Le Quotidien du 27 septembre 2023

Le Quotidien

Actualité judiciaire

[A la une] Martine Aubry visée par une enquête pour « corruption » lors des dernières municipales

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par Vincent Vantighem

Le 26 Septembre 2023

Elle avait d’abord déclaré qu’elle ne briguerait pas de quatrième mandat. Avant de changer d’avis finalement. Candidate à sa propre succession à la mairie de Lille, Martine Aubry avait fini par remporter le scrutin d’une courte tête avec 227 voix d’avance sur son rival écologiste. Trois ans après, certains estiment encore que certaines de ces voix ont été acquises de façon illicite par la candidate socialiste. Le parquet de Lille a ouvert, fin août, une enquête préliminaire pour « corruption active et passive », « trafic d’influence » et « recel » de ces délits susceptibles d’être reprochés à Martine Aubry mais aussi à Licia Boudersa. Si le nom de la première est connu de tous, celui de la seconde est surtout célèbre dans le milieu sportif. Dans le monde de la boxe notamment où elle s’illustre pour être quadruple championne du monde de la discipline dans les catégories poids-plumes et poids super-plumes…

Toujours est-il que le parquet de Lille a ouvert une enquête afin de savoir si cette championne de boxe, très présente dans les quartiers lillois, n’a pas monnayé son soutien en faveur de Martine Aubry en échange d’un emploi municipal dont elle a bénéficié à l’époque. Car dans ce dossier, ce sont les dates qui posent question. Quelques jours avant le premier tour, Licia Boudersa avait publié plusieurs messages de soutien sur les réseaux sociaux et avait rejoint le comité de soutien de la fille de Jacques Delors. Sans oublier une vidéo de 34 secondes sans équivoque. « Je soutiens Martine Aubry parce qu’elle m’a toujours soutenue, tout au long de ma carrière, affirmait-elle dans ce message. Elle croit en la jeunesse lilloise. » Le 16 mars, à la veille du premier tour, la championne de boxe paraphait un contrat d’un an en qualité d’animatrice sportive pour la mairie de Lille.

C’est en découvrant cela que Violette Spillebout, candidate malheureuse face à Martine Aubry lors de ces municipales lilloises et aujourd’hui députée (Renaissance) du Nord a manqué s’étrangler. Elle s’est souvenue que quelques semaines avant le scrutin, la même Licia Boudersa avait envisagé de rejoindre sa liste. Ce ne serait pas la première fois qu’un homme ou une femme politique retourne sa veste. Mais dans la mesure où un contrat de travail a été signé au même moment, Violette Spillebout a clairement eu des doutes.

« Aucune inquiétude » à la mairie de Lille

Celle-ci a donc d’abord déposé un recours au tribunal administratif pour contester les résultats des élections perdues. Résultats qu’elle estimait « insincères » à plusieurs titres. Mais ni le tribunal administratif, en première instance, ni le Conseil d’État en appel, ne lui ont donné raison. Combative, elle a alors fait un signalement (article 40) auprès du procureur de la République de Lille. C’est ce signalement qui a conduit le parquet à ouvrir cette enquête préliminaire. Et à en confier les investigations à la police judiciaire.

Car Violette Spillebout n’a pas accusé Martine Aubry et Licia Boudersa d’avoir magouillé sur la seule base de quelques soupçons. Elle a versé au dossier des SMS que la championne de boxe avait échangés à l’époque des faits. Des SMS plus que troublants. « J’ai toujours dit que ma priorité était mon boulot, indiquait-elle ainsi à l’une de ses interlocutrices. Moi, je m’en fous complètement de la politique, mon intérêt est personnel. Aujourd’hui, je suis au chômage. Donc, je n’ai pas à être jugé par qui que ce soit. La politique détruit des familles et des amis, par choix. Moi je n’ai fait aucun choix, mais j’ai toujours dit que je serais avec la personne qui me trouvera du travail... »

Voilà donc sur quoi le parquet de Lille a décidé d’enquêter. Plus de trois ans après les faits. Et dix-huit mois après avoir reçu le signalement. C’est sans doute pour ça que la mairie de Lille a accueilli l’annonce de l’ouverture de cette enquête « sans aucune inquiétude ». « Nous n’en sommes pas informés. Mais de toute façon, ce sujet a déjà été tranché deux fois par la justice administrative. Il n’y a rien de neuf... » Sans que cette fois-ci, c’est la justice pénale qui est chargée du dossier. Les investigations ne font que débuter.

