Le Quotidien du 12 mai 2023

Le Quotidien

Actualité judiciaire

[A la une] Scandale des pizzas Buitoni : Nestlé négocie un accord à l’amiable avec les familles des victimes

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N5371BZX

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par Vincent Vantighem

Le 11 Mai 2023

À combien cela se chiffre-t-il ? En millions d’euros, assurément. Mais en dizaines de millions ? Voire en centaines ? Pierre Debuisson adorerait répondre à cette question. D’ailleurs, il reconnaît que cela lui brûle les lèvres. Mais le jeune avocat installé à Toulouse (Haute-Garonne) ne se laissera pas tenter. Pas maintenant. Pas après la bataille qu’il a livrée pour en arriver là. Le 31 mars, c’est lui qui a posé sa signature au bas d’un accord historique et confidentiel avec le géant de l’agroalimentaire Nestlé. Une sorte de « class-action » à la française destinée à indemniser les familles des victimes du scandale des pizzas Fraîch’up de la marque Buitoni, propriété du groupe suisse.

Un peu plus d’un an après le scandale sanitaire, cet accord prévoit que chaque famille touchée par le malheur soit indemnisée pour le préjudice subi. En février 2022, Santé publique France et la Direction de la répression des fraudes (DGCCRF) avaient été alertées par une recrudescence de cas d’insuffisance rénale chez des enfants, liée à une contamination par la bactérie Escherichia coli (E. coli). Dès le 18 mars, les autorités sanitaires évoquaient « un lien possible » avec la consommation de pizzas par les enfants. Nestlé avait alors immédiatement rappelé ses produits estampillés Fraîch’up et fermé deux lignes de production de son usine de Caudry (Nord). La préfecture du Nord lui avait emboîté le pas, interdisant à la structure de poursuivre son activité. Mais le mal était déjà fait. Et dans son bilan de mai 2022, Santé publique France dénombrait cinquante-six cas confirmés de contamination dont cinquante-cinq chez des enfants, d’un âge médian de six ans. Dont deux sont décédés. La plupart des bambins présentait un syndrome hémolytique et urémique (SHU) qui se traduit par une insuffisance rénale aiguë et de graves problèmes sanguins, avec comme conséquences un coma ou la mort…

L’assignation au civil d’un montant de 250 millions d’euros devrait s’éteindre

Le 31 mars donc, Nestlé a validé l’accord négocié avec Pierre Debuisson qui défend soixante-trois familles de victimes de la bactérie. Aux termes du document, chacune d’entre elles recevra une proposition d’indemnisation individuelle. « Elle fera suite à une évaluation médicale et tiendra compte de la gravité des préjudices ainsi que de chaque situation », a indiqué Nestlé dans un communiqué.

Pour le groupe, il s’agit « dans un délai raisonnable de contribuer au travers de cette démarche amiable à l’apaisement des victimes et de leurs familles ». Il s’agit aussi et surtout de gérer la crise alors que l’affaire a sérieusement ébranlé les affaires. Saisi du cas des victimes, Pierre Debuisson avait commencé par déposer des plaintes pour « blessures et homicides involontaires », « mise en danger d’autrui » et « mise sur le marché d’un produit dangereux ». Une information judiciaire avait alors été ouverte par le parquet de Paris.

Mais, en parallèle, l’avocat avait décidé d’assigner le gérant au civil pour « faute lourde ». Pour un montant de 250 millions d’euros. L’accord trouvé mardi 31 mars devrait donc éteindre cette procédure. Mais pour le moment, elle suit son cours au tribunal judiciaire de Nanterre (Hauts-de-Seine). Mardi 9 mai, une audience de « mise en état » du dossier a donc eu lieu. « Il faut encore quelques mois avant que l’accord n’aboutisse concrètement, décrypte Pierre Debuisson. Dans cette attente, la procédure au civil se poursuit. Mais une fois l’accord validé, l’assignation sera retirée. »

La procédure pénale, elle, va suivre son cours. Elle a pour objectif de « caractériser l’infraction et de déterminer les responsabilités », a indiqué Nestlé dans son communiqué. Pour l’instant, le groupe n’a pas été mis en examen.

