Le Quotidien du 30 août 2023

Le Quotidien

Autorité parentale

[Brèves] Mineurs en danger : contestation, par les parents d’un mineur signalé, de la transmission d’informations par le service d’accueil téléphonique

Réf. : CE, 1re-4e ch. réunies, 20 juillet 2023, n° 463094, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A93361BE

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N6490BZE

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 29 Août 2023

► Le litige opposant des parents au service d’accueil téléphonique prévu par l’article L. 226-6 du CASF relève de la compétence du juge administratif, dès lors que ce service, en transmettant une information recueillie sur la situation de leur enfant mineur, participe à la mission nationale de prévention des mauvais traitements en permettant au PCD concerné de recueillir, traiter et évaluer cette information ;
cette transmission, si elle pourrait le cas échéant faire l'objet d'une contestation dans le cadre d'une action en responsabilité, ne peut en revanche être regardée comme une décision faisant grief susceptible de recours pour excès de pouvoir.

En l’espèce, le Service national d'accueil téléphonique pour l'enfance en danger (SNATED), dont le groupement d'intérêt public Enfance en danger était alors gestionnaire, avait recueilli une information concernant un enfant, qu'il avait transmise, le 25 mai 2021, au président du conseil départemental de l'Hérault.

À la suite de cette transmission, le service départemental de l'information préoccupante du département de l'Hérault avait fait procéder à une évaluation de la situation de l’enfant et de son frère. Le président du conseil départemental avait, le 10 septembre 2021, décidé de saisir l'autorité judiciaire. Le 15 novembre 2021, le juge des enfants du tribunal judiciaire de Montpellier avait jugé qu'il n'y avait pas lieu d'instituer une mesure de protection à l'égard des enfants.

Les parents de ces deux enfants avaient alors demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir la transmission opérée par le Service national d'accueil téléphonique pour l'enfance en danger.

Par une ordonnance du 1er décembre 2021, le président de ce tribunal avait rejeté leur demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître. Ils se sont alors pourvus en cassation contre l'ordonnance du 10 février 2022 par laquelle le président de la 8e chambre de la cour administrative d'appel de Paris avait rejeté leur appel.

Compétence du juge administratif. Dans sa décision rendue le 20 juillet 2023, le Conseil d’État considère que le litige relevait bien de la compétence du juge administratif.

En effet, selon la Haute juridiction administrative, il résulte des articles L. 226-6 N° Lexbase : L2394MBB, L. 221-1 N° Lexbase : L2370MBE, L. 226-3 N° Lexbase : L2389MB4, et L. 226-4 N° Lexbase : L0232K7Q du Code de l'action sociale et des familles, dans leur rédaction applicable au litige, et 375 du Code civil N° Lexbase : L2219MBS, que le président du conseil départemental a compétence pour organiser la procédure de recueil, de traitement et d'évaluation des informations préoccupantes relatives aux mineurs et qu'à cette fin, le service d'accueil téléphonique mentionné à l'article L. 226-6 du Code de l'action sociale et des familles doit lui transmettre immédiatement les informations qu'il recueille dans l'exercice de sa mission de prévention des mauvais traitements et de protection des mineurs en danger. Il en résulte également que le président du conseil départemental doit aviser sans délai l'autorité judiciaire lorsqu'un mineur est en danger au sens de l'article 375 du Code civil, soit lorsque ce danger est grave et immédiat, soit lorsque les actions qu'il peut mettre en place à l'issue de cette évaluation ne permettent pas de remédier à la situation du mineur ou se heurtent à l'opposition de sa famille ou à l'impossibilité de celle-ci de collaborer avec le service de l'aide sociale à l'enfance, soit enfin lorsque l'évaluation de la situation est impossible.

Dans ces hypothèses, des mesures d'assistance éducative peuvent être ordonnées par l'autorité judiciaire, qui apprécie si la santé, la sécurité ou la moralité du mineur sont en danger ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises.

Si l'avis donné en application de ces dispositions par le président du conseil départemental à l'autorité judiciaire relatif à la situation de danger dans laquelle se trouve, selon lui, le mineur, n'est pas détachable de la décision prise par l'autorité judiciaire, il n'en va pas ainsi des actes pris en amont par l'autorité administrative pour l'exercice des missions de recueil, de traitement et d'évaluation des informations préoccupantes qui lui sont confiées.

Il en résulte qu'en jugeant que le litige opposant les parents au service d'accueil téléphonique prévu par l'article L. 226-6 du Code de l'action sociale et des familles relevait de la compétence du juge judiciaire, alors que ce service, en transmettant une information recueillie sur la situation du jeune mineur, participait à la mission nationale de prévention des mauvais traitements en permettant au président du conseil départemental de l'Hérault de recueillir, traiter et évaluer cette information, le président de la 8e chambre de la cour administrative d'appel de Paris a commis une erreur de droit. Par suite, les parents étaient fondés à demander pour ce motif l'annulation de l'ordonnance qu'ils attaquaient, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de leur pourvoi.

Décision susceptible de recours pour excès de pouvoir ?  Réglant l’affaire au fond, la Haute juridiction administrative relève qu’il résulte des dispositions de l'article L. 226-6 du Code de l'action sociale et des familles que le service d'accueil téléphonique participe à l'exercice, à l'échelon national, des missions d'observation, d'analyse et de prévention des mauvais traitements et de protection des mineurs en danger et qu'il doit, à ce titre, transmettre immédiatement au président du conseil départemental les informations qu'il recueille et les appréciations qu'il formule à propos de mineurs en danger ou présumés l'être.

Eu égard à l'objet et à la nature de cette mission, cette transmission, si elle pourrait le cas échéant faire l'objet d'une contestation dans le cadre d'une action en responsabilité, ne peut en revanche être regardée comme une décision faisant grief susceptible de recours pour excès de pouvoir. Par suite, la demande présentée par les parents devant le tribunal administratif de Paris est irrecevable et les requérants ne sont pas fondés à se plaindre du rejet de leur demande par le président de ce tribunal.

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Avocats/Formation

[Brèves] Désignation des membres du jury de l'examen d'aptitude à la profession d'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation

Réf. : Arrêté du 27 juillet 2023, portant désignation des membres du jury de l'examen d'aptitude à la profession d'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation N° Lexbase : L3624MI3

Lecture: 1 min

N6591BZ7

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par Marie Le Guerroué

Le 29 Août 2023

► A été publié au Journal officiel du 3 août 2023 un arrêté du 27 juillet 2023 portant désignation des membres du jury de l'examen d'aptitude à la profession d'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation

L’arrêté du ministre de la Justice fixe la composition du jury de l'examen d'aptitude à la profession d'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation ainsi qu'il suit :

I. Membres titulaires

M. Jacques-Henri Stahl, conseiller d'État.

Mme Christine Maugüé, conseillère d'État.

Mme Annie Antoine, conseillère à la première chambre civile de la Cour de cassation.

M. Pascal Bougy, avocat général à la Chambre criminelle près la Cour de cassation.

Mme Cécile Pérès, professeure à l'Université Panthéon-Assas.

M. Louis Boré, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation.

M. Philippe Bouhanna, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation.

Mme Carole Fattaccini, avocate au Conseil d'État et à la Cour de cassation.

II. Membres suppléants

Mme Pascale Fombeur, conseillère d'État.

M. Pierre Collin, conseiller d'État.

Mme Hélène Guillou, conseillère à la chambre commerciale de la Cour de cassation.

M. Philippe Lagauche, avocat général à la Chambre criminelle près la Cour de cassation.

M. François-Guy Trébulle, professeur à l'Université Paris I Panthéon-Sorbonne.

M. François-Régis Boulloche, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation.

Mme Julie Buk-Lament, avocate au Conseil d'État et à la Cour de cassation.