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Avocats/Honoraires

[Brèves] Consultation gratuite : le client doit en rapporter la preuve

Réf. : CA Bordeaux, 10 août 2023, n° 22/02139 N° Lexbase : A63901DZ

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N6783BZA

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par Marie Le Guerroué

Le 26 Septembre 2023

► À défaut d'en démontrer la gratuité, la consultation réalisée par l’avocat au profit du client doit être considérée comme onéreuse.

Faits et procédure. Un rendez-vous avait eu lieu entre un avocat et un client pour évoquer la possibilité pour ce dernier de saisir le tribunal judiciaire en vue d'obtenir un délai de remboursement de trois crédits à la consommation. Pour contester devoir régler une quelconque somme au titre de cet entretien consacré à son affaire, le client faisait valoir que celui-ci devait être gratuit.

Réponse de la cour. Dès lors qu'il résulte de l'article 174 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 N° Lexbase : L8168AID que la procédure de contestation en matière d'honoraires et débours d'avocats concerne les contestations relatives au montant et au recouvrement de leurs honoraires, il relève de l'office même du juge de l'honoraire de déterminer, lorsque cela est contesté, si les prestations de l'avocat ont été fournies ou non à titre onéreux. Le juge de l’honoraire constate qu’en l'espèce, les parties s'accordent pour dire qu'un rendez-vous d'une durée de 30 minutes selon le client, ou 45 minutes selon l’avocat, a eu lieu pour évoquer la possibilité pour le client de saisir le tribunal judiciaire en vue d'obtenir un délai de remboursement de trois crédits à la consommation.

Pour contester devoir régler une quelconque somme au titre de cet entretien consacré à son affaire, le client fait valoir que celui-ci devait être gratuit, mais il ne produit aucun élément à l'appui de son allégation (affichage dans les locaux de l'avocat, publication sur site internet...). Par voie de conséquence, à défaut d'en démontrer la gratuité, la consultation réalisée par l’avocat au profit du client doit être considérée comme onéreuse, et la somme réclamée à ce titre, ainsi que l'a estimé à juste titre le Bâtonnier du Barreau de la Charente, correspond à une rémunération horaire moyenne et n'est en aucun cas exagérée au vu de la prestation accomplie.

Confirmation. La décision déférée est confirmée.

newsid:486783

Contrats administratifs

[Brèves] Litige relatif à l'installation de recharges pour véhicules électriques sur le domaine public d’une métropole : incompétence du juge du référé précontractuel

Réf. : TA Strasbourg, 5 septembre 2023, n° 2305837 N° Lexbase : A81011ER

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N6807BZ7

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par Yann Le Foll

Le 20 Septembre 2023

► Le litige concernant un contrat relatif à l’installation de recharges pour véhicules électriques sur le domaine public d’une métropole ne relève pas de la compétence du juge du référé précontractuel.

Faits. La consultation en litige a été engagée en vue de « déployer, financer, exploiter, superviser et maintenir un réseau de bornes de recharge de véhicules électriques sur la voirie et le foncier public de Metz Métropole ».

Elle doit aboutir à la conclusion d'une convention-cadre encadrant le « partenariat » entre cette dernière et l'attributaire, d'une durée maximale de 15 ans, les titres d'occupation spécifiques à chaque station devant être conclus au fur et à mesure de leur installation et dans la limite de la durée maximale de la convention-cadre. Le cahier des charges comporte, en outre, des prescriptions quant au nombre minimal de points de charge à installer et à leurs délais de déploiement, à leurs caractéristiques minimales techniques, esthétiques et environnementales, ainsi qu'à la qualité du service rendu aux usagers.

