Le Quotidien du 8 mars 2023

Le Quotidien

Droit pénal spécial

[Brèves] Loi créant une aide universelle d’urgence pour les victimes de violences conjugales : permettre la mise à l’abri et accompagner vers l’indépendance

Réf. : Loi n° 2023-140, du 28 février 2023, créant une aide universelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales N° Lexbase : L0495MHS

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par Adélaïde Léon

Le 22 Mars 2023

► Le 1er mars 2023, était promulguée la loi n° 2023-140, du 28 février 2023, créant une aide universelle d’urgence pour les victimes de violences conjugales. Ce texte crée une aide financière d’urgence et ouvre droit à des accompagnements professionnels et sociaux permettant aux victimes de s’extirper des violences, de faire face aux premières dépenses et de construire leur indépendance. Il prévoit également l’adoption, tous les cinq ans, d’une loi de programmation pluriannuelle de lutte contre les violences faites aux femmes devra être adoptée afin de déterminer la trajectoire des finances publiques en matière de prévention et d’accompagnement des femmes victimes de violence.

Contexte. En septembre 2019, le Gouvernement lançait sont « Grenelle des violences conjugales ». S’en suivait la loi n° 2019-1480, du 28 décembre 2019, visant à agir contre les violences au sein de la famille N° Lexbase : L2114LUT puis la  loi n° 2020-936 du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales N° Lexbase : L7970LXH.

Le 1er février 2022, le décret n° 2021-1516, du 23 novembre 2021, tendant à renforcer l’effectivité des droits des personnes victimes d’infractions commises au sein du couple ou de la famille N° Lexbase : L3341L9M et le décret n° 2021-1820 du 24 décembre 2021, relatif aux mesures de surveillance applicables lors de leur libération aux auteurs d’infractions commises au sein du couple N° Lexbase : L1152MAW, entraient en vigueur. Malgré ces différentes mesures et comme le déplore la sénatrice Jocelyne Guidez elle-même dans son rapport fait au nom de la commission des affaires sociales chargée d’examiner la présente loi, le nombre de violences conjugales n’a pas cessé d’augmenter. En témoignent les chiffres publiés par le ministère de l’Intérieur au cours de l’année 2022 : en 2021, 143 homicides conjugaux ont été recensés (+ 14 % par rapport à 2020). 122 d’entre eux avaient pour victimes des femmes. En 2021 toujours, les services de sécurité enregistraient 149 989 faits de violences conjugales ayant eu lieu la même année, soit une augmentation de 17 % des faits commis pendant l’année en cours par rapport à 2020.

L’analyse des appels au « 3919-Violences Femmes Info » témoigne quant à elle de la difficile protection des victimes de violences conjugales en raison des répercussions économiques et de l’instabilité résidentielle susceptible d’en résulter (en 2021, 17 % des victimes déclarent une situation d’hébergement complexe, 56 % des victimes veulent quitter le domicile conjugal).

C’est à cette situation de vulnérabilité que la loi du 28 février 2023 doit contribuer à répondre en aidant les victimes à se mettre à l’abri des violences et en les soutenant dans le recouvrement de leur indépendance.

Création d’une aide d’urgence

La loi créée tout d’abord une aide financière d’urgence pour les victimes de violences conjugales (CASF, art. L. 214-8 et s.).

Bénéficiaires. Pour bénéficier de cette aide, la personne doit être victime de violences commises par son conjoint, son concubin ou le partenaire lié à elle par un pacs. Ces violences doivent être attestées par :

  • une ordonnance de protection délivrée par un juge aux affaires familiales ;
  • un dépôt de plainte ;
  • ou un signalement adressé au procureur de la République.

Procédure. Au moment du dépôt de la plainte ou du signalement adressés au procureur de la République, après information de la victime et avec son accord, un formulaire simplifié de demande peut être transmis à l'organisme débiteur des prestations familiales compétent. Dès réception de la demande, celle-ci est transmise au président du conseil départemental par l'organisme débiteur des prestations familiales saisi, avec l'accord exprès du demandeur.

Nature. L’aide financière créée est un prêt sans intérêt ou une aide non remboursable, selon la situation financière et sociale de la personne, en tenant compte, de la présence d’enfants à charge. Par ailleurs, pendant six mois à compter du premier versement de l'aide, la victime peut bénéficier des droits et des aides accessoires au revenu de solidarité active, y compris l'accompagnement social et professionnel.

Versement. L’intégralité ou une partie de l’aide intervient dans un délai de trois jours ouvrés à compter de la réception de la demande. Ce délai peut être porté à cinq jours ouvrés si le demandeur n’est pas allocataire.

Remboursement du prêt d’urgence par le conjoint. Lorsque l’aide d’urgence aura été délivrée sous la forme d’un prêt, et lorsque les faits auront donné lieu à une procédure pénale, son remboursement ne pourra être demandé à la victime tant que la procédure est en cours. Il pourra toutefois être mis à la charge de l’auteur des violences lorsque celui-ci aura été définitivement condamné à cette peine complémentaire, ou fait l’objet de la mesure de composition pénale ou de classement sous condition de versement pécuniaire mentionnée à l’article L. 214-12 du Code de l’action sociale et des familles, sans que ce remboursement puisse excéder 5 000 euros.