M. Damien Célice, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation.

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Droit financier

[Brèves] Actifs numériques : les dernières évolutions de l’AMF

Réf. : AMF, actualité, du 10 août 2023

Lecture: 1 min

N6607BZQ

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par Perrine Cathalo

Le 06 Septembre 2023

► L’AMF a modifié les dispositions de son règlement général et de sa doctrine relative au régime des prestataires de services sur actifs numériques (PSAN) afin de tenir compte de l’enregistrement renforcé introduit par la loi « DDADUE » et d’anticiper la transition vers le Règlement « MiCA » en ajustant les dispositions relatives aux PSAN agréés.

Les récentes évolutions adoptées par l’AMF poursuivent deux objectifs principaux :

  • intégrer dans son règlement général et dans sa doctrine les dispositions applicables aux PSAN soumis à l’enregistrement dit « renforcé » (loi n° 2023-171, du 9 mars 2023, portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans les domaines de l'économie, de la santé, du travail, des transports et de l'agriculture N° Lexbase : L1222MHQ). Ce régime devient obligatoire à compter du 1er janvier 2024 pour les nouveaux acteurs souhaitant fournir les quatre services soumis à enregistrement obligatoire (décret n° 2023-787, du 17 août 2023, relatif à la mise en œuvre d’un enregistrement renforcé pour les prestataires de services sur actifs numériques N° Lexbase : L5188MIY) ; et
  • aligner les exigences de l’agrément PSAN avec celles de l’agrément des prestataires de services sur crypto-actifs (PSCA) issu du Règlement « MiCA » (Règlement n° 2023/1114, du 31 mai 2023, sur les marchés de crypto-actifs N° Lexbase : L8697MHL) et permettre la mise en œuvre d’une procédure simplifiée vers l’agrément PSCA.

Ces modifications sont applicables à compter du 1er janvier 2024.

Pour rappel, les PSAN ayant obtenu un enregistrement simple avant le 1er janvier 2024 bénéficient d’une clause de « grand-père » et continuent de se voir appliquer le cadre applicable avant cette date. À l’inverse, les  PSAN qui auront obtenu un agrément optionnel avant cette date devront se mettre en conformité avec les nouvelles dispositions législatives et réglementaires lors de leur entrée en vigueur.

Pour en savoir plus : v. P. Cathalo, Actifs numériques : quels sont les PSAN concernés par l’enregistrement renforcé ?, Lexbase Affaires, juillet 2023, n° 766 N° Lexbase : N6419BZR.

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Harcèlement

[Le point sur...] La prévention des violences sexuelles et sexistes au travail

Lecture: 16 min

N5681BZG

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par Céline Leborgne-Ingelaere, Professeure des Universités, CRDP LEREDS, Université de Lille

Le 28 Juillet 2023

Mots-clés : prévention • violences sexuelles et sexistes • harcèlement sexuel • agissement sexiste • employeur • CSE • service de prévention et de santé au travail • responsabilité

Lutter contre les violences sexuelles et sexistes au travail suppose de réagir lors de leur survenance et de les sanctionner strictement. Toutefois, l'enjeu premier est bien la prévention. Il s'agit d'un impératif légalement affirmé et soutenu avec force par les magistrats. Le Code du travail n'est toutefois pas exhaustif sur les mesures à mettre en place de sorte qu'il appartient aux acteurs de l'entreprise de multiplier les initiatives en ce sens, à différents niveaux.


Lutter contre les violences sexuelles et sexistes au travail, lesquelles recouvrent des situations potentiellement variées, est une nécessité prioritairement humaine, mais également juridique. La législation sociale et les magistrats œuvrent d’ailleurs en ce sens. Il est à noter que le Code du travail n’identifie pas juridiquement toutes les formes de violences sexuelles et sexistes, mais concentre uniquement son regard sur le harcèlement sexuel [1] et l’agissement sexiste [2]. Toutefois, les violences sexuelles et sexistes peuvent évidemment présenter des traits bien plus larges en entreprise, tels que réprimés par le Code pénal (viol [3], agression sexuelle [4], exhibition sexuelle [5]).

Sur le terrain de l’identification juridique, le Code du travail, par une définition qui a largement évolué au cours du temps [6], précise qu’ « aucun salarié ne doit subir des faits :

  • soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ;

le harcèlement sexuel est également constitué :

- lorsqu'un même salarié subit de tels propos ou comportements venant de plusieurs personnes, de manière concertée ou à l'instigation de l'une d'elles, alors même que chacune de ces personnes n'a pas agi de façon répétée ;

- lorsqu'un même salarié subit de tels propos ou comportements, successivement, venant de plusieurs personnes qui, même en l'absence de concertation, savent que ces propos ou comportements caractérisent une répétition ;

  • soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers » [7].

L’article L. 1142-2-1 du Code du travail N° Lexbase : L5440KGL souligne aussi que « nul ne doit subir d'agissement sexiste, défini comme tout agissement lié au sexe d'une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ». Savoir identifier une situation est nécessaire pour la combattre, mais cela ne suffit pas. Prévenir et, s’il le faut, réparer, s’imposent naturellement.

La tolérance n’est pas de mise en la matière et les juges portent un regard toujours plus aiguisé et attentif sur ces violences. Pour exemples récents, preuve en est le licenciement d’un présentateur de télévision à la suite d’une plaisanterie sexiste [8] ou celui d’un animateur de club vacances qui avait tenu des propos qui « visaient systématiquement et de manière répétée des salariées ayant pour point commun d'être des femmes, supposément d'origine magrébine et de confession musulmane, et qui ne pouvaient, dès lors qu'ils revêtent un caractère raciste pour certains, et sexiste pour d'autres, être réduits à des propos triviaux » [9]. De plus, la responsabilité de l’employeur peut être engagée, sous certaines conditions fixées par les juges. Si la réparation des violences perpétrées s’impose, mieux encore est la mise en œuvre d’une démarche de prévention. Tel est d’ailleurs l’objectif premier du législateur et des juges. La prévention, qui est un impératif pour les différents acteurs de l’entreprise (I.) peut potentiellement prendre diverses formes (II.).

I. Prévenir les violences sexuelles et sexistes au travail : un impératif pour les différents acteurs de l’entreprise

Si l’employeur est au cœur de la démarche préventive (A.), ce même objectif est poursuivi par d’autres acteurs de l’entreprise (B.).

A. L’employeur, au cœur de l’objectif de prévention

Le texte de l’article L. 4121-1 du Code du travail N° Lexbase : L8043LGY ne saurait être plus clair : l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent :

  • des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 N° Lexbase : L9247LHX ;
  • des actions d'information et de formation ;
  • la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés […] ». Or, assurer la sécurité et protéger la santé des salariés suppose de prévenir toute forme d’atteinte et notamment de violence sexuelle et sexiste au travail.

L’article L.  4121-2 N° Lexbase : L6801K9R souligne d’ailleurs la nécessité de « planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel […] ainsi que ceux liés aux agissements sexistes ». L’article L. 1153-5 du Code du travail N° Lexbase : L0338LMH précise aussi, dans un texte propre au harcèlement, que l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les faits de harcèlement sexuel, d'y mettre un terme et de les sanctionner.

Cette injonction ressort également de la jurisprudence de la Cour de cassation. Il est acquis aujourd’hui que « ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment en matière de harcèlement moral, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail et qui, informé de l’existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser » [10]. L’absence de mesures préventives entraine la mise en jeu de la responsabilité de l’employeur, outre le fait de ne pas mettre fin au harcèlement sexuel dont est victime un ou une salariée.