Enfin, il prévoit offre à l'attributaire l'exclusivité sur le domaine public, mais uniquement pour des infrastructures de recharge d'une puissance inférieure ou égale à 50 kW par point de charge.

Position TA.  Les différentes prescriptions et sujétions précitées n'excèdent pas les obligations qu'une autorité compétente en matière d'infrastructures de recharge pour véhicules électriques et gestionnaire du domaine public sur lequel elles doivent être implantées peut imposer en vue d'assurer le déploiement équilibré de ces infrastructures sur son territoire et de préserver son domaine.

Ainsi, et alors qu'en outre, le cahier des charges laisse le titulaire libre de fixer les tarifs qu'il appliquera aux usagers, ne lui confère aucune prérogative de puissance publique et ne prévoit aucun contrôle de son activité par Metz Métropole, il ne résulte pas de l'instruction que cette dernière aurait entendu organiser un service public que la convention projetée aurait, au sens des dispositions précitées, pour objet de déléguer.

Décision. Dès lors qu’il ne concerne pas la sélection d'un actionnaire opérateur économique d'une société d'économie mixte à opération unique, il résulte de ce qui précède que le contrat projeté n'entre pas dans le champ de l'article L. 551-1 du Code de justice administrative N° Lexbase : L3270KG9 (référé précontractuel), lequel vise les « contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, la délégation d'un service public ou la sélection d'un actionnaire opérateur économique d'une société d'économie mixte à opération unique ».

Par suite, les conclusions présentées par la requérante sur le fondement des dispositions de cet article ne peuvent qu'être rejetées.

newsid:486807

Discrimination

[Brèves] Processus de recrutement via des CV anonymes : attention aux discriminations

Réf. : Cass. soc., 6 septembre 2023, n° 22-15.514, F-D N° Lexbase : A14331G8

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N6823BZQ

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par Charlotte Moronval

Le 20 Septembre 2023

► L’exclusion d’un candidat d’un processus de recrutement, à la suite du refus de celui-ci de communiquer sa date de naissance, peut être constitutive d’une discrimination.

Faits et procédure. Dans le cadre d’un processus de recrutement d’une entreprise, une candidate, âgée de 57 ans, adresse sa candidature avec un curriculum vitae anonymisé. La candidate est écartée du processus de recrutement, compte tenu de son refus de transmettre sa date de naissance après plusieurs demandes de la part de l'entreprise.

Elle saisit le conseil de prud'hommes dans le but de faire reconnaître une discrimination fondée sur son âge.

La cour d’appel (CA Paris, 6-3, 2 février 2022, n° 19/00310 N° Lexbase : A20887LW) déboute la salariée de sa demande, aux motifs :

  • qu'il est d'usage courant que tant les administrations que les entreprises utilisent la donnée de l'âge pour s'assurer de l'identité des personnes qui les sollicitent ;
  • qu’ignorant l'âge de la candidate, l’entreprise ne peut l'avoir discriminée pour ce motif ;
  • que l’entreprise a un motif légitime pour connaître la date de naissance des candidats au regard des exigences d'âge requises pour l'accès éventuel au statut visé ;
  • que l’entreprise veille à une pratique professionnelle du recrutement respectueuse de l'égalité des chances de tous dans l'accès à tous ses emplois et détaille un listing des nouveaux agents recrutés par tranche d'âge.

La candidate forme un pourvoi en cassation.

La solution. Enonçant le principe susvisé, la Chambre sociale de la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel.

La cour d'appel n'a pas caractérisé que la connaissance de la date de naissance de la candidate à un emploi, à ce stade du processus de recrutement sur ce poste, était objectivement et raisonnablement justifiée par un but légitime, et que le refus de reconvoquer la candidate à la suite de son refus de communiquer sa date de naissance était nécessaire et approprié.