Dans le cas où le remboursement du prêt incombe au bénéficiaire, des remises ou des réductions de créance peuvent lui être consenties en fonction de sa situation financière

Une loi de programmation pluriannuelle de lutte contre les violences faites aux femmes

Objet. Le texte prévoit également qu’avant le 1er juillet 2023, puis tous les cinq ans une loi de programmation pluriannuelle de lutte contre les violences faites aux femmes devra être adoptée afin de déterminer la trajectoire des finances publiques en matière de prévention et d’accompagnement des femmes victimes de violence, pour trois périodes successives de cinq ans.

Motifs. Ce texte devra se fonder sur une évaluation des besoins des personnes victimes de violences conjugales ou au sein de leur famille, menacées de mariage forcé ou contraintes de quitter leur logement après des menaces de violence ou de violences subies effectivement.

Objectifs. Ce texte devra définir :

  • les objectifs de financement public nécessaire :
    • pour assurer l'accompagnement psychologique et social ;
    • nécessaire à la mise à l'abri via des dispositifs d'hébergement ;
  • aux échelons régional et départemental, les moyens destinés aux opérateurs de l'action sanitaire, sociale et médico-sociale indispensables à la réalisation de ces objectifs ;
  • les moyens destinés à la formation des médecins, des personnels médicaux et paramédicaux, des travailleurs sociaux, des agents des services de l'état civil, des agents des services pénitentiaires, des magistrats, des personnels de l'éducation nationale, des personnels d'animation sportive, culturelle et de loisirs ainsi que des personnels de police et de gendarmerie ;
  • les moyens destinés au « 3919 » dans l'accomplissement de ses missions.

Contrôle. L'Observatoire national des violences faites aux femmes et le Haut Conseil pour l'égalité entre les femmes et les hommes sont chargés de remettre un avis sur la cohérence entre les objectifs fixés et les moyens financiers par la loi de programmation.

Pour vous former : v. formation Lexlearning, Les violences conjugales : comprendre et agir (LXBEL140) (dir. M. Dayan et S. Giraud) ;

Pour aller plus loin : v. M. Bouchet, Décryptage et analyse de la loi du 20 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales, Lexbase Pénal, septembre 2020 N° Lexbase : N4505BYI.

Sources :

  • v. J. Guidez, Rapport fait au nom de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi créant une aide universelle d’urgence pour les victimes de violences conjugales, Rapport législatif, Sénat [en ligne] ;
  • v. Fédération Nationale Solidarité Femmes, Extrait de l’Analyse Globale des données issues des appels au « 3919-Violences Femmes Info », année 2021 [en ligne] ;
  • v. Ministère de l’Intérieur, Étude nationale sur les morts violentes au sein du couple 2021, août 2022 [en ligne] ;
  • v. Ministère de l’Intérieur, Les violences conjugales enregistrées par les services de sécurité en 2021, Interstats Analyse n° 53, décembre 2022 [en ligne].

newsid:484587

Actes administratifs

[Brèves] Absence d’illégalité d’une décision administrative fondée sur des motifs issus de lignes directrices non publiées

Réf. : CE, 5°-6° ch. réunies, 1er mars 2023, n° 446826, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A23279GB

Lecture: 2 min

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par Yann Le Foll

Le 08 Mars 2023

 S'il appartient, en principe, à l'administration de publier au préalable les instructions et circulaires dont elle entend se prévaloir à l'égard de ses administrés, la seule circonstance qu'elle fonde sa décision sur des motifs repris ou identiques à ceux de lignes directrices qui n'auraient pas fait l'objet d'une publication n'entache pas d'illégalité cette décision.

Faits. Le ministre de la Défense a, le 30 janvier 2015, émis un avis défavorable aux permis de construire huit éoliennes sur le territoire des communes de Boffles, Buire-au-Bois et Rougefay sollicités par la société Eoliennes des Cosmos, du fait de la proximité du radar de défense de Doullens, en reprenant notamment, pour apprécier les perturbations pouvant être générées par les éoliennes projetées sur le fonctionnement de ce radar, des critères d'appréciation, issus d'une étude technique réalisée par ses soins en novembre 2009, qu'il applique depuis 2010 pour définir les zones de protection et de coordination des radars de défense et dont un exposé était joint en annexe 2 de cet avis.

Décision CE. La cour administrative d’appel a pu estimer, sans erreur de droit, que le ministre de la Défense avait pu se fonder sur des éléments d'appréciation comportant, notamment, les critères litigieux d'appréciation des perturbations générées par les éoliennes sur le fonctionnement des équipements militaires, alors même que ces derniers n'auraient pas fait l'objet d'une publication préalable, dès lors que ceux-ci étaient repris de manière explicite dans l'avis du 30 janvier 2015 et dans ses annexes.

Précisions rapporteur public. Selon Nicolas Agnoux, « nous n’identifions ni dans les termes de la loi de 1978 ni d’ailleurs dans ceux du CRPA désormais en vigueur d’obligation pour l’administration de publier l’intégralité des éléments de la doctrine émanant de ses décisions ou de ses avis, ou révélée par ces réponses. Toute autre interprétation aurait pour conséquence de paralyser l’action administrative en contraignant chaque département ministériel à publier et tenir à jour l’ensemble des prises de position qu’elle retient dans l’interprétation des textes avant de pouvoir en faire application aux situations individuelles dont elle est saisie ».