B. La prévention des violences sexuelles et sexistes : l’affaire de tous

Mais l’employeur n’est pas seul responsable de la prévention des violences sexuelles et sexistes dans l’entreprise. La loi invite aussi les membres du CSE à s’approprier cet enjeu fort. L’article L. 2312-5 du Code du travail N° Lexbase : L4409L7G dispose ainsi que la délégation du personnel au comité social et économique contribue à promouvoir la santé, la sécurité et l'amélioration des conditions de travail dans l'entreprise. Résulte de cette mission un droit d’alerte visant expressément ces comportements : si un membre de la délégation du personnel au comité social et économique constate, notamment par l'intermédiaire d'un travailleur, qu'il existe une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l'entreprise qui ne serait pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnée au but recherché, il en saisit immédiatement l'employeur. Cette atteinte peut notamment résulter de faits de harcèlement sexuel [11]. Notons aussi l’obligation légale pour le CSE de désigner un référent en matière de harcèlement sexuel et d’agissement sexiste [12]. Cette disposition complète la mission générale confiée à ce dernier consistant à contribuer à faciliter l'accès des femmes à tous les emplois, à la résolution des problèmes liés à la maternité, l'adaptation et à l'aménagement des postes de travail afin de faciliter l'accès et le maintien des personnes handicapées à tous les emplois au cours de leur vie professionnelle et à susciter toute initiative qu’il estime utile et proposer des actions de prévention du harcèlement moral, du harcèlement sexuel et des agissements sexistes [13]. Les représentants des salariés ont aussi un rôle à jouer via la négociation collective. Si les questions relatives à l’égalité professionnelle et la qualité de vie et des conditions de travail sont envisagées dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire en entreprise [14], ces accords peuvent être le creuset de mesures préventives dans l’entreprise. Notons aussi l’importance de la négociation périodique obligatoire de branche « sur les mesures tendant à assurer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et sur les mesures de rattrapage tendant à remédier aux inégalités constatées ». Aujourd’hui, la mise à disposition d’outils aux entreprises pour prévenir et agir contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes doit être évoquée par les organisations liées par une convention de branche ou, à défaut, par des accords professionnels, au moins une fois tous les 4 ans [15]. L’appropriation de l’enjeu de la lutte contre le harcèlement par les branches professionnelles est nécessaire pour permettre d’appuyer les entreprises dans leur propre politique de prévention. Les services de prévention et de santé au travail ont aussi une mission importante en ce qu’ils sont amenés à « conseiller les employeurs, les travailleurs et leurs représentants sur les dispositions et mesures nécessaires afin d'éviter ou de diminuer les risques professionnels, d'améliorer la qualité de vie et des conditions de travail, en tenant compte le cas échéant de l'impact du télétravail sur la santé et l'organisation du travail, de prévenir la consommation d'alcool et de drogue sur le lieu de travail, de prévenir le harcèlement sexuel ou moral… [16].

Si les textes s’accordent à mettre en exergue l’importance de prévenir ces risques, il n’en demeure que la prévention demeure un défi, voire une gageure.

II. Prévenir les violences sexuelles et sexistes au travail : une gageure

Le Code du travail ne dresse évidemment pas de liste des mesures préventives à mettre en place dans l’entreprise (A.). Néanmoins, des lignes directrices sont tracées de sorte à pouvoir envisager des mesures à différents niveaux (B.).

A. Les orientations limitées du Code du travail

Le droit du travail amène l’employeur à travailler sur différents versants de prévention. Prévenir ces violences suppose tout d’abord de les identifier clairement dans l’entreprise comme de véritables risques professionnels. À ce titre, le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) constitue le « pivot de la prévention ». Tel que cela résulte de l’article L. 4121-3 du Code du travail N° Lexbase : L4413L7L, l'employeur, compte tenu de la nature des activités de l'établissement, évalue les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs. Harcèlements au travail et agissements sexistes y trouvent naturellement une place. Cette évaluation des risques tient d’ailleurs compte de l'impact différencié de l'exposition aux risques en fonction du sexe. Ce document doit être mis à disposition des travailleurs, des délégués du personnel au comité social et économique (CSE), du médecin du travail et des professionnels de santé autorisés, des agents de l'inspection du travail, des agents des services de prévention des organismes de Sécurité sociale, des agents des organismes professionnels de santé, de sécurité et des conditions de travail et, enfin, des inspecteurs de la radioprotection. L'employeur doit aussi indiquer les modalités d'accès des travailleurs au DUERP dans un avis et l'afficher à une place convenable et aisément accessible dans les lieux de travail, notamment au même emplacement que celui du règlement intérieur quand l'entreprise ou l'établissement en est doté [17]. Lorsque le document unique d'évaluation des risques professionnels n'est pas tenu, ne retranscrit pas les résultats de l'évaluation des risques ou n'est pas mis à jour, l'employeur s'expose à une contravention de cinquième classe [18].

Par ailleurs, le règlement intérieur élaboré par l’employeur et obligatoire dans les entreprises de plus de 50 salariés, constitue un outil de prévention important. Il rappelle notamment les dispositions relatives aux harcèlements moral et sexuel et aux agissements sexistes ainsi que l’existence du dispositif de protection des lanceurs d'alerte [19] et doit être porté, par tout moyen, à la connaissance des personnes ayant accès aux lieux de travail ou aux locaux où se fait l'embauche [20].

Prévenir suppose aussi d’informer. Ainsi, dans les lieux de travail ainsi que dans les locaux ou à la porte des locaux où se fait l'embauche, toute personne doit être informée par tout moyen du texte de l'article 222-33 du Code pénal N° Lexbase : L6229LLB (délit de harcèlement sexuel) ainsi que des actions contentieuses civiles et pénales ouvertes en matière de harcèlement sexuel et des coordonnées des autorités et services compétents. L’article D. 1151-1 du Code du travail N° Lexbase : L5646MC4 dispose aussi que l'information précise l'adresse et le numéro d'appel du médecin du travail ou du service de santé au travail compétent pour l'établissement ; de l'inspection du travail compétente ainsi que le nom de l'inspecteur compétent ; du Défenseur des droits ; du référent prévu à l'article L. 1153-5-1 N° Lexbase : L9804LLP dans toute entreprise employant au moins deux cent cinquante salariés et du référent CSE quand il existe.

La formation des salariés se révèle également fondamentale. L’accord national interprofessionnel (ANI) du 26 mars 2010 sur le harcèlement et la violence au travail insistait sur la nécessité d’une « meilleure sensibilisation et une formation adéquate des responsables hiérarchiques et des salariés réduisent la probabilité des cas de survenance de harcèlement et de violence au travail » [21]. Afin d’anticiper une éventuelle aggravation de certaines situations et pour informer les potentielles victimes de harcèlement sexuel, l’article L. 1153-5-1 du Code du travail prévoit la désignation, dans toute entreprise employant au moins 250 salariés, d'un référent chargé d'orienter, d'informer et d'accompagner les salariés en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes. Les prérogatives et moyens des référents manquent toutefois de lisibilité [22].

B. Une prévention possible à différents niveaux

Prévenir les violences sexuelles et sexistes est incontestablement un défi, lequel semble aujourd’hui encore difficile à relever. Selon une enquête menée en 2022 [23], seule une entreprise sur huit seulement a mis en place des mesures adéquates pour prévenir le harcèlement sexuel dans son entreprise. Les efforts sont présents, mais beaucoup reste à faire. Nombreuses sont les études qui témoignent de l’insuffisance des actions menées contre les violences sexistes ou sexuelles au travail. Selon le sondage Opinionway pour Ekilibre Conseil, 45 % des personnes interrogées jugent que leur entreprise ne s’implique pas assez sur ce sujet [24]. Les directions d’entreprises sont dénoncées pour ne pas sensibiliser clairement les salariés et ne pas élaborer une procédure interne de signalement des faits [25].

