in Procédure civile (dir. E. Vergès), Lexbase N° Lexbase : E95017BI;
  • v. F. Seba, ÉTUDE : L’appel, Appel à jour fixe, in Procédure civile (dir. E. Vergès), Lexbase N° Lexbase : E523649S.

newsid:481602

Recouvrement de l'impôt

[Brèves] Renonciation tacite à la prescription : quid dans le cas d’un paiement intervenu après une réclamation et pour obtenir une mainlevée d’hypothèques prises par le comptable public ?

Réf. : CE 9°-10° ch. réunies, 20 mai 2022, n° 449038, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A91427XU

Lecture: 3 min

N1628BZC

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par Marie-Claire Sgarra

Le 25 Mai 2022

Un contribuable ne saurait être regardé comme ayant renoncé à la prescription du seul fait du règlement, en l'absence d'acte de poursuite, d'une imposition.

Les faits :

  • les requérants, qui ont transféré leur domicile fiscal en Suisse, ont bénéficié d'un sursis de paiement de l'imposition due à raison d'une plus-value, placée en report d'imposition et relative aux parts sociales qu'ils détenaient dans une société ;
  • après avoir réglé l'impôt sur le revenu relatif à cette plus-value les requérants ont acquitté les prélèvements sociaux dus à raison de cette même plus-value ;
  • la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel qu'ils ont formé contre le jugement par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande tendant à la décharge de l'obligation de payer ces prélèvements sociaux (CAA Versailles, 24 novembre 2020, n° 19VE00857 N° Lexbase : A610539Y).

Principe. Aux termes de l’article 2251 du Code civil N° Lexbase : L7171IAT, la renonciation à la prescription est expresse ou tacite. La renonciation tacite résulte de circonstances établissant sans équivoque la volonté de ne pas se prévaloir de la prescription.

Décision de la CAA. Pour juger que les contribuables avaient renoncé tacitement à la prescription de l'obligation de payer, la cour a relevé :

  • d'une part, que le règlement en 2016 des sommes en litige était intervenu avant le dépôt de la réclamation tendant à leur restitution et ;
  • d'autre part, que ce règlement ne l'avait pas été sous la contrainte au motif que l'inscription hypothécaire n'avait pas la nature d'un acte de poursuite.

La cour a ainsi estimé que les contribuables avaient effectué un paiement volontaire et spontané établissant sans équivoque leur volonté de ne pas se prévaloir de la prescription.

Solution du CE. Le CE ne valide pas le raisonnement de la cour administrative d’appel.

En effet, alors qu'il ressortait des pièces du dossier d'une part, que les intéressés avaient, le 24 décembre 2014, soit avant le paiement des sommes en litige, demandé la décharge de l'obligation de payer en se prévalant de la prescription et d'autre part, que le paiement était intervenu aux fins d'obtenir la mainlevée des hypothèques prises par le comptable public sur des biens immobiliers dont ils étaient propriétaires, les privant par suite de la libre disponibilité de ces biens, la cour a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis.

En déduisant de ces éléments que les requérants devaient être regardés comme ayant tacitement renoncé à la prescription des sommes en litige, la cour a inexactement qualifié les faits.

L’arrêt de la CAA de Versailles est annulé.

Précisions. Aux termes d'une décision rendue le 11 juillet 2011, le Conseil d'État retient que, en l'absence d'acte interruptif de prescription, le contribuable qui a payé une partie de sa dette fiscale ne l'a pas fait sous contrainte, et ne peut donc obtenir remboursement de la somme déjà réglée (CE 3° et 8° ssr., 11 juillet 2011, n° 314746, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A0238HWQ).

Lire en ce sens, F. Girard, La renonciation tacite à la prescription de l'action en recouvrement de la créance fiscale et le rejet d'une demande de restitution des sommes déjà versées, Lexbase fiscal, juillet 2011, n° 449 N° Lexbase : N7123BSM.

 

 

 

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Syndicats

[Brèves] L'absence de réserves émises par un syndicat lors du dépôt d'une liste électorale vaut acceptation des modalités d'organisation des élections fixées par l'employeur

Réf. : Cass. soc., 18 mai 2022, n° 21-11.737, F-B N° Lexbase : A33807XH

Lecture: 2 min

N1578BZH

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par Lisa Poinsot

Le 25 Mai 2022

► Une organisation syndicale, qui a présenté une liste de candidats sans avoir émis, au plus tard lors du dépôt de sa liste, de réserves sur les modalités d’organisation et de déroulement des opérations de vote ainsi fixées, ne saurait, après proclamation des résultats des élections professionnelles, contester la validité de la décision unilatérale de l’employeur fixant les modalités d’organisation des élections et demander à ce titre l’annulation des élections.

Faits et procédure. Dans le cadre du processus d’élections des membres d’un CSE,  un employeur décide unilatéralement, le 27 septembre 2019, de fixer les modalités d’organisation des élections. Le premier tour des élections a eu lieu du 7 au 14 novembre 2019.

Quelques jours plus tard, un syndicat ainsi que son candidat saisissent le tribunal judiciaire d’une demande d’annulation de l’élection de l’ensemble des membres, titulaires et suppléants, du CSE, en invoquant différentes irrégularités.

Le tribunal judiciaire (TJ Paris, 26 janvier 2021, n° 20/000143) constate que :

  • le syndicat a présenté des candidats en déposant le 7 octobre 2019 ses listes de candidats, sans formuler de réserves sur les modalités d'organisation et de déroulement des opérations de vote fixées unilatéralement par l'employeur. Ce dernier a décidé de la mise en place d’un bureau de vote unique ;
  • ce syndicat n’a pas saisi le juge judiciaire au préalable d’un contentieux préélectoral pour contester la décision unilatérale de l’employeur fixant les modalités d’organisation des élections professionnelles.

Les juges du fond en déduisent que ce syndicat ne peut désormais plus contester cette modalité pour demander l’annulation des élections.

Le syndicat ainsi que son candidat forment alors un pourvoi en cassation en soutenant que l'absence de réserves émises par un syndicat lors du dépôt d'une liste électorale ne vaut pas acquiescement aux modalités d'organisation des élections fixées, après échec de la négociation d'un protocole d'accord préélectoral, unilatéralement par l'employeur.

La solution. Énonçant la solution susvisée, la chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi en application des articles L. 2314-28 N° Lexbase : L8482LGA et L. 2314-6 N° Lexbase : L0987LTQ du Code du travail.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Le déroulement des élections des membres de la délégation du personnel au comité social et économique, Le moment et le lieu du scrutin des élections, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E2091GAP.

 

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