À ce sujet. Lire A. Bron, Droit souple : de nouveaux horizons contentieux, Lexbase Public, mai 2022, n° 667 N° Lexbase : N1490BZ9.

newsid:484585

Droit financier

[Brèves] LCB/FT : l’AMF applique les orientation de l’Autorité bancaire européenne

Réf. : AMF, position DOC-2023-01, du 21 février 2023

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N4460BZ9

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par Perrine Cathalo

Le 28 Avril 2023

► Le 21 février 2023, l’AMF a publié une position pour intégrer les orientations de l’Autorité bancaire européenne (ABE) sur les politiques et procédures relatives à la gestion du respect des obligations et le rôle du responsable du contrôle du respect des obligations en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LCB/FT).

Le 14 juin, l’ABE a publié des orientations concernant les politiques et procédures relatives à la gestion du respect des obligations et le rôle et les responsabilités du responsable du contrôle du respect des obligations en matière de LCB/FT.

Ces orientations visent tout d’abord à assurer une compréhension commune, par les autorités compétentes et les établissements concernés, et une mise en œuvre adéquate des dispositifs de gouvernance interne en matière de LCB/FT dans toute l'Union européenne, conformément aux exigences de la Directive européenne relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme (Directive n° 2015/849, du 20 mai 2015 N° Lexbase : L7601I87).

Ces orientations définissent ensuite des attentes claires quant au rôle, aux tâches et aux responsabilités de l’organe de direction en matière de LCB/FT. Elles précisent que les établissements concernés doivent désigner un membre de leur organe de direction qui sera responsable en dernier ressort de la mise en œuvre des obligations en matière de LCB/FT et clarifient les tâches et fonctions de cette personne.

Ces orientations précisent enfin le rôle, les tâches et les responsabilités du responsable du contrôle du respect des obligations en matière de LCB/FT, de l’organe de direction et du cadre supérieur en charge de la conformité en matière de LCB/FT ainsi que les politiques, contrôles et procédures internes visés aux articles 8, 45 et 46 de la Directive n° 2015/849.

newsid:484460

Fiscalité internationale

[Brèves] Établissements bancaires et application de la retenue à la source aux équivalents-dividendes : rescrit de l’administration fiscale

Réf. : BOFiP, actualité, 15 février 2023, BOI-RES-RPPM-000122

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N4481BZY

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par Yannis Vassiliadis, Doctorant Contractuel, Université Toulouse Capitole

Le 07 Mars 2023

► La retenue à la source applicable aux produits distribués par des sociétés françaises à des personnes dont le domicile ou le siège est situé hors de France s’applique aussi au cas de paiement « d’équivalent-dividendes » ou de « rétrocession de dividendes ».

L’administration a eu à se prononcer à propos des opérations entrant dans le champ d’application de la retenue à la source applicables aux produits distribués par des sociétés françaises à des personnes dont le domicile ou le siège est situé hors de France (CGI, art. 119 bis, 2 N° Lexbase : L6035LMH). Ces dispositions prévoient une retenue à la source par la banque quand elle assure, dans le cadre de certaines opérations sur actions françaises, le paiement de dividendes qui bénéficient effectivement à des non-résidents fiscaux français.

La question porte sur l’application de cette retenue à la source sur des opérations autres que le paiement de dividendes attachés à des actions françaises.

L’administration précise que « la retenue à la source prévue au 2 de l’article 119 bis du CGI ne concerne pas uniquement les situations dans lesquelles la banque encaisse les dividendes au titre des actions françaises qu’elle détient et les rétrocède à un non-résident ». Sont ainsi concernés les cas où la banque encaisse un « équivalent-dividende » puis procède ensuite à un paiement permettant de considérer un non-résident fiscal français comme le bénéficiaire effectif d’un dividende.

Est considéré comme un « équivalent-dividende » ou « rétrocession de dividende », « tout transfert de valeur subordonné ou déterminé, explicitement ou implicitement, par référence à un dividende ». Cela concerne par exemple les contrats cadres relatifs aux opérations de prêts qui prévoient que l’emprunteur encaisse un dividende verse au prêteur une somme ou un bien équivalent « au type et montant du revenu, net de toute retenue ou déduction applicable pour ou au titre d’un impôt, que le prêteur aurait encaissé s’il n’avait pas prêté ces titres et les avait conservés ».

Enfin, l’administration précise que le montant du versement considéré comme étant l’équivalent du dividende, est celui qui « ressort de l’analyse des différents montants encaissés ou décaissés par la banque ».

newsid:484481

Harcèlement

[Brèves] Harcèlement moral : le stagiaire est aussi protégé

Réf. : Cass. civ. 1, 8 février 2023, n° 22-10.568, F-D N° Lexbase : A66239CB

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N4466BZG

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par Lisa Poinsot

Le 10 Mars 2023

Un stagiaire bénéficie de la protection contre le harcèlement moral dans les mêmes conditions que les salariés.