Rappelons qu’il existe plusieurs niveaux de prévention, de sorte qu’il convient de s’entendre sur le sens donné à ce terme. La prévention primaire vise à supprimer le risque à sa source en réduisant ou éliminant les facteurs de risques présents dans l’organisation. Il peut s’agir d’actions touchant à l’organisation du travail, aux collectifs et relations de travail, au management, au fonctionnement des services. Des mécanismes peuvent être mis en place à l’instar d’un observatoire ou d’un réseau sentinelle par exemple, s’agissant de la prévention des VSST. La prévention secondaire consiste à intervenir sur les stades précoces de l’évolution d’une situation, pour éviter son développement. Les actions visent alors à réduire les atteintes à la santé des individus en les aidant à mieux gérer les situations à risques. Plusieurs outils peuvent être instaurés qu’il s’agisse d’une démarche de sensibilisation des salariés, d’informations sur les procédures de traitement des violences sexistes et sexuelles au travail ou l’élaboration d’outils de communication dans l’entreprise. En effet, « lutter contre le harcèlement sexuel implique une formation efficace et solide pour caractériser le harcèlement sexuel et repérer les comportements à risque. Faire de la prévention signifie dès lors faire connaître les mesures réglementaires (lois, convention collective, règlement intérieur, notamment sur le rôle et la responsabilité de l’employeur), les outils de communication existants (chartes, code de bonne conduite, etc.), les mesures organisationnelles envisageables (aménagements des locaux, changements des équipes, déplacements professionnels, etc.), les interlocuteurs possibles pour la victime et les risques de sanctions disciplinaires encourues par l’agresseur » [26]. Parfois, des colloques ou webinaires sont également organisés. Enfin, relèvent de la prévention tertiaire les actions qui interviennent lorsque le dommage a eu lieu en vue d’en limiter les conséquences sur les individus. Il peut s’agir par exemple de mettre en place une procédure de signalement des faits, une cellule psychologique ou des lignes d'écoute qui permettent de traiter les informations remontées par les salariés : « c'est une façon de faire comprendre à chaque collaborateur qu'il ou elle a le droit de s'exprimer sur ces sujets et que la situation décrite sera traitée au plus vite. D'autant que si la situation perdure, on assiste rapidement à une dégradation des conditions de travail et surtout de la santé, psychologique et physique, des salarié(e)s qui subissent ces commentaires voire ces violences » [27].

La commission des violences emportera une réaction nécessaire de l’employeur. Cela supposera alors qu’une enquête soit menée, en vue de décider d’une sanction de l’auteur des faits. Le cadre de la prévention est toutefois alors malheureusement dépassé.


[1] C. trav., art. L. 1153-1 N° Lexbase : L4433L7C.

[2] C. trav., art. L. 1142-2-1 N° Lexbase : L5440KGL.

[3] C. pén., art. 222-23 N° Lexbase : L2622L4U.

[4] C. pén., art. 222-22 N° Lexbase : L2618L4Q.

[5] C. pén., art. 222-32 N° Lexbase : L2629L47.

[6] La dernière modification en date est la loi n° 2021-1018, du 2 aout 2021, pour renforcer la prévention en santé au travail N° Lexbase : L4000L7B, JORF n° 0178 du 3 août 2021. V. C. Leborgne-Ingelaere, L'alignement de la définition du harcèlement sexuel sur le code pénal : une harmonisation limitée, Droit social, 2021, p. 929.

[7] C. trav., art. L. 1153-1.

[8] Cass. soc., 20 avril 2022, n° 20-10.852, FS-B N° Lexbase : A08737UU.

[9] CE, 1e-4e ch. réunies, 7 octobre 2022, n° 450492, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A92088MY.

[10] Cass. soc., 1er juin 2016, n° 14-19.702, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A2663RR3.

[11] C. trav., art. L. 2312-59 N° Lexbase : L1771LRZ.

[12] C. trav., art. L. 2314-1 N° Lexbase : L0337LMG.

[13] C. trav., art. L. 2312-9 N° Lexbase : L8242LGD.

[14] C. trav., art. L. 2242-1 N° Lexbase : L4403L79. Depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017 N° Lexbase : L7629LGN (JO du 23), la négociation n’est toutefois plus nécessairement annuelle : un accord d’entreprise peut prévoir un calendrier différent pour la négociation obligatoire. Elle doit avoir lieu au moins une fois tous les quatre ans et est annuelle à défaut d’accord collectif (v. dossier Code du travail – À fond la (ré)forme !, JT., 2018, no 208, p. 17 s.)

[15] C. trav., art. L. 2241-1 N° Lexbase : L4955LRX.

[16] C. trav., art. L. 4622-2 N° Lexbase : L4422L7W.

[17] C. trav., art. R. 4121-4 N° Lexbase : L0575MCB.

[18] C. trav., art. R. 4741-1 N° Lexbase : L3068IAU.

[19] C. trav., art. L. 1321-2 N° Lexbase : L0924MC9.

[20] C. trav., art. R. 1321-1 N° Lexbase : L7541LAK.

[21] ANI du 26 mars 2010 sur le harcèlement et la violence au travail, étendu par arrêté du 23 juillet 2010, JO du 31, texte n° 82 N° Lexbase : L9690IMT.

[22] S. Binet, Contre le sexisme sur le lieu de travail, sensibiliser et former, Liaisons sociales Magazine, 1er novembre 2022 [en ligne].

[23] V. C. Puech, Editions législatives, 12 octobre 2022 [en ligne].

[25] M. Toulgoat, Journée nationale contre le sexisme. Violences sexuelles : le grand retard des entreprises, L’Humanité, 25 janvier 2023 [en ligne].

[26] B. Le Deley, L. Hajjar, Comment les directions des ressources humaines pourraient-elles agir contre le harcèlement sexuel ?, Travail, genre et sociétés, février 2019, n° 42 [en ligne].

[27] A. Gilberton fondateur d'Idoko, cabinet de conseil en ressources humaines in Entreprise & carrières, 19 décembre 22 [en ligne].

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Vente d'immeubles

[Jurisprudence] Responsabilité du tiers intermédiaire à la suite de l’annulation d’un acte de vente : quels préjudices ?

Réf. : Cass. civ. 1, 28 juin 2023, n° 21-21.181, FS-B N° Lexbase : A267097Z

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par Guillaume Maire, Maître de conférences à l’Université de Lorraine, Faculté de droit de Metz, Institut François Gény (EA 7301)

Le 28 Juillet 2023

Mots-clés : vente d’immeubles • nullité • dol du vendeur • agent immobilier • faute • préjudice indemnisable • investissement locatif • perte des loyers escomptés • insolvabilité du vendeur

Si la restitution du prix par suite de l’annulation du contrat de vente ne constitue pas en elle-même un préjudice indemnisable, l’agent immobilier dont la faute a concouru, au moins pour partie, à l’anéantissement de l’acte peut être condamné à en garantir le paiement en cas d’insolvabilité démontrée du vendeur.

Le vendeur dont le dol est à l’origine de l’annulation de la vente et l’agent immobilier dont la faute a concouru à la nullité de la vente sont tenus de réparer toutes les conséquences dommageables qui en résultent pour l’acquéreur, dont la perte des loyers escomptés.


 

D’une particulière richesse, l’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 28 juin 2023 met en lumière les difficultés relatives à la détermination des préjudices indemnisables à la suite de l’annulation d’un acte de vente et particulièrement ceux qu’un tiers fautif intervenant lors de la rédaction de l’acte de vente peut être tenu d’indemniser.