L’usine de Caudry finalement fermée

Mais il sait que cette affaire va laisser des traces. En dépit d’un investissement de 2,5 millions d’euros pour moderniser l’usine de Caudry, au centre du viseur, les ventes de pizzas se sont effondrées dans l’Hexagone. Après un premier plan de départ volontaire, le groupe a pris la décision le 31 mars de fermer l’usine installée dans le Nord. Les représentants du personnel ont été avertis que le groupe cherchait désormais un repreneur afin de sauver les cent quarante employés.

Quelques jours plus tard, Nestlé annonçait la création d’une coentreprise avec PAI Partners sur le marché des pizzas surgelées en Europe. Un moyen de sortir de l’impasse tout en essayant de maintenir les revenus. Selon le géant de l’agroalimentaire, l’activité de cette nouvelle coentreprise pourrait générer un chiffre d’affaires d’environ 400 millions d’euros chaque année.

newsid:485371

Concurrence

[Brèves] Pratiques anticoncurrentielles dans le cadre de la rénovation de lycées Île-de-France : précisions sur la prescription

Réf. : CE Contentieux, 9 mai 2023, deux arrêts, n° 451710, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A39359TW et n° 451817, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A39379TY

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N5365BZQ

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par Vincent Téchené

Le 11 Mai 2023

► Le délai de prescription applicable aux actions en dommages et intérêts du fait des pratiques anticoncurrentielles dont a été victime une personne publique de la part des titulaires des marchés publics ne peut commencer à courir avant la date à laquelle cette dernière a eu connaissance de manière suffisamment certaine de l'étendue des pratiques ;

Dans l'hypothèse où le préjudice de la personne publique résulte de pratiques auxquelles ses organes dirigeants ont participé, de sorte qu'en raison de leur implication elle n'a pu faire valoir ses droits à réparation, la prescription ne peut courir qu'à la date à laquelle, après le remplacement de ses organes dirigeants, les nouveaux organes dirigeants, étrangers à la mise en œuvre des pratiques anticoncurrentielles, acquièrent une connaissance suffisamment certaine de l'étendue de ces pratiques.

Faits et procédure. En 1988, la région Île-de-France a lancé un programme de rénovation et de reconstruction du patrimoine immobilier des lycées dont elle a la charge. 241 marchés publics, dont 101 marchés avec des entreprises de travaux publics, ont été conclus entre 1988 et 1997 pour un coût global de 23,3 milliards de francs soit plus de 3,5 milliards d’euros. En 2007, le Conseil de la concurrence a infligé des sanctions financières à plusieurs de ces entreprises de travaux publics pour entente anticoncurrentielle (Cons. conc., décision n° 07-D-15, 9 mai 2007 N° Lexbase : X8579AD4, Le Quotidien Lexbase, 14 mai 2007 N° Lexbase : N0647BBL), après que la justice judiciaire a reconnu la culpabilité personnelle d’élus et de personnalités politiques de la région Île-de-France dans le cadre de l’attribution de ces marchés.

À partir de 2010, la nouvelle direction de la région Île-de-France a saisi la justice civile puis administrative afin d’obtenir la réparation du préjudice matériel qu’elle a subi du fait de ces pratiques anticoncurrentielles. La cour administrative d’appel de Paris s’est prononcée en 2021 par deux arrêts sur la demande de la région de condamner les entreprises ayant participé à la rénovation des lycées Saint-Louis à Paris et Vilgénis à Massy à lui verser respectivement 6 millions et 5 millions d’euros de dommages et intérêts. Après que la cour a estimé que cette demande n’était pas prescrite et ordonné une expertise afin d’évaluer le préjudice subi par la région (CAA Paris, 6e ch., 19 février 2021, deux arrêts, n° 19PA03200 N° Lexbase : A3360749 et n° 19PA03201), les entreprises mises en cause ont saisi le Conseil d’État de pourvois en cassation contre les arrêts de la cour.

Décision. Le Conseil d’État confirme l’analyse des juges du fond. Il rappelle que jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561, du 17 juin 2008 N° Lexbase : L9102H3I, les actions fondées sur la responsabilité quasi-délictuelle des auteurs de pratiques anticoncurrentielles se prescrivaient par dix ans à compter de la manifestation du dommage. Après l'entrée en vigueur de cette loi, la prescription de ces conclusions est régie par les dispositions de l'article 2224 du Code civil N° Lexbase : L7184IAC fixant un délai de prescription de cinq ans. S'appliquent, depuis l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2017-303, du 9 mars 2017, relative aux actions en dommages et intérêts du fait des pratiques anticoncurrentielles N° Lexbase : L2117LDR , les dispositions de l'article L. 482-1 du Code de commerce N° Lexbase : L2267LDC.