Faits et procédure. Au cours d’un stage réalisé en milieu hospitalier, une élève infirmière a reçu un avertissement en raison d’une attitude non conforme avec les attendus de la formation. Au cours d’un autre stage, le responsable du service établit un rapport lui reprochant la mise en danger d’un patient.

Par une décision qui lui a été notifiée, l’élève infirmière se voit prononcer son exclusion définitive.

Elle assigne alors l’institut de formation en annulation et retrait de son dossier pédagogique des rapports et décisions prises à son encontre, en paiement de dommages et intérêts, en réparation de son préjudice moral et en remboursement de ses frais de scolarité.

La cour d’appel (CA Lyon, 18 novembre 2021, n° 21/02476 N° Lexbase : A16587CE) retient que la décision d’exclusion, prise par le conseil pédagogique après avoir entendu l’élève infirmière, en présence de son conseil, n’est entachée d’aucune irrégularité. Elle retient également que les rapports ne sont pas en eux-mêmes irréguliers ni dans leur forme ni dans leur contenu.

Par conséquent, elle déclare valable la décision d’exclusion et rejette les demandes de l’intéressée en annulation des rapports et de retrait de la décision d’exclusion et des rapports du dossier pédagogique.

L’élève infirmière forme alors un pourvoi en cassation. En l’espèce, elle fait valoir, éléments de preuve à l’appui, qu’elle a fait l’objet d’un harcèlement moral lors de son stage au sein de l’hôpital, ce qu’elle a dénoncé à l’institut de formation, qui n’a pris aucune mesure et a, au contraire, prononcé un avertissement à son encontre. Cet avertissement a été consigné dans son dossier avec deux rapports négatifs, dont l’un émanant d’une cadre de santé à l’hôpital  et rédigé après la dénonciation du harcèlement qu’elle subissait dans cet établissement. Elle soutient que ces faits ainsi que son exclusion définitive de l’institut de formation ont eu des conséquences sur son état de santé.

La solution. Énonçant la solution susvisée, la première chambre civile de la Cour de cassation casse et annule la décision de la cour d’appel en ce qu’elle n’a pas recherché si le harcèlement moral invoqué par l’infirmière avait pu justifier le contenu des rapports et l’exclusion prononcée.

En application des articles L. 1152-1 N° Lexbase : L0724H9P, L. 1152-2 N° Lexbase : L0724H9P et L. 1154-1 N° Lexbase : L6799K9P du Code du travail, la Haute juridiction rappelle que lorsqu'un stagiaire soutient avoir été victime d'un tel harcèlement, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments qu'il invoque, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits. Le juge doit, par la suite, apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral. Dans l'affirmative, il doit apprécier si les personnes chargées de la formation prouvent que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que leurs décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Pour aller plus loin :

newsid:484466

Procédure civile

[Brèves] Quid de la compétence du JEX pour se prononcer sur une demande de radiation du FICP ?

Réf. : Cass. civ. 2, 2 mars 2023, n° 21-13.545, F-B N° Lexbase : A23889GK

Lecture: 3 min

N4551BZL

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par Alexandra Martinez-Ohayon

Le 07 Mars 2023

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation vient de préciser que si le juge de l'exécution est compétent pour connaître de la contestation d'une mesure d'exécution forcée, il n'entre pas dans ses attributions de se prononcer sur une demande de radiation du fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP) ; dès lors qu'une telle demande ne constitue pas une contestation de la mesure d'exécution au sens du texte précité, le juge de l'exécution ne dispose pas du pouvoir juridictionnel de statuer sur celle-ci ; or, le défaut de pouvoir juridictionnel d'un juge constitue une fin de non-recevoir, qui peut être proposée en tout état de cause en application de l'article 123 du Code de procédure civile.

Faits et procédure. Dans cette affaire, sur le fondement de prêts notariés, une banque a fait délivrer à ses débiteurs, un commandement de payer valant saisie immobilière. Après plusieurs décisions de justice, un juge de l’exécution a constaté la caducité du commandement. Le 3 septembre 2018, une banque venant au droit de la précédente a signifié aux défendeurs un nouveau commandement de payer valant saisie immobilière.

Le pourvoi. Dans un premier temps, les demandeurs font grief à l'arrêt (CA Aix-en-Provence, 25 février 2021, n° 19/11415 N° Lexbase : A21484KR), de les avoir déboutés de l’ensemble de leurs demandes et valider la procédure de saisie immobilière. Ils font valoir la violation de l’article 455 du Code de procédure civile N° Lexbase : L6565H7B. En l’espèce, la cour d’appel a retenu que les défendeurs affirment avoir versé une somme globale pour un certain montant et que le décompte qu’ils communiquent constitue la pièce numéro 5 de leur dossier, et qu’il s’agit, à défaut de pièces justificatives, d’une simple affirmation de leur part qui n’a pas de portée probatoire.

Solution. La Cour de cassation rappelle au visa de l’article précité, que tout jugement doit être motivé. Elle censure le raisonnement de la cour d’appel relevant qu’elle avait statué, sans analyser, même sommairement, des autres pièces constituées d’ordres de virement et de relevés de compte sur la période visée par le décompte.