Le litige a pour origine un investissement locatif qui s’est avéré désastreux. Souhaitant profiter d’un avantage fiscal, un particulier fait l’acquisition d’un chalet au sein d’une résidence de vacances. Conclu par l’intermédiaire d’un agent immobilier en charge de la commercialisation du programme immobilier, le contrat de réservation comportait un engagement de location du bien à usage de tourisme par l’acheteur au profit d’une société exploitante devant lui garantir un loyer. L’achat s’est concrétisé par acte authentique reçu par un notaire deux mois plus tard.

Après quelques années de fonctionnement, la société locataire a cessé de payer les loyers et a fait l’objet d’un redressement judiciaire. Propriétaire d’un bien immobilier inexploité, l’acquéreur a assigné notamment le vendeur, le notaire et l’agent immobilier en nullité de la vente et en indemnisation de ses préjudices.

Ayant constaté un dol, les juges du fond n’ont pas hésité à annuler le contrat. Si l’erreur sur la rentabilité économique d’une opération immobilière ne constitue pas en principe une cause de nullité du contrat, étant considérée comme une erreur sur la valeur indifférente [1], il est admis que l’appréciation erronée de la rentabilité économique d’une opération immobilière est susceptible d’entraîner la nullité de la vente lorsque celle-ci est entrée dans le champ contractuel ou que l’acquéreur a été induit en erreur sur la rentabilité économique de l’opération par des manœuvres dolosives [2]. Or, les juges ont relevé que ces deux dernières circonstances étaient présentes en l’espèce : la plaquette de présentation comprenait la formule « loyers garantis par le bail commercial de 9 ans fermes » et l’acquéreur n’avait pas été informé des aléas financiers de l’opération alors que l’exploitation du village de vacances était déjà déficitaire à la date de la signature du contrat de réservation.

La nullité n’a toutefois en pratique pas pu produire ses effets. Confronté à l’insolvabilité du vendeur placé en liquidation judiciaire, l’acquéreur n’a en effet pas pu obtenir le remboursement du prix de vente. Il s’est donc tourné vers les tiers intermédiaires, notamment le notaire et l’agent immobilier.

La responsabilité du notaire a été exclue à défaut pour celui-ci d’avoir commis une faute. L’acquéreur lui reprochait un manquement à son devoir de conseil qui, selon lui, aurait dû conduire le notaire à l’alerter sur les risques de l’opération et notamment sur la possibilité d’une défaillance de l’exploitant. Le pourvoi est rejeté par la Cour de cassation qui estime que n’ayant pas eu connaissance du projet de défiscalisation de l’acquéreur [3], le notaire n’était pas tenu d’informer ce dernier sur les risques inhérents à un bail auquel il était étranger. Ce rejet est conforme au dernier état de la jurisprudence qui impose au notaire de procéder aux vérifications utiles afin d’assurer l’efficacité de l’acte qu’il reçoit [4] et d’informer les parties quant à l’étendue de leurs obligations et les risques qui découlent des engagements pris dans l’acte authentique [5]. Or, les risques n’étaient en l’espèce pas inhérents à la vente reçue par le notaire, mais au bail commercial conclu hors de la présence de ce dernier. Ce moyen ne sera pas davantage commenté ici.

La faute de l’agent immobilier a, quant à elle, été facilement caractérisée dans la mesure où celui-ci, mandaté par le vendeur, était à l’origine des manœuvres dolosives. Le débat s’est alors concentré sur la détermination des préjudices indemnisables. La cour d’appel de Toulouse a condamné l’agent immobilier à réparer certains préjudices, dont le remboursement des frais de l’acte de vente, mais a rejeté deux demandes de l’acquéreur formées contre l’agent immobilier tendant à la réparation, d’une part, du préjudice lié à l’impossibilité d’obtenir la restitution du prix de vente du fait de l’insolvabilité du vendeur et, d’autre part, du préjudice de perte des loyers escomptés. L’arrêt est cassé sur ces deux points :

  • si la restitution du prix par suite de l’annulation du contrat de vente ne constitue pas en elle-même un préjudice indemnisable, l’agent immobilier dont la faute a concouru, au moins pour partie, à l’anéantissement de l’acte peut être condamné à garantir le paiement en cas d’insolvabilité démontrée du vendeur ;
  • le vendeur dont le dol est à l’origine de l’annulation de la vente et l’agent immobilier dont la faute a concouru à la nullité de la vente sont tenus de réparer toutes les conséquences dommageables qui en résultent pour l’acquéreur, dont la perte des loyers escomptés.

L’agent immobilier, dont la faute a concouru à la nullité du contrat de vente, est ainsi tenu d’indemniser l’acquéreur au titre de l’impossibilité pour le vendeur de restituer le prix de vente (I) et de la perte des loyers escomptés à la suite de l’annulation de la vente (II). Ces deux solutions méritent chacune des explications complémentaires.

I. Préjudice résultant du défaut de restitution du prix de vente en raison de l’insolvabilité du vendeur

La condamnation de l’agent immobilier à garantir le paiement de la créance en restitution du prix en cas d’insolvabilité démontrée du vendeur s’inscrit dans une jurisprudence constante et invite à revenir sur la dialectique complexe entre restitution et réparation.

Le raisonnement de la Cour de cassation tient en deux temps. Les Hauts magistrats rappellent tout d’abord la règle selon laquelle la restitution du prix à la suite de l’annulation du contrat de vente ne constitue pas en elle-même un préjudice indemnisable qu’un tiers pourrait être tenu de réparer. Cette règle est classique [6] et s’étend naturellement à toutes les restitutions dont le régime est désormais prévu aux articles 1352 N° Lexbase : L1003KZ8 et suivants du Code civil : restitution du prix de vente tant à la suite de l’annulation du contrat que d’une autre cause d’anéantissement du contrat [7], mais aussi restitution du coût des travaux de conservation du bien réalisé par l’acquéreur [8] ou encore restitution de la perte de valeur du bien détérioré par l’acquéreur, etc.

La Cour de cassation tempère ensuite cette règle en cas d’impossibilité pour l’acquéreur de recouvrer la créance en restitution du prix : l’agent immobilier, dont la faute a concouru, au moins pour partie, à l’anéantissement de l’acte peut être condamné à garantir le paiement en cas d’insolvabilité démontrée du vendeur.

La solution ne surprend pas dans la mesure où une telle position a déjà été adoptée par la Cour de cassation, notamment à propos du notaire tenu, en cas d’impossibilité pour le débiteur de la créance en restitution, et seulement dans ce cas, de garantir le paiement de cette créance [9].

Elle se justifie par deux raisons principales. La première réside dans la distinction entre restitution et réparation. Les restitutions consécutives à l’anéantissement rétroactif du contrat sont la concrétisation de la fiction de la rétroactivité. Elles « ne constituent précisément que la conséquence légale de la fiction du rétablissement du statu quo ante ; aussi ne constituent-elles jamais en elles-mêmes des préjudices dont la réparation peut être réclamée en tant que telle au notaire » [10] ou à tout autre tiers fautif. Dans un cas, il s’agit de rétablir une situation antérieure, alors que dans l’autre cas, il s’agit de réparer un préjudice en replaçant la victime dans la situation qui était la sienne avant la survenance du dommage. Or, ce préjudice n’existe pas dans la mesure où la restitution permet déjà de replacer la victime dans la situation qui était la sienne avant la conclusion du contrat. Plus exactement, ce préjudice n’est pas certain et c’est la deuxième raison qui justifie cette solution jurisprudentielle. Il existe en effet un risque que l’acquéreur ne puisse pas être replacé dans la situation antérieure à la conclusion du contrat, ce qui lui serait préjudiciable, mais ce préjudice tenant à l’impossibilité d’être remboursé du prix de vente n’est pas certain tant que l’acquéreur dispose d’une action – action en restitution – à l’encontre du vendeur [11]. Il l’est en revanche dans l’hypothèse d’une impossibilité avérée pour le vendeur de restituer le prix de vente. D’où, dans ce cas, la condamnation de l’agent immobilier fautif à garantir le paiement de la restitution du prix de vente. La responsabilité du tiers fautif n’en devient pas moins subsidiaire. Une responsabilité subsidiaire impliquerait que le tiers ne soit responsable qu’en cas d’irresponsabilité d’un premier responsable d’un préjudice d’ores et déjà certain. Or, en l’espèce, le préjudice subi par l’acquéreur était initialement incertain. Le tiers ne peut ainsi être mis en cause qu’en tant que garant du vendeur au titre de sa créance en restitution du prix de vente.