La Cour retient que l'entreprise aurait dû justifier que la connaissance de la date de naissance de la candidate était objectivement et raisonnablement justifiée par un but légitime et que son exclusion du processus de recrutement à la suite de son refus de communiquer sa date de naissance était nécessaire et approprié.

Elle relève par ailleurs que dans le listing des nouveaux agents recrutés, aucun n'avait plus de 56 ans.

Pour aller plus loin : 

  • v. formulaire, MDS0154, Examen de la lettre de motivation et du CV du candidat à une offre d'emploi, Droit du travail N° Lexbase : X2069CQP ;
  • v. ÉTUDE : Le principe de non-discrimination, L'âge, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E192203L ;
  • v. aussi ÉTUDE : Le principe de non-discrimination à l'embauche, La présélection, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E1965038 ; 
  • pour une vision globale sur le recrutement, Le Guide RH. 

newsid:486823

Droit des étrangers

[Brèves] Application de la Directive « retour » à tout ressortissant de pays tiers entré illégalement sur le territoire de l’UE

Réf. : CJUE, 21 septembre 2023, aff. C-143/22, Association Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE) N° Lexbase : A28551H9

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N6885BZZ

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par Yann Le Foll

Le 27 Septembre 2023

La Directive « retour » s’applique à tout ressortissant de pays tiers entré sur le territoire d’un État membre sans remplir les conditions d’entrée, de séjour ou de résidence.

Rappel. Selon la Directive « retour » (Directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 N° Lexbase : L3289ICS), tout ressortissant de pays tiers en séjour irrégulier doit, en règle générale, faire l’objet d’une décision de retour. Toutefois, l’intéressé doit, en principe, bénéficier d’un certain délai pour quitter volontairement le territoire. L’éloignement forcé n’intervient qu’en dernier recours.

Question préjudicielle. Le Conseil d’État interroge la Cour de justice sur la question de savoir si, lorsqu’un État membre décide de réintroduire temporairement des contrôles aux frontières intérieures, il peut adopter à l’égard d’un ressortissant de pays tiers qui est intercepté, sans titre de séjour valable, à un point de passage frontalier autorisé situé sur son territoire et où s’exercent de tels contrôles, une décision de refus d’entrée sur la seule base du Code frontières Schengen, sans devoir respecter les normes et procédures communes prévues par la Directive « retour ».

Réponse CJUE. Dans une telle situation, une décision de refus d’entrée peut être adoptée sur la base du Code frontières Schengen mais, en vue de l’éloignement de l’intéressé, les normes et procédures communes prévues par la Directive « retour » doivent tout de même être respectées, ce qui peut aboutir à priver d’une large partie de son utilité l’adoption d’une telle décision de refus d’entrée.

En effet, la Directive « retour » s’applique, en principe, dès qu’un ressortissant de pays tiers est, à la suite de son entrée irrégulière sur le territoire d’un État membre, présent sur ce territoire sans remplir les conditions d’entrée, de séjour ou de résidence, et se trouve donc en séjour irrégulier. Cela vaut également lorsque, comme dans l’hypothèse en question, l’intéressé a été appréhendé à un point de passage frontalier qui se situe sur le territoire de l’État membre concerné. En effet, une personne peut être entrée sur le territoire d’un État membre avant même d’avoir franchi un point de passage frontalier (CJUE, 5 février 2020, aff. C-341/18, J. e.a. N° Lexbase : A37823DG).

La Cour précise que ce n’est qu’à titre exceptionnel que la Directive « retour » permet aux États membres d’exclure les ressortissants de pays tiers qui séjournent irrégulièrement sur leur territoire du champ d’application de cette Directive. Si tel est, notamment, le cas lorsque des ressortissants de pays tiers font l’objet d’une décision de refus d’entrée à une frontière extérieure d’un État membre, il n’en va pas de même lorsque ces ressortissants font l’objet, comme en l’occurrence, d’une décision de refus d’entrée à une frontière intérieure d’un État membre, même lorsque des contrôles y ont été réintroduits.