Dans un second temps, sur le moyen relevé d’office, la Cour de cassation, énonçant la solution précitée, au visa de l’article L. 213-6 du Code de l'organisation judiciaire N° Lexbase : L7740LPD, relève que la cour d’appel a violé le texte précité, en se déclarant incompétente pour statuer sur la demande de radiation du FICP. Dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, la Haute juridiction a statué sur le fond de cette demande et l’a déclarée irrecevable. Elle casse et annule l’arrêt rendu par la cour d’appel d’Aix-en-Provence, sauf en ce qu’il a validé la demande de validité de la saisie immobilière.

Pour aller plus loin :

  • R. Laher, ÉTUDE, La détermination de la juridiction compétente, in Procédure civile, (dir. É. Vergès), Lexbase N° Lexbase : E93694YN ;
  • ÉTUDE, Le juge de l’exécution, La compétence exclusive du juge de l'exécution (COJ, art. L. 213-6) et d'ordre public (CPCEx, art. R. 121-4), in Voies d’exécution, (dir. N. Fricero et G. Payan), Lexbase N° Lexbase : E8238E8M.

 

newsid:484551

Procédures fiscales

[Brèves] Délai de recours raisonnable : l’existence d’un recours juridictionnel sur les mêmes impositions permet d’établir le fait que le contribuable ait eu connaissance des impositions

Réf. : CE, 9°-10° ch. réunies, 10 février 2023, n° 456829, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A48069CY

Lecture: 4 min

N4498BZM

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par Yannis Vassiliadis, Doctorant Contractuel, Université Toulouse Capitole, Centre de Droit des Affaires

Le 07 Mars 2023

► Le Conseil d’État retient comme point de départ du délai raisonnable existant en cas d’absence de mention des délais de recours, l’exercice préalable d’un recours juridictionnel sur les mêmes impositions dès lors que cela prouve la connaissance par le contribuable de leur existence.

Faits. La Société Générale de Textile Balsan a fait l’objet d’une vérification de comptabilité, laquelle s’est conclue par la notification de cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés, de contribution à l’impôt sur les sociétés, de contribution supplémentaire à cet impôt et de retenue à la source au titre d’exercices clos en 1997, 1999 et 2000 ainsi que des rappels de TVA au titre de la période du 1er janvier 1997 au 30 septembre 2000.

Le mandataire liquidateur amiable de la société a demandé la décharge de ces suppléments d’impôts, ce qui a été refusé en première instance et en appel, respectivement en 2019 (TA Limoges, 4 juillet 2019, n° 1700142) et 2021 (CAA Bordeaux, 20 juillet 2021, n° 19BX03512).

Principe. Tout d’abord le Conseil d’État relève que la cour administrative d’appel n’a pas à relever d’office « le moyen tiré que des circonstances particulières [justifient] que le délai raisonnable de réclamation fût allongé » puisqu’il n’est pas d’ordre public.

En application de l’article R. 421-5 du Code de justice administrative N° Lexbase : L3025ALM, l’administration doit mentionner les délais de recours contre une décision, faute de quoi ces délais ne sont pas opposables. Ces délais sont mentionnés, pour les réclamations relatives aux impôts autre que les impôts directs locaux, au sein des articles R* 196-1 N° Lexbase : L4380IXI et R* 196-2 N° Lexbase : L4379IXH du Livre des procédures fiscales. L’absence de mention des délais devrait permettre au contribuable d’agir à tout moment, sans restriction dans le temps. Cependant, le Conseil relève que cela va à l’encontre du principe de sécurité juridique qui « implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l’effet du temps ». Cela conduit à enfermer l’action du contribuable n'ayant pas reçu la mention des délais prévus par les textes dans un délai dit « raisonnable » qui est celui des articles R* 196-1 et R* 196-2 du Livre des procédures prolongé d’un an, sauf circonstances particulières.

En l’espèce le Conseil d’État fonde sa décision sur ce principe et établit comme point de départ à ces délais les réclamations effectuées, sous mandat de Monsieur C. alors qu’il était PDG de la Société Générale de Textile Balsan, par le commissaire à l’exécution du plan du redressement de la société puisque ces réclamations portaient sur la décharge des mêmes impositions que celles du présent arrêt. Cela s’accorde avec l’idée selon laquelle le délai de réclamation court à compter de l’année au cours de laquelle il est établi que le contribuable a eu connaissance de l’existence de l’imposition.

Ainsi, ces réclamations ayant été effectuées en 2002 puis rejetées par le tribunal administratif de Limoges, puis la cour administrative d’appel de Bordeaux puis par le Conseil d’État, Monsieur C. est alors en dehors des délais pour porter ses réclamations. De plus, le fait que les précédentes réclamations n’aient pas été effectuées par le dirigeant de la société est sans effet sur leur validité puisque seul le liquidateur aurait pu s’en prévaloir.

Solution. Plusieurs points à retenir :

1. Une décision de rejet de demande de décharge d’imposition est de nature à faire courir le délai raisonnable de recours existant en cas d’absence de mentions des délais dans la décision administrative initiale ;

2. Une action en demande de décharge d’imposition d’une société en liquidation peut être exercé par une autre personne que le liquidateur puisque le dessaisissement du débiteur n’intervient que dans une optique de préservation de l’intérêt des créanciers et donc seul le liquidateur peut s’en prévaloir.