La preuve de l’impossibilité pour l’acquéreur de recouvrer sa créance en restitution auprès du vendeur, de laquelle dépend le caractère certain du préjudice, peut être délicate à rapporter [12]. Sa charge incombe à l’acquéreur qui « a intérêt à mettre en œuvre les voies de droit idoines afin de faire exécuter le jugement ordonnant la nullité et faire vérifier l’insolvabilité totale ou partielle de son débiteur » [13]. Les diligences ainsi imposées à l’acquéreur doivent être appréciées de manière raisonnable, ce que rappelle ici la Cour de cassation. Il suffit de prouver le placement du vendeur en liquidation judiciaire qui implique à lui-seul l’insolvabilité du vendeur et son impossibilité à restituer le prix [14], sans que l’on puisse reprocher à l’acquéreur d’avoir maintenu sa demande de nullité nonobstant l’état de liquidation judiciaire du vendeur. C’était le raisonnement tenu par la cour d’appel pour rejeter la demande en indemnisation de l’acquéreur [15]. La cassation doit être approuvée dans la mesure où l’acquéreur, victime d’un dol, a le droit d’obtenir la nullité du contrat, sans que ce droit ne puisse être entravé par une quelconque obligation à la charge de l’acquéreur de réduire son préjudice dans l’intérêt du responsable. La jurisprudence antérieure était déjà en ce sens [16], mais elle pourrait évoluer si le projet de réforme de la responsabilité civile venait à être adopté dans son dernier état. L’article 1263 dudit projet [17] propose en effet une réduction des dommages et intérêts dans les cas où « la victime n’a pas pris les mesures sûres et raisonnables, notamment au regard de ses facultés contributives, propres à éviter l’aggravation de son préjudice », ce qui pourrait être le cas d’un acquéreur qui poursuit son action en nullité à l’égard d’un vendeur insolvable.

Indépendamment de ce préjudice tenant à l’impossibilité pour l’acquéreur de recouvrer sa créance en restitution, la Cour de cassation admet, de manière plus surprenante, l’indemnisation d’un autre préjudice résidant dans la perte des loyers escomptés.

II. Préjudice de perte des loyers escomptés

La possibilité de cumuler la nullité du contrat et des dommages-intérêts n’est pas surprenante dans la mesure où les restitutions consécutives à l’anéantissement rétroactif du contrat ne suffisent pas toujours à réparer tous les préjudices subis par le contractant qui agit en nullité. L’admission de cette action en réparation n’est pas discutée : elle avait été admise par la jurisprudence [18] sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle dans la mesure où le contrat est censé n’avoir jamais existé [19] et elle a été consacrée par l’article 1178, in fine du Code civil N° Lexbase : L0900KZD, dans sa version issue de la réforme du droit des contrats de 2016, en ces termes : « Indépendamment de l’annulation du contrat, la partie lésée peut demander la réparation du dommage subi dans les conditions de droit commun de la responsabilité extracontractuelle ». Ne constituant qu’une redite du droit commun de la responsabilité [20], cette consécration élude cependant les principales difficultés qui animent doctrine et jurisprudence depuis plusieurs années, notamment [21] celle relative à la détermination des chefs de préjudices réparables à la suite de l’annulation d’un contrat [22].

L’arrêt commenté ne risque pas d’apaiser les débats déjà très vifs [23] dans la mesure où l’admission par la Cour de cassation de l’indemnisation de la perte des loyers escomptés est critiquable à deux égards.

Elle contredit premièrement une proposition doctrinale qui s’est pourtant imposée en la matière. La ligne directrice qui a été dessinée par la doctrine tient à la distinction entre les dommages-intérêts positifs et les dommages-intérêts négatifs [24]. Les premiers désignent ceux qui réparent « l’intérêt positif » représentant l’intérêt qu’un contractant avait à ce que le contrat soit conclu, alors que les seconds correspondent aux dommages-intérêts qui compensent « l’intérêt négatif » faisant écho à l’intérêt qu’un contractant avait à ne pas conclure le contrat. Alors que les dommages-intérêts prononcés au titre d’une sanction de l’inexécution visent à réparer l’intérêt positif, ceux qui sont prononcés en complément du prononcé de la nullité du contrat poursuivent l’objectif de replacer la victime dans l’état qui aurait été le sien si le contrat n’avait pas été conclu. La victime doit ainsi, avant tout, pouvoir être indemnisée des frais dépensés en vue de la conclusion du contrat et qui ne l’auraient pas été si le contrat n’avait pas été conclu [25]. Il peut s’agir des frais d’acte de vente, comme c’était le cas en l’espèce, mais aussi de la commission de l’agent immobilier à la charge de l’acquéreur, du remboursement de charges diverses telles que les charges de copropriété, le coût de l’assurance et les taxes foncières acquittées par l’acquéreur [26], etc…, voire du préjudice moral « résultant des tracas et contraintes financières que [les acquéreurs] avaient subis durant de longues années de procédure » [27].

Dans l’affaire à l’origine de l’arrêt commenté, la cour d’appel se prévalait précisément de cette doctrine dans la mesure où elle avait accepté de rembourser les frais de vente, mais avait rejeté la demande de l’acquéreur tendant à l’indemnisation de la perte des loyers escomptés précisément aux motifs que « l’immeuble acquis étant censé n’être jamais entré dans son patrimoine, et que, à défaut de s’être engagé, il n’aurait pu prétendre à des loyers en exécution d’un bail qu’il n’aurait pas souscrit ». En censurant le raisonnement des juges du fond, la Cour de cassation semble en revanche accepter que soit indemnisé l’intérêt positif de l’acquéreur à la conclusion du contrat.

La solution de la Cour de cassation qui admet l’indemnisation de la perte des loyers escomptés s’inscrit deuxièmement en contradiction d’une jurisprudence antérieure relative à l’indemnisation des préjudices subis par le prêteur à la suite de l’annulation d’un contrat de prêt. De la même manière qu’en cas d’annulation d’un contrat de vente, les Hauts magistrats ont jugé, à plusieurs reprises, que la restitution du capital restant dû ne constitue pas un préjudice réparable [28]. La détermination des chefs de préjudices indemnisables à la suite de l’annulation du contrat de prêt a été plus délicate. Interrogée notamment à propos de la perte des intérêts conventionnels à échoir que l’établissement bancaire ne percevra jamais en raison de l’annulation du contrat de prêt, la Cour de cassation cantonne l’indemnisation de ce préjudice à la « perte de chance de percevoir les intérêts à échoir » [29], en sachant que, s’agissant de l’indemnisation d’une perte de chance, l’indemnité susceptible d’être allouée ne peut être égale aux bénéfices que le prêteur aurait retirés de l’exécution complète du contrat [30]. Cette solution paraît respectueuse de l’exigence du caractère certain du préjudice : le contrat ayant été annulé, la banque ne peut pas soutenir, avec certitude, qu’en l’absence d’annulation du contrat, les intérêts auraient été payés en totalité, ne serait-ce que parce qu’un prêt peut souvent être remboursé par anticipation. Elle est en outre conforme à la réparation de l’intérêt négatif qui comprend aussi « la perte de chance de conclusion d’un contrat similaire mais valable (l’occasion manquée) » [31]. Le raisonnement aurait dû être le même dans l’arrêt commenté : l’acquéreur ne devrait pas pouvoir être indemnisé de la totalité des loyers escomptés dans la mesure où il ne peut pas affirmer avec certitude que sa résidence de vacances aurait été louée autant qu’il l’espérait et dans les conditions envisagées.