Il retient alors que pour l'application de l'ensemble de ces dispositions, le délai de prescription qu'elles prévoient ne peut commencer à courir avant la date à laquelle la personne publique a eu connaissance de manière suffisamment certaine de l'étendue des pratiques anticoncurrentielles dont elle a été victime de la part des titulaires des marchés. Dans l'hypothèse où le préjudice de la personne publique résulte de pratiques auxquelles ses organes dirigeants ont participé, de sorte qu'en raison de leur implication elle n'a pu faire valoir ses droits à réparation, la prescription ne peut courir qu'à la date à laquelle, après le remplacement de ses organes dirigeants, les nouveaux organes dirigeants, étrangers à la mise en œuvre des pratiques anticoncurrentielles, acquièrent une connaissance suffisamment certaine de l'étendue de ces pratiques.

Or, aucune des circonstances antérieures à la décision du 9 mai 2007 du Conseil de la concurrence ne permettait d'établir que la région aurait eu connaissance de manière suffisamment certaine de l'étendue des pratiques anticoncurrentielles dont elle a été victime. Dès lors, la prescription décennale de l'action en responsabilité contre les titulaires des marchés en cause n'a commencé à courir qu'à compter de cette date. L'action de la région n'était donc pas prescrite lorsqu'elle a saisi la juridiction judiciaire en février 2010.

Cette solution confirme qu’en pratique la décision de l’Autorité de la concurrence ou de la Commission européenne statuant sur l’entente anticoncurrentielle est le point de référence. Ainsi, le Conseil d’État a-t-il déjà retenu que la personne publique (en l’espèce la SNCF) ayant eu connaissance de manière suffisamment certaine de l'étendue des pratiques anticoncurrentielles dont elle avait été victime à la date de la publication de la décision de la Commission européenne sanctionnant l'entente, c’est à cette date que commence a courir le délai de prescription de l’action en réparation du préjudice subi du fait de ces pratiques (CE, 12 octobre 2020, n° 432981, 433423, 433477, 433563 et 433564 N° Lexbase : A40583XL).

Concernant les responsabilités, le Conseil d’État confirme également l’arrêt d’appel. Ainsi, les requérantes ayant participé à la constitution et au fonctionnement de l'entente anticoncurrentielle, les fautes qu'elles avaient commises présentaient un lien direct avec l'éventuel surcoût supporté par la région. Par ailleurs, la cour d’appel a justement retenu que les fautes commises par les personnels de la région n'étaient pas détachables du service et qu’elles étaient alors de nature à exonérer les requérantes d'un tiers de leur responsabilité à l'égard de la région.

Pour aller plus loin : v. S. Pignon et S. Braconnier, Entente et contrats publics, Lexbase Public, novembre 2021, n° 644 N° Lexbase : N9259BYL.

newsid:485365

Cotisations sociales

[Brèves] C3S : appréciation nécessaire par les juges de l’activité économique de l’établissement public

Réf. : Cass. civ. 2, 11 mai 2023, n° 21-17.007, F-B N° Lexbase : A39659TZ

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N5372BZY

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par Laïla Bedja

Le 11 Mai 2023

► Selon l’article L. 651-1, 4°, du Code de la Sécurité sociale, la contribution sociale de solidarité des sociétés est à la charge, notamment, des personnes morales de droit public dans les limites de leur activité concurrentielle ; constitue cette activité concurrentielle, toute activité économique consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné, sur lequel d'autres opérateurs interviennent ou, au regard des conditions concrètes de l'exploitation de cette activité, ont la possibilité réelle et non purement hypothétique d'entrer ; dans le cadre d’un litige relatif à l’appréciation du caractère concurrentielle, il appartient au juge de rechercher si cette activité économique était exercée dans des conditions excluant toute concurrente actuelle ou potentielle d’autres opérateurs.

Les faits et procédure. La Caisse nationale déléguée pour la Sécurité sociale des travailleurs indépendants, aux droits de laquelle vient l'URSSAF, a notifié à un établissement public une mise en demeure pour le paiement de la contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés au titre de l’année 2018. L’établissement a saisi le tribunal judiciaire en contestation de son redressement.