 

newsid:484498

Urbanisme

[Brèves] Recours contre un permis modificatif après épuisement des VDR contre le permis initial : appréciation de l’intérêt à agir au regard de la portée des modifications apportées par le permis modificatif

Réf. : CE, 5°-6° ch. réunies, 17 février 2023, n° 454284, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A31859DC

Lecture: 2 min

N4478BZU

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par Yann Le Foll

Le 08 Mars 2023

► En cas de recours contre un permis modificatif après épuisement des voies de recours contre le permis initial, l’appréciation de l’intérêt à agir du requérant s’apprécie au regard de la portée des modifications apportées par le permis modificatif au projet de construction initialement autorisé.

Principe. Il résulte de l'article L. 600-1-2 du Code de l'urbanisme N° Lexbase : L0037LNP qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien.

Lorsque le requérant, sans avoir contesté le permis initial ou après avoir épuisé les voies de recours contre le permis initial, ainsi devenu définitif, forme un recours contre un permis de construire modificatif, son intérêt pour agir doit être apprécié au regard de la portée des modifications apportées par le permis modificatif au projet de construction initialement autorisé (voir initialement pour la seule absence de contestation du permis initial, CE, 1°-6° ch. réunies, 17 mars 2017, n° 396362, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A2872UCD).

Décision CE. En appréciant l'intérêt à agir de la requérante contre le permis modificatif délivré à la SCI au regard des seules modifications apportées au permis de construire initial, celui-ci étant devenu définitif après le rejet du pourvoi en cassation contre le jugement ayant rejeté le recours formé contre ce permis initial par les mêmes requérants, le tribunal administratif de Marseille n'a donc pas commis d'erreur de droit.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : La limitation de l'intérêt pour agir, Les recours des particuliers, in Droit de l’urbanisme, (dir. A. Le Gall), Lexbase N° Lexbase : E4908E7W.

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Voies d'exécution

[Jurisprudence] D’utiles précisions sur le titre exécutoire européen

Réf. : CJUE, 16 février 2023, aff. C-393/21, Lufthansa Technik AERO Alzey GmbH N° Lexbase : A39609DZ

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par Noëmie Reichling, Docteure en droit et Avocate au barreau de Caen

Le 29 Mars 2023

Mots-clés : Règlement (CE) n°805/2004 • titre exécutoire européen • créances incontestées • circonstances exceptionnelles • suspension ou limitation de l’exécution

Par un arrêt du 16 février 2023, la Cour de justice de l’Union européenne fournit des précisions importantes sur la suspension de l’exécution d’une décision certifiée en tant que titre exécutoire européen.


Le Règlement (CE) n° 805/2004 du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004, dit Règlement TEE [1], a pour objet de créer un titre exécutoire européen pour les créances incontestées en vue, grâce à l’établissement de normes minimales, d’assurer la libre circulation des décisions, des transactions judiciaires et des actes authentiques dans tous les États membres, sans qu’il soit nécessaire de recourir à une procédure intermédiaire (exequatur) dans l’État membre d’exécution préalablement à la reconnaissance et à l’exécution (Règl., art. 1er). Une fois certifiée en tant que titre exécutoire européen par la juridiction d’origine, la décision pourra être directement exécutée dans les autres États membres. C’est de ce règlement qu’il est question dans l’arrêt rendu le 16 février 2023 par la Cour de justice de l’Union européenne.

I. Les faits et la procédure

Le 14 juin 2019, l’Amtsgericht Hünfeld (tribunal de district de Hünfeld, Allemagne) a émis une injonction de payer à l’égard de la société Arik Air en vue du recouvrement d’une créance de 2 292 993 32 euros au bénéfice de la société Lufthansa. Sur le fondement de cette injonction, cette juridiction a délivré, le 24 octobre 2019, un titre exécutoire européen et, le 2 décembre 2019, un certificat de titre exécutoire européen.

Un huissier de justice exerçant en Lituanie a été saisi par la société Lufthansa afin qu’il exécute ce titre exécutoire conformément à ce certificat. La société Arik Air a introduit devant les juridictions allemandes une demande tendant au retrait du certificat de titre exécutoire européen et à la cessation du recouvrement forcé de la créance. Elle a également demandé à l’huissier lituanien de suspendre la procédure d’exécution jusqu’à ce que la juridiction allemande statue à titre définitif sur la demande de retrait du certificat de titre exécutoire européen et de cessation du recouvrement forcé, ce que l’huissier a refusé de faire.

Par une ordonnance du 9 avril 2020, la juridiction allemande a subordonné la suspension de l’exécution du titre exécutoire européen, du 24 octobre 2019, au dépôt par la société Arik Air d’une garantie d’un montant de 2 000 000 euros.

La société Arik Air a formé devant le Kauno apylinkės teismas (tribunal de district de Kaunas, Lituanie) un recours contre la décision de l’huissier refusant de suspendre cette procédure d’exécution. Par une ordonnance du 11 juin 2020, cette juridiction a rejeté le recours.