La Cour rappelle, enfin, que les États membres peuvent placer en rétention un ressortissant de pays tiers, dans l’attente de son éloignement, notamment lorsque ce ressortissant représente une menace pour l’ordre public, et qu’ils peuvent réprimer d’une peine d’emprisonnement la commission de délits autres que ceux tenant à la seule circonstance d’une entrée irrégulière (CJUE, 2 juillet 2020, aff. C-18/19, WM N° Lexbase : A10783QY).

De plus, la Directive « retour » ne s’oppose pas à l’arrestation ou au placement en garde à vue d’un ressortissant de pays tiers en séjour irrégulier lorsqu’il est soupçonné d’avoir commis un délit autre que sa simple entrée irrégulière sur le territoire national, et notamment un délit susceptible de menacer l’ordre public ou la sécurité intérieure de l’État membre concerné (CJUE, 19 mars 2019, aff. C-444/17, Abdelaziz Arib N° Lexbase : A1600Y4Z).

Décision. La CJUE en déduit le principe précité, ajoutant que cela vaut aussi lorsque l’intéressé est entré sur ce territoire avant même d’avoir franchi un point de passage frontalier où s’exercent de tels contrôles.

newsid:486885

Droit rural

[Brèves] Motivation fictive d’une décision de préemption de la SAFER

Réf. : Cass. civ. 3, 7 septembre 2023, n° 21-21.445, F-D N° Lexbase : A24611GA

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 20 Septembre 2023

► La cour a légalement justifié sa décision d’annuler la décision de préemption de la SAFER dont la motivation n'était, selon elle, pas réelle et ne visait qu'à dissimuler la perspective de privilégier un exploitant au détriment d'un autre.

En l’espèce, la cour d'appel de Rennes a légalement justifié sa décision d’annuler la décision de préemption de la SAFER, après avoir relevé que seules les deux exploitations qui étaient contiguës à la parcelle préemptée, celle de la société acquéreuse initialement et celle de la société qui s’était vu accorder , étaient susceptibles d'être intéressées par cette parcelle enclavée, en sorte que la mention, dans la motivation de la décision de préemption, relative à d'autres rétrocessionnaires potentiels devait être considérée comme illusoire compte tenu de la configuration des lieux.

Sans être tenue d'accomplir les recherches visées par les première et cinquième branches, qui ne lui étaient pas demandées, elle a retenu que la SAFER n'avait pas préempté la parcelle que souhaitait acquérir la société pour la lui rétrocéder ensuite et que le seul rétrocessionnaire possible s'avérait être l’autre société (propriétaire de l’autre parcelle contigüe), dont la SAFER avait faussement retenu, dans sa motivation, qu'elle était spécialisée en production ostréicole.

Selon la Haute juridiction, la cour avait pu déduire, de ces seuls motifs, que la motivation développée par la SAFER n'était pas réelle et ne visait qu'à dissimuler la perspective de privilégier un exploitant au détriment d'un autre, et a ainsi légalement justifié sa décision.

cf. ÉTUDE : Le droit de préemption de la SAFER, spéc. Mise en oeuvre de l'obligation de motivation de la décision de préemption de la SAFER, in Lexbase, Droit rural (dir. Ch. Lebel) N° Lexbase : E8766E9K.

newsid:486814

Maritime

[Brèves] Transport maritime : Brexit, Convention de Lugano et appréciation de la validité d’une clause attributive de juridiction

Réf. : Cass. com., 13 septembre 2023, n° 22-16.884, FS-B N° Lexbase : A57301GC

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N6820BZM

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par Vincent Téchené

Le 20 Septembre 2023

► Dans le cadre des accords sur le Brexit, le Royaume-Uni est demeuré lié par la Convention de Lugano jusqu'au 31 décembre 2020, date d'expiration de la période de transition. Or, le Royaume-Uni, sur le territoire duquel se trouve la juridiction désignée par la clause attributive de juridiction désignant une juridiction britannique contenue dans un contrat de transport, était encore membre de l'Union européenne au moment de l'introduction de l'instance le 18 avril 2019. Dès lors, le retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne est sans effet quant à