La portée de cette décision ne doit cependant pas être exagérée, à tout le moins en ce qui concerne l’indemnisation de la perte des loyers escomptés. Tout d’abord, l’arrêt est certes publié, mais le titrage de l’arrêt ne fait référence qu’à la distinction entre les restitutions et la réparation développée en première partie de ce commentaire, sans reprendre ce problème du préjudice de perte des loyers. Il est ensuite possible de considérer que la décision de la Cour de cassation n’implique pas une indemnisation de la totalité des loyers escomptés. Cette dernière casse l’arrêt rendu par la cour d’appel qui avait refusé de tenir compte, au titre de l’indemnisation allouée, de la perte des loyers escomptés. La cour d’appel de renvoi pourra – devra – indemniser la perte des loyers en retenant un préjudice de perte de chance : la perte des gains que l’acquéreur pouvait espérer au titre de l’acquisition de sa résidence de tourisme constitue une perte de chance de percevoir des loyers. L’indemnisation de la perte des loyers se justifie enfin eu égard à l’engagement conventionnel du vendeur, présenté et négocié par l’agent immobilier, de garantir les loyers par le bail commercial de neuf ans. Cet engagement rend sans doute davantage certain le préjudice de perte des loyers escomptés. Il n’en demeure pas moins qu’une telle indemnisation, à hauteur de la totalité des loyers escomptés, aboutirait toutefois à placer l’acquéreur dans la situation qui aurait été la sienne si le contrat avait été conclu et non dans celle qui aurait été la sienne si le contrat n’avait pas été conclu.

 

[1] Cass. civ. 3, 31 mars 2005, n° 03-20.096, FS-P+B N° Lexbase : A4498DH3.

[2] Cass. civ. 1, 21 octobre 2020, n° 18-26.761, FS-P+B N° Lexbase : A85783YD – Cass. civ. 3, 26 octobre 2022, n° 21-19.898, FS-B N° Lexbase : A01058RC.

[3] Les juges relèvent que le notaire n’est pas intervenu au stade de la négociation au cours de laquelle la plaquette de présentation a été remise à l’acquéreur et le bail commercial a été signé sous seing privé hors de la présence du notaire.

[4] V. par exemple : Cass. civ. 3, 1er juin 2017, n° 16-14.428, FS-P+B+I N° Lexbase : A8539WEY.

[5] V. par exemple : Cass. civ. 1, 19 décembre 2006, n° 04-14.487, FS-P+B N° Lexbase : A0806DTZ ; D. 2007, p. 307, obs. I. Gallmeister – Cass. civ. 1, 9 décembre 2010, n° 09-70.816, F-D N° Lexbase : A9172GMN.

[6] V. déjà, par exemple, Cass. civ. 1, 1er juin 1999, n° 97-14.063, publié au bulletin N° Lexbase : A6675CEX ; RTD civ. 2000, 121, obs. P. Jourdain – Cass. civ. 1, 18 janvier 2005, n° 03-12.713, F-D N° Lexbase : A0810DG4 : la restitution du prix payé par l’acquéreur en exécution de la vente entachée de nullité ne constitue pas, en elle-même, un préjudice réparable – Cass. civ. 1, 15 décembre 2011, n° 10-17.691, F-D N° Lexbase : A4803H8E : la restitution du prix à la suite de l’annulation du contrat de vente ne constitue pas un préjudice indemnisable par un tiers, notamment par un agent immobilier.

[7] V. par exemple : Cass. com., 14 février 2012, n° 11-10.559, F-D N° Lexbase : A8604ICN : « l’obligation de restitution du prix consécutive à la résolution d’un contrat de vente, qui ne constitue pas la réparation d’un préjudice, ne peut peser que sur le vendeur » – Cass. civ. 3, 7 avril 2016, n° 15-15.678, FS-D N° Lexbase : A1564RCW : JCP N 2016, n° 35, 1249, note Y. Dagorne-Labbe : la restitution du prix de l’immeuble, par le vendeur, à la suite de la résolution de la vente authentique due à une faute du notaire ne constitue pas, pour l’acquéreur, un préjudice réparable.

Adde (à propos de l’annulation d’un contrat de prêt) : Cass. civ. 1, 2 juillet 2014, n° 12-28.615, F-P+B N° Lexbase : A2611MTU ; D. 2015, 124, obs. Ph. Brun et O. Gout : la restitution du capital restant dû ne constitue pas un préjudice réparable

[8] Cass. civ. 3, 12 octobre 2022, n° 20-22.911, FS-B N° Lexbase : A55198NQ ; Const-Urb. 2022, comm. 126, note Ch. Sizaire.

[9] Cass. civ. 1, 10 juillet 2013, n° 12-23.746, F-D N° Lexbase : A8635KIN : JCP N 2014, n° 20, 1196, note C. Corgas-Bernard ; ibid., n° 42, 1243, note Y. Dagorgne-Labbe – Cass. com., 15 juin 2022, n° 21-10.802, F-B N° Lexbase : A470577E – Cass. civ. 1, 7 décembre 2022, n° 20-23.440, F-D N° Lexbase : A42408YP.

[10] G. Durand-Pasquier, Mauvais choix du type d’acte en cas de vente avec précision de travaux : étendue de la responsabilité du notaire et détermination des préjudices indemnisables eu égard à l’acquéreur et au prêteur, note sous Cass. civ. 3, 1er juin 2017, n° 16-14.432, FS-D N° Lexbase : A2613WGU, JCP N 2018, n° 24, 1204.

[11] Comp. : Cass. civ. 1, 20 mars 2013, n° 12-15.751, F-D N° Lexbase : A5992KA8 : le notaire qui omet un bien ou un héritier lors d’un partage successoral ne verra sa responsabilité engagée qu’en cas d’impossibilité pour l’héritier lésé de recouvrer ses droits auprès de ses cohéritiers, notamment en cas d’insolvabilité de ces derniers.

[12] Estimant que la preuve d’une impossibilité certaine pour l’acheteur d’obtenir tout ou partie de la restitution du prix n’est pas rapportée, v. not. Cass. civ. 1, 16 mai 2013, n° 12-15.959, F-D N° Lexbase : A5182KDB – Cass. civ. 1, 7 décembre 2022, n° 20-23.440, F-D N° Lexbase : A42408YP.

[13] C. Corgas-Bernard, Nullité d’une vente immobilière : restitutions et préjudice indemnisable, note sous Cass. civ. 1, 16 mai 2013, n° 12-15.959, F-D N° Lexbase : A5182KDB, JCP N 2014, n° 20, 1196.

[14] Contra : Cass. com., 15 juin 2022, n° 21-10.802, F-B N° Lexbase : A470577E., estimant que la mise en liquidation judiciaire du vendeur ne suffit pas à démontrer son insolvabilité.