Par une ordonnance du 25 septembre 2020, le Kauno apygardos teismas (tribunal régional de Kaunas, Lituanie), statuant sur l’appel interjeté par la société Arik Air, a annulé l’ordonnance du Kauno apylinkės teismas (tribunal de district de Kaunas), du 11 juin 2020, et décidé de suspendre la procédure d’exécution en cause dans l’attente de la décision définitive de la juridiction allemande sur les demandes de la société Arik Air.

La société Lufthansa a saisi la Cour suprême de Lituanie d’un pourvoi en cassation contre l’ordonnance du Kauno apygardos teismas (tribunal régional de Kaunas) du 25 septembre 2020.

La Cour suprême de Lituanie a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour de justice les questions préjudicielles suivantes :

1) Eu égard aux objectifs du Règlement n° 805/2004, notamment celui d’accélérer et de simplifier l’exécution des décisions juridictionnelles des États membres ainsi que de protection effective du droit à un procès équitable, comment convient-il d’interpréter la notion de « circonstances exceptionnelles » prévue à l’article 23, sous c), du règlement n° 805/2004 ? Quelle est la marge d’appréciation des autorités compétentes de l’État membre d’exécution pour interpréter cette notion ?

2) Des circonstances telles que celles de la présente affaire, liées à une procédure juridictionnelle dans l’État d’origine qui vise à faire trancher une question relative à l’annulation d’une décision juridictionnelle sur le fondement de laquelle un titre exécutoire européen a été délivré, doivent-elles être considérées comme pertinentes pour se prononcer sur l’application de l’article 23, sous c), du Règlement n° 805/2004 ? Selon quels critères convient-il d’apprécier la procédure de recours dans l’État membre d’origine et quel niveau d’exhaustivité doit comporter l’appréciation de la procédure ayant lieu dans l’État membre d’origine qui est opérée par les autorités compétentes de l’État membre d’exécution ?

3) Quel est l’objet de l’appréciation lorsqu’il est statué sur l’application de la notion de « circonstances exceptionnelles » figurant à l’article 23 du Règlement n° 805/2004 : l’incidence des circonstances concernées du litige doit-elle être appréciée lorsque la décision juridictionnelle de l’État d’origine est contestée dans l’État d’origine, les avantages et les dommages éventuels de la mesure concernée à l’article 23 de ce règlement doivent-ils être analysés, ou la capacité économique du débiteur d’exécuter la décision juridictionnelle ou bien d’autres circonstances doivent-elles être analysées ?

4) Est-il possible, en vertu de l’article 23 du Règlement n° 805/2004, d’appliquer en même temps plusieurs des mesures prévues à cet article ? Si la réponse à cette question est positive, sur quels critères les autorités compétentes de l’État d’exécution doivent-elles s’appuyer pour se prononcer sur la justification et la proportionnalité de l’application de plusieurs des mesures prévues ?

5) Le régime juridique prévu à l’article 36, paragraphe 1, du Règlement n° 1215/2012 N° Lexbase : L9189IUU doit-il s’appliquer à une décision juridictionnelle de l’État d’origine en matière de suspension de la force exécutoire (d’annulation) ou un régime juridique semblable à celui défini à l’article 44, paragraphe 2, de ce règlement est-il applicable ?

En répondant à ces questions, la Cour de Justice opère d’utiles précisions sur la question de la suspension de l’exécution d’une décision certifiée en tant que titre exécutoire européen.

II. Les apports de l’arrêt

Le débat s’est développé au regard des dispositions du Règlement (CE) n° 805/2004, du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, portant création d’un titre exécutoire européen pour les créances incontestées, et en particulier de son article 23 qui prévoit des cas de suspension ou de limitation de l’exécution d’une décision certifiée en tant que titre exécutoire européen.

Cet article 23 énonce que « Lorsque le débiteur a : - formé un recours à l’encontre d’une décision certifiée en tant que titre exécutoire européen, y compris une demande de réexamen au sens de l'article 19, ou - demandé la rectification ou le retrait d’un certificat de titre exécutoire européen conformément à l’article 10, la juridiction ou l’autorité compétente dans l'État membre d’exécution peut, à la demande du débiteur : a) limiter la procédure d'exécution à des mesures conservatoires ; ou b) subordonner l’exécution à la constitution d’une sûreté qu’elle détermine ; ou c) dans des circonstances exceptionnelles, suspendre la procédure d’exécution ».

L’arrêt de la Cour de justice du 16 février 2023 présente trois apports principaux :

Le premier apport, le plus attendu aussi, est de fournir pour la première fois une définition de la notion de « circonstances exceptionnelles » justifiant la suspension de l’exécution d’une décision certifiée en tant que titre exécutoire européen. Dans le silence du règlement, la Cour opte pour une définition européenne autonome et propose ainsi de considérer cette notion de « circonstances exceptionnelles » comme « une situation dans laquelle la poursuite de la procédure d’exécution d’une décision certifiée en tant que titre exécutoire européen, [lorsque le débiteur a introduit, dans l’État membre d’origine, un recours contre cette décision ou une demande de rectification ou de retrait du certificat de titre exécutoire européen], exposerait ce débiteur à un risque réel de préjudice particulièrement grave dont la réparation serait, en cas d’annulation de ladite décision ou de rectification ou retrait du certificat de titre exécutoire, impossible ou extrêmement difficile ». Elle précise que cette notion de « circonstances exceptionnelles » ne renvoie pas à des circonstances liées à la procédure juridictionnelle dirigée dans l’État membre d’origine contre la décision certifiée en tant que titre exécutoire européen ou contre le certificat de titre exécutoire européen.