Le tribunal judiciaire. Pour annuler la mise en demeure et retenir que l'exercice d'une activité concurrentielle par l'établissement public n'est pas caractérisé, les premiers juges constatent que l’établissement s’est vu confier des missions légales et réglementaires et l’absence de rentabilité de son activité.

L’URSSAF a alors formé un pourvoi en cassation.

La décision. Énonçant la solution précitée, la Haute juridiction casse et annule le jugement du tribunal judiciaire. Les juges qui ont constaté que l’établissement offrait des biens ou des services sur un marché, auraient dû recherche si cette activité économique était exercée dans des conditions excluant toute concurrence actuelle ou potentielle d’autres opérateurs. Elle prive alors sa décision de base légale.

newsid:485372

Environnement

[Brèves] Réduction des émissions de gaz à effet de serre : de nouvelles mesures à prendre d’ici le 30 juin 2024

Réf. : CE, 5°-6° ch. réunies, 10 mai 2023, n° 467982, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A40699TU

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N5373BZZ

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par Yann Le Foll

Le 11 Mai 2023

► Le Gouvernement devra prendre de nouvelles mesures de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’ici le 30 juin 2024, et transmettre, dès le 31 décembre 2023, un bilan d’étape détaillant ces mesures et leur efficacité.

Rappel. Saisi notamment par la commune de Grande-Synthe et plusieurs associations de défense de l’environnement, le Conseil d'État avait ordonné au Gouvernement, en juillet 2021, de prendre toutes les mesures permettant d’infléchir la courbe des émissions de gaz à effet de serre produites en France pour garantir sa compatibilité avec les objectifs fixés par le législateur français en cohérence avec l’Accord de Paris (- 40 % d’émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 par rapport aux niveaux de 1990) avant le 31 mars 2022 (CE, 19 novembre 2020, n° 427301, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A944734N et pour le commentaire, lire A. Bouillé, Lexbase Public, décembre 2020, n° 607 N° Lexbase : N5592BYR). 

Après avoir reçu les éléments transmis par le Gouvernement pour justifier son action, ainsi que les observations de la commune de Grande-Synthe, de la Ville de Paris et des associations requérantes, le Conseil d’État a rendu sa décision.

Position CE. Le Conseil d'État relève que l’ensemble des mesures adoptées depuis le 1er juillet 2021 montre la volonté du Gouvernement d’atteindre les objectifs de 2030 mais que l’évaluation de ces mesures repose sur des hypothèses non vérifiées à ce jour et que les conclusions de cette évaluation sont en contradiction avec l’analyse faite par le Haut conseil pour le climat. 

Compte tenu de la nécessité d’accélérer la réduction des émissions dès 2024 et dans la perspective des nouveaux objectifs adoptés par l’Union européenne pour 2030 (- 55 % par rapport aux niveaux de 1990), le Conseil d'État estime que les mesures prises à ce jour ne permettent pas de garantir, de façon suffisamment crédible, que la trajectoire de réduction des émissions adoptée par le Gouvernement pourra être atteinte, notamment l’objectif de réduction de 40 % des émissions qui était en vigueur à la date de la décision du Conseil d’Etat du 1er juillet 2021. 

Décision. Le Conseil d'État conclut que sa précédente décision ne peut être regardée comme ayant été exécutée, et adresse une nouvelle injonction au Gouvernement, en lui demandant de prendre, d’ici au 30 juin 2024 toutes les mesures nécessaires pour atteindre l’objectif de réduction des émissions de - 40 % en 2030.

Il demande au Gouvernement de transmettre d’ici le 31 décembre 2023 dans un premier temps, puis au plus tard le 31 juin 2024 tous les éléments justifiant à la fois qu’il a pris ces mesures et qu’elles sont de nature à permettre de respecter cet objectif.

newsid:485373

Fonction publique

[Brèves] Pas de révocation d’un agent sur la base de simples antécédents judiciaires

Réf. : CE, 3°-8° ch. réunies, 3 mai 2023, n° 438248, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A88219SI

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N5329BZE

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par Yann Le Foll

Le 11 Mai 2023

► Des antécédents judiciaires d’un agent n’affectant pas le bon fonctionnement ou la réputation du service ne peuvent justifier sa révocation.