[15] « Pour rejeter la demande de l’acquéreur formée contre l’agent immobilier et tendant à la réparation du préjudice lié à l’impossibilité d’obtenir la restitution du prix de vente du fait de l’insolvabilité du vendeur, l’arrêt retient que la perte du bien immobilier découle du seul choix procédural de l’acquéreur de maintenir sa demande de nullité de la vente nonobstant l’état de liquidation judiciaire du vendeur ».

[16] V. par exemple, Cass. civ. 1, 10 juillet 2013, n° 12-23.746, F-D N° Lexbase : A8635KIN : JCP N 2014, n° 20, 1196, note C. Corgas-Bernard ; ibid., n° 42, 1243, note Y. Dagorgne-Labbe : rejet de l’argument du notaire qui reprochait une trop grande passivité à l’acquéreur qui aurait pu agir contre le vendeur avant sa mise en liquidation judiciaire (trois mois après la découverte du vice de nullité).

D’une manière plus large, sur le refus d’imposer à la victime une obligation de minimiser son préjudice dans l’intérêt du responsable : Cass. civ. 2, 19 juin 2003, deux arrêts, n° 00-22.302 N° Lexbase : A8749C8K et n° 01-13.289 N° Lexbase : A8763C83, FS-P+B+R+I ; RTD civ. 2003, p. 716, note P. Jourdain ; D. 2003, p. 2326, note J.-P. Chazal ; ibid. 2004, p. 1346, note D. Mazeaud ; JCP G 2003, II, 10170, comm. C. Castets-Renard ; Defrénois 2003, p. 1574, note J.‑L. Aubert ; LPA 2003, n° 208, p. 16, note S. Reifegerste; ibid. 2003, n° 261, p. 17, note Y. Dagorgne-Labbe ; Gaz. Pal. 2003, n° 282, p. 9, note E. Rosenfeld et Ch. Bouchez ; RGDA 2003, p. 504, note J. Landel ; Dr. et patr. 2003, n° 120, note F. Chabas ; RCA 2004, chron. 2, note M.‑A. Agard ; RLDC 2004, n° 9, p. 15, note S. Pimont ; ibid. 2004, n° 10, p. 14, note S. Pimont.

[17] Projet de réforme de la responsabilité civile, 13 mars 2017.

[18] Cass. civ. 1, 4 février 1975, n° 72-13.217 N° Lexbase : A6868AGH : « Le droit de demander la nullité d’un contrat n’exclut pas l’exercice, par la victime des manœuvres dolosives, d’une action en responsabilité délictuelle pour obtenir de leur auteur réparation du préjudice qu’elle a subi » – Cass. Mixte, 29 octobre 2021, n° 19-18.470, FS-D N° Lexbase : A80804PX ; D. 2021, p. 2162, note S. Tisseyre ; ibid. 2022, obs. Ph. Brun ; Cont. conc. consom. 2021, n° 175, note L. Leveneur : « La victime d’un dol peut agir, d’une part, en nullité de la convention sur le fondement des articles 1137 et 1178, alinéa 1er, du Code civil (auparavant de l’article 1116 du même Code), d’autre part, en réparation du préjudice sur le fondement des articles 1240 et 1241 du Code civil (auparavant des articles 1382 et 1383 du même Code) ».

[19] Cass. civ. 3, 18 mai 2011, n° 10-11.721 N° Lexbase : A2611HSI, FS-P+B ; JCP G 2011, 1141, obs. Y.-M. Serinet ; Dr. et patr. 2012, n° 211, p. 73, note Ph. Stoffel-Munck.

[20] C. civ., art. 1240 N° Lexbase : L0950KZ9.

[21] Une autre difficulté tient à la mise en évidence d’une faute de l’un des contractants, ou d’un tiers, à l’origine du vice de nullité, hormis les cas évidents de dol ou de violence. Sur cette difficulté, v. Th. Genicon, Responsabilité en cas d’annulation du contrat : quelle responsabilité ? quelle faute ? quel préjudice ?, note sous Cass. civ. 3, 18 mai 2011, RDC 2011/4, p. 1139.

[22] Regrettant qu’aucun élément de réponse à ces difficultés n’ait été apporté par la réforme du droit des contrat, O. Deshayes, Th. Genicon, Y.-M. Laithier, Réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, Commentaire article par article, 2e éd., LexisNexis, 2018, p. 268.

[23] V. par exemple, Th. Genicon, note préc. ; Y. Lequette, Responsabilité civile versus vices du consentement, in Au-delà des codes, Mélanges en l’honneur de M.-S. Payet, Dalloz, 2012, p. 363.

[24] V. not. C. Guelfucci-Thibierge, Nullité, restitutions et responsabilité, J. Ghestin (préf.), LGDJ, 1992, n° 139 et s. – Y.-M. Laithier, Etude comparative des sanctions de l’inexécution du contrat, H. Muir Watt (préf.), LGDJ, 2004, n° 106 et s.

[25] V. C. Guelfucci-Thibierge, th. préc., n° 144 et s., qui définit les chefs de préjudices indemnisables à la suite de l’annulation du contrat en ces termes : « tous les frais engagés à raison de la conclusion du contrat ainsi que la perte de chance de conclusion d’un contrat similaire mais valable (l’occasion manquée) ».

Reprenant cette distinction, v. not. M. Fabre-Magnan, Droit des obligations. Contrat et engagement unilatéral, t. 1, coll. « Thémis droit », 6e éd., PUF, 2021, n° 728 : « Il n’est en revanche pas question de verser à la victime ce qu’elle aurait obtenu si le contrat n’avait pas été annulé, c’est-à-dire s’il avait été exécuté. La nullité a en effet été prononcée et il faut en tirer toutes les conséquences : le contrat est donc censé n’avoir jamais été conclu. La victime doit dès lors, au mieux, être remise dans l’état où elle aurait été si le contrat n’avait jamais été conclu (dommages-intérêts négatifs) ».

[26] Cass. civ. 3, 12 octobre 2022, n° 20-22.911, FS-B N° Lexbase : A55198NQ ; Const-Urb. 2022, comm. 126, note Ch. Sizaire.

[27] Cass. civ. 1, 30 mars 2022, n° 20-14.371, F-D N° Lexbase : A06707SM.

[28] Cass. civ. 1, 2 juillet 2014, n° 12-28.615, F-P+B N° Lexbase : A2611MTU ; D. 2015, 124, obs. Ph. Brun et O. Gout.

[29] Cass. civ. 3, 18 février 2016, n° 15-12.719, FS-P+B N° Lexbase : A4691PZR : RTD civ. 2016, 351, note H. Barbier – Cass. civ. 3, 1er juin 2017, n° 16-14.428, FS-P+B+I N° Lexbase : A8539WEY : JCP N 2018, 1204, note G. Durand-Pasquier.

[30] Cass. civ. 1, 3 février 2016, n° 14-20.201, F-D N° Lexbase : A3213PK9 : AJDI 2016, 531, obs. J.-P. Borel – Cass. civ. 1, 9 décembre 2010, n° 09-69.490, F-P+B+I N° Lexbase : A9155GMZ ; AJDI 2011, 552, obs. M. Thioye ; RDI 2011, 119, obs. P. Dessuet.

[31] C. Guelfucci-Thibierge, th. préc., n° 144.

Rappr., à propos du préjudice réparable en cas de dol lorsque la victime a fait le choix de ne pas demander l’annulation du contrat : Cass. com., 18 décembre 2019, n° 17-22.544, F-D N° Lexbase : A1212Z9R : « ayant fait le choix de ne pas demander l’annulation du contrat à la suite du dol dont il avait été victime, son préjudice réparable correspondait uniquement à la perte d’une chance d’avoir pu contracter à des conditions plus avantageuses ».

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