Selon la définition retenue par la Cour de justice, les « circonstances exceptionnelles » s’apprécient en considération des seules conséquences de l’exécution de la décision certifiée en tant que titre exécutoire européen. Contrairement à ce qu’avait suggéré M. l’avocat général Priit Pikamäe dans ses conclusions du 20 octobre 2022, aucune condition d’urgence n’est requise. Les conditions dans lesquelles s’exerce le recours contre la décision certifiée ou le certificat de TEE sont également indifférentes. À suivre la Cour, la suspension de l’exécution de la décision certifiée ne peut intervenir que dans l’hypothèse où la poursuite de la procédure d’exécution risque d’entraîner pour le débiteur un préjudice particulièrement grave. Tel sera le cas chaque fois que l’exécution d’une décision certifiée en tant que titre exécutoire européen risquera de causer un préjudice irréparable ou quasi irréparable au débiteur en cas d’anéantissement de la décision certifiée ou de rectification ou retrait du certificat de TEE. En pratique, cette condition risque d’être difficile à satisfaire. L’appréciation s’opérera nécessairement in concreto en fonction des circonstances propres à chaque espèce, avec l’inconvénient que cette appréciation puisse alors varier d’un juge à l’autre.

Le deuxième apport de l’arrêt a trait à la question du cumul des mesures prévues à l’article 23 (i.e. la limitation de la procédure d’exécution à des mesures conservatoires, la constitution d’une sûreté et la suspension de l’exécution « dans des circonstances exceptionnelles »). La Cour de justice retient que si le Règlement permet l’application simultanée des mesures de limitation de l’exécution et de constitution d’une sûreté, il ne permet pas l’application simultanée d’une de ces deux mesures avec celle de suspension de la procédure d’exécution. La solution se comprend aisément.

Enfin, le troisième apport de l’arrêt est de préciser que lorsque le caractère exécutoire d’une décision certifiée en tant que titre exécutoire européen a été suspendu dans l’État membre d’origine et que le certificat indiquant la suspension de la force exécutoire (certificat visé à l’article 6, paragraphe 2) a été présenté à la juridiction de l’État membre d’exécution, cette juridiction est tenue de suspendre, sur la base de cette décision, la procédure d’exécution engagée dans ce dernier État.

Cet arrêt fournit donc des précisions utiles sur la suspension de l’exécution d’une décision certifiée en tant que titre exécutoire européen. Il est évident qu’il ne passera pas inaperçu.

À retenir : le débiteur qui a formé un recours à l’encontre d’une décision certifiée en tant que titre exécutoire européen ou qui a demandé la rectification ou le retrait d’un certificat de TEE, peut demander la suspension de l’exécution de la décision. Pour ce faire, il doit démontrer que la poursuite de la procédure d’exécution l’exposerait à un risque réel de préjudice particulièrement grave dont la réparation serait, en cas d’annulation de ladite décision ou de rectification ou retrait du certificat de titre exécutoire, impossible ou extrêmement difficile.

[1] JOCE L 143 du 30 avril 2004, p. 15 ; C. Nourissat, Le Règlement (CE) n° 805/2004 du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 portant création d’un titre exécutoire européen pour les créances incontestées, Europe, n°8, août 2005 ; H. Péroz, Le Règlement (CE) n° 805/2004 du 21 avril 2004 portant création d’un titre exécutoire européen pour les créances incontestées, JDI, 2005, p.637 ; K. H. Beltz, Le titre exécutoire européen (TEE), D., 2005, chron. p. 2707. ; L. D’avout, La circulation automatique des titres exécutoires imposée par le règlement n°805/2004 du 21 avril 2004, Rev. crit. DIP, 2006, p.1 ; C. Roth, Le règlement n°805/2004 portant création d’un titre exécutoire européen : un pas décisif vers la création d’un "Code européen de procédure civile" , Gaz. Pal., 21 août 2008, p. 28 ; F. Ferrand, Le nouveau titre exécutoire européen, Dr. et patr., octobre 2004, p. 70 ; M. Nioche, Le règlement (CE) n°805/2004 du 21 avril 2004 portant création d’un titre exécutoire européen pour les créances incontestées, in L. Cadiet, E. Jeuland et S. Amrani-Mekki (dir.), Droit processuel civil de l’Union européenne, LexisNexis, coll. Droit et Professionnels, 2011, p. 161 ; F. Ferrand, Le titre exécutoire européen ou les possibles tensions entre jugement sans frontières et procès équitable, in Mélanges en l’honneur de M. Revillard, Défrénois, 2007, p. 107 à 130 ; A. Huet, Titre exécutoire européen, in Rép. Dr. internat., Dalloz, 2006, [màj février 2020] ; M. Lopez De Tejada, Titre exécutoire européen, J-Cl. Europe, Fasc. 2810.

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