Principe. Lorsque l'administration estime que des faits, antérieurs à la nomination d'un fonctionnaire mais portés ultérieurement à sa connaissance, révèlent, par leur nature et en dépit de leur ancienneté, une incompatibilité avec le maintien de l'intéressé dans la fonction publique, il lui revient, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, d'en tirer les conséquences en engageant une procédure disciplinaire en vue de procéder, à raison de cette incompatibilité, à la révocation de ce fonctionnaire.

Il appartient au juge de l'excès de pouvoir saisi de la légalité d'une décision de révocation prononcée pour des motifs fondés sur l'existence d'antécédents judiciaires de l'intéressé de caractériser les faits à l'origine des condamnations en cause et d'apprécier si ces faits, compte tenu de leur nature et de leur ancienneté, étaient de nature à conduire à sa révocation, sans se borner à relever l'existence de tels antécédents (CE, Section, 28 janvier 1938, n° 50797, Sieur Lapeyrade).

Application. L’intéressé, né en 1989, a été condamné, par le tribunal correctionnel de Meaux, par jugement du 17 mars 2008, à raison d'un vol avec violence n'ayant pas entraîné d'incapacité de travail, commis au préjudice d'un magasin pour un montant de 485 euros, à une peine de deux ans de prison dont un an avec sursis. Il a aussi été condamné par le tribunal correctionnel de Bobigny, par jugement du 29 mars 2012, pour avoir tenté de pénétrer sans autorisation dans un établissement pénitentiaire en s'y présentant avec une pièce d'identité qui n'était pas la sienne, à une peine de trente jours-amende.

Ces condamnations, antérieures à son recrutement par le département de la Seine-Saint-Denis à compter du 2 juillet 2012, ont cependant donné lieu, pour la seconde, à une dispense d'inscription au bulletin n° 2 du casier judiciaire de l'intéressé et, pour la première, à un effacement de ces mentions par jugement du tribunal de grande instance de Meaux du 15 mai 2012.

Décision. Eu égard à l'ancienneté des faits ayant justifié la première condamnation de l’agent et à leur nature, ayant d'ailleurs conduit l'autorité judiciaire à retenir en 2012 que leur gravité ne justifiait pas ou plus de mention des condamnations correspondantes au bulletin n° 2 du casier judiciaire, ces faits à eux seuls, dont l'administration a pris connaissance en 2014, n'affectaient pas le bon fonctionnement ou la réputation du service dans des conditions justifiant la révocation de l'intéressé par l'arrêté attaqué du 26 avril 2017.

Le département de la Seine-Saint-Denis n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué (TA Montreuil, 22 janvier 2018, n° 1705429 N° Lexbase : A3185Z9T, annulé par CAA Versailles, 4 décembre 2019, n° 18VE01075 N° Lexbase : A0084Z8M), le tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du 26 avril 2017 et lui a enjoint de réintégrer l’intéressé à compter du 15 mai 2017 et de reconstituer sa carrière dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE, La fin de carrière des fonctionnaires dans la fonction publique d'État, La révocation et la mise à la retraite d’office dans la fonction publique d'État, in Droit de la fonction publique, (dir. P. Tifine), Lexbase N° Lexbase : E07703L4.

newsid:485329

Procédure civile

[Brèves] Effet interruptif de prescription : quid d’une assignation mentionnant une mauvaise date d’audience ?

Réf. : Cass. com., 19 avril 2023, n° 21-22.847, F-D N° Lexbase : A78259QU

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N5321BZ4

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par Alexandra Martinez-Ohayon

Le 11 Mai 2023

La demande en justice interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion même lorsque l'acte de saisine de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de procédure ; la Haute juridiction vient préciser que l'erreur affectant la date d'audience mentionnée par une assignation constitue un vice de forme qui ne fait pas disparaître l'effet interruptif de prescription de cet acte.

Faits et procédure. Dans cette affaire, une société a acheté du tissu à une société de droit pakistanais pour la confection de vêtements de travail blancs destinés à un usage agroalimentaire. Cependant, le tissu a présenté un défaut, tel que le jaunissement au contact de l’eau de javel.

La société et son assureur ont assigné la société pakistanaise en réparation de leurs préjudices sur le fondement de la garantie des vices cachés. Une première assignation a été délivrée le 13 mai 2013, suivie d'une seconde délivrée le 1er juillet suivant reprenant et annulant le premier en raison d'une erreur affectant la date et l'horaire de l'audience.

Le pourvoi. Les demandeurs (la société et son assureur) font grief à l'arrêt (CA Lyon, 22 juillet 2021, n° 16/01526 N° Lexbase : A26384ZQ), d’avoir déclaré irrecevable comme prescrit leur action fondée sur la garantie des vices cachés. En l’espèce, la cour d’appel avait constaté que les demandeurs avaient assigné la défenderesse par un premier acte du 13 mai 2013 en vue d'une audience devant se tenir le 30 juillet 2013 à 14 heures et, qu'informés par le greffe du tribunal de commerce que l'horaire mentionné pour l'audience était inexact, ils avaient délivré le 1er juillet 2013 une nouvelle assignation dont la demande de signification portait la mention « reprenant et annulant en tant que de besoin le précédent envoi du 13/05/2013 », en a déduit qu'en l'état de l'annulation expressément mentionnée dans ce dernier acte, l'assignation du 13 mai 2013 n'avait pas pu produire l'effet interruptif de prescription prévu à l'article 2241 du Code civil N° Lexbase : L7181IA9.

Solution. Énonçant la solution précitée au visa de l’article précité la Cour de cassation censure le raisonnement de la cour d’appel et casse et annule l’arrêt, mais seulement en ce qu’il déclare irrecevable comme prescrite l'action en garantie des vices cachés, en ce qu'il condamne les demandeurs aux dépens.

Pour aller plus loin : v. N. Hoffschir, ÉTUDE : La nullité des actes de procédure, L’invocation des irrégularités de l’acte de procédure, in Procédure civile, (dir. É. Vergès), Lexbase N° Lexbase : E1237039.

newsid:485321

Propriété intellectuelle

[Brèves] Brevets : la Commission européenne propose de nouvelles règles

Réf. : Commission européenne, communiqué de presse IP/23/2454, 27 avril 2023

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N5307BZL

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par Vincent Téchené

Le 11 Mai 2023

La Commission a proposé, le 27 avril 2023, de nouvelles règles en matière de brevet qui ont pour vocation de compléter le système de brevet unitaire, qui sera opérationnel à partir du 1er juin. Leurs points de départ respectifs sont les dispositions et principes existants du droit international et du droit de l'UE en matière de propriété intellectuelle, mais l’objectif de chacune vise à rendre le système de brevets plus efficace en continuant à lutter contre la fragmentation du marché unique, à réduire les formalités administratives et à améliorer l'efficience.

Ces initiatives en matière de brevets portent sur les domaines clés ci-après.

  • Brevets essentiels liés à une norme

Les brevets essentiels liés à une norme (BEN) sont des brevets qui protègent une technologie déclarée essentielle à l'application d'une norme technique adoptée par un organisme d'élaboration de normes. Ces normes sont par exemple relatives à la connectivité (5G, Wi-Fi, Bluetooth, NFC, etc.) ou à la compression et à la décompression audio/vidéo.

Pour fabriquer un produit conforme à une norme, les exécutants sont tenus d'utiliser le brevet « essentiel » pertinent. Le monopole conféré par ces brevets spécifiques est contrebalancé par l'engagement des titulaires de BEN à concéder des licences sur ces brevets à des conditions équitables, raisonnables et non discriminatoires (FRAND), ce qui permet aux exécutants d'accéder au marché.

Depuis de nombreuses années, le système pâtit d'un manque de transparence et de prévisibilité ainsi que de la longueur des litiges et des procédures contentieuses, comme la Commission l'a reconnu pour la première fois dans sa communication de 2017 sur les brevets essentiels à des normes. Les mesures prises précédemment pour résoudre ces problèmes, telles que l'autorégulation, n'ont pas été efficaces. Dans son plan d'action en faveur de la PI pour 2020, la Commission a souligné la nécessité d'« un cadre beaucoup plus clair et plus prévisible, encourageant les négociations de bonne foi plutôt que le recours à des procédures contentieuses ».

L'applicabilité des BEN (en particulier pour les normes de connectivité) va augmenter avec l'essor de l'« internet des objets » (IDO). Par conséquent, un système performant qui facilite l'accès aux technologies tout en récompensant l'innovation est essentiel pour la souveraineté technologique de l'UE.

Le cadre proposé d'octroi de licences pour les BEN vise à créer un système équilibré, en établissant une référence mondiale pour la transparence des BEN, la réduction des conflits et l'efficacité des négociations. Il poursuit les deux objectifs principaux suivants :

- veiller à ce que les titulaires et exécutants des BEN de l'UE innovent dans l'UE, fabriquent et vendent des produits dans l'UE et soient compétitifs sur les marchés mondiaux ;

- veiller à ce que les utilisateurs finaux, y compris les PME et les consommateurs, bénéficient de produits basés sur les dernières technologies normalisées à des prix équitables et raisonnables.

La proposition introduit des mesures sur les aspects suivants : un registre, une base de données et des contrôles relatifs au caractère essentiel pour les BEN, des avis d'experts sur la redevance agrégée pour les BEN, la détermination des conditions FRAND par voie de conciliation au lieu de contentieux coûteux, des mesures d'aide aux PME et la création d'un « centre de compétence » au sein de l'EUIPO.

Le Règlement proposé (texte en anglais) s'appliquera à toutes les normes qui seront publiées après son entrée en vigueur. La Commission déterminera cependant quelles seraient les normes, leurs applications ou leurs cas d'utilisation qui seraient exclus du processus de fixation des redevances agrégées et de conciliation FRAND lorsque l'octroi de licences pour les BEN en question ne présente aucune difficulté ou inefficacité majeure ayant une incidence sur le fonctionnement du marché intérieur. À l'inverse, les normes publiées avant l'entrée en vigueur du Règlement ne relèveront pas de celui-ci, à moins que des distorsions spécifiques du marché dues à des inefficacités dans l'octroi de licences pour les BEN ne conduisent la Commission à les inclure dans son champ d'application.

  • Octroi de licences obligatoires

L'octroi de licences obligatoires pour les brevets permet aux pouvoirs publics d'autoriser l'utilisation d'une invention brevetée sans le consentement du titulaire du brevet. Les accords de licence volontaires avec les fabricants sont généralement l'outil privilégié pour accélérer la production, mais, s'il n'y a pas d'accords volontaires ou si ces accords sont inadéquats, l'octroi de licences obligatoires peut contribuer à donner accès, en dernier recours et en temps de crise, à des produits et technologies nécessaires en cas de crise. Actuellement, il existe une mosaïque de 27 régimes nationaux d'octroi de licences obligatoires, bien que de nombreuses chaînes de valeur opèrent dans l'ensemble de l'UE. Cela peut être une source d'insécurité juridique tant pour les titulaires de droits que pour les utilisateurs de droits de PI.

Les nouvelles règles (proposition de Règlement relatif à l'octroi de licences obligatoires pour les brevets) prévoient un nouvel instrument d'octroi de licences obligatoires à l'échelle de l'UE, qui viendrait compléter les instruments de crise de l'UE, tels que l'instrument du marché unique pour les situations d'urgence, les Règlements « HERA » et le Règlement sur les semi-conducteurs. Au lendemain de la crise de la Covid-19, ces nouvelles règles renforcent encore la résilience de l'Union face aux crises, en garantissant l'accès à des produits et technologies brevetés essentiels en cas de crise, s'il n'y a pas d'accords volontaires ou si ces accords sont inadéquats.

  • Certificats complémentaires de protection

L'initiative en la matière met en place un CCP unitaire destiné à compléter le brevet unitaire (propositions de Règlements relatifs aux certificats complémentaires de protection). La réforme du CCP introduit aussi une procédure d'examen centralisée, mise en œuvre par l'EUIPO, en étroite coopération avec les offices nationaux de la propriété intellectuelle de l'UE. Dans le cadre de ce régime, une demande unique fera l'objet d'une procédure d'examen unique qui débouchera, si elle est positive, sur l'octroi de CCP nationaux pour chacun des États membres désignés dans la demande. La même procédure peut également aboutir à l'octroi d'un CCP unitaire.

Les Règlements proposés doivent encore être examinés et approuvés par le Parlement européen et le Conseil de l'Union européenne en vue de leur adoption et de leur entrée en vigueur.

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Successions - Libéralités

[Brèves] Testament international et recours à un interprète : acte II, scène 1…

Réf. : CA Lyon, 21 mars 2023, n° 22/02394 N° Lexbase : A10279LM

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N5350BZ8

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 11 Mai 2023

► Un testament international peut être écrit en une langue quelconque et aucune autre disposition de la Convention de Washington du 26 octobre 1973 ou de la loi uniforme ne prévoit que le testament doit nécessairement être écrit dans une langue que le testateur comprend, la présence d'un interprète permettant précisément de remédier aux difficultés de compréhension du testateur.

Acte I. En retenant cette solution, la cour d’appel de Lyon, qui statuait en tant que cour de renvoi dans la présente affaire, fait clairement acte de résistance à la solution posée par la Cour de cassation, dans son arrêt rendu un an auparavant (Cass. civ. 1, 2 mars 2022, n° 20-21.068, FS-B N° Lexbase : A10517PM ; v. nos obs. Lexbase Droit privé, mars 2022, n° 897 N° Lexbase : N0699BZW ; J. Casey, obs. n° 22, in Sommaires de droit des successions et libéralités (janvier 2022 – juillet 2022), Lexbase Droit privé, novembre 2022, n° 924 N° Lexbase : N3321BZZ).

La Haute juridiction a en effet retenu, a contrario, que, s'il résulte des articles 3, § 3, et 4, § 1, de la loi uniforme sur la forme d'un testament international annexée à la Convention de Washington du 26 octobre 1973, qu'un testament international peut être écrit en une langue quelconque afin de faciliter l'expression de la volonté de son auteur, celui-ci ne peut l'être en une langue que le testateur ne comprend pas, même avec l'aide d'un interprète.

Acte II, scène 1. Les conseillers d’appel de Lyon ont donc décidé, en l’espèce, de retenir la validité du testament, en tant que testament international, dont la testatrice était de nationalité italienne, et qui avait été reçu, en français, par notaire, en présence de deux témoins et avec le concours d'un interprète de langue italienne.

Après avoir énoncé la solution précitée, ils relèvent que si en application de l'article 5 de la Convention, les conditions requises pour être interprète d'un testament « international » sont régies par la loi en vertu de laquelle la personne habilitée a été désignée, il convient de relever qu'à la date d'établissement du testament litigieux, aucune disposition de droit interne ne prévoyait l'intervention d'un interprète, celle-ci ayant été instituée par la loi du 16 février 2015. Ainsi, le fait que l'interprète ayant assisté la testatrice n'était pas assermentée n’était pas de nature à affecter la validité du testament.

Par ailleurs, s’il était exact que le testament ne portait pas la mention formelle d'une déclaration de la testatrice selon laquelle « le document est son testament et qu'elle en connaît le contenu » (conformément à l’article 4 de la loi uniforme), il était expressément mentionné dans l'acte, après que le testament a été écrit par le notaire à la machine à traitement de texte tel qu'il lui avait été dicté par la testatrice et l'interprète, que « ...le notaire soussigné l'a lu à la testatrice et à l'interprète, lesquels ont déclaré le bien comprendre et reconnaître qu'il exprime exactement les volontés de la testatrice le tout en la présence simultanée et non interrompue des témoins sus-nommés », ce qui permettait de s'assurer que la testatrice avait bien confirmé que le document était son testament et qu'elle en connaissait le contenu.

Ils ajoutent qu’aucun élément au dossier ne permettait par ailleurs de constater que l’interprète ne maîtrisait pas la langue française.

Enfin les allégations selon lesquelles l’interprète aurait entretenu des liens étroits avec la testatrice, outre le fait qu'elles n’étaient pas suffisamment établies par les deux photographies produites aux débats, n’étaient pas de nature en tout état de cause à mettre en doute la sincérité de la traduction de ces propos et l'expression de la volonté de la testatrice.

Pour le surplus, il n'est pas discuté que les conditions de forme édictées par les articles 2 à 5 de la loi uniforme avaient été respectées à savoir qu'il s'agissait d'un testament établi par une seule personne (art. 2), que le testament était écrit (art. 3) et qu'en la présence de témoins et de la personne habilitée, il avait été signé par le testateur, les témoins et la personne habilitée (art. 5).

Selon la cour de renvoi, l'ensemble des formalités prévues par la convention de Washington et la loi uniforme avaient ainsi été accomplies et permettaient de garantir que l'établissement du testament reflétait l'exacte volonté de son auteur.

Acte II, scène 2 ? On imagine bien que l’affaire n’est pas clôturée, qu’un pourvoi a été formé et que la Cour de cassation aura donc à nouveau l’occasion de se prononcer sur cette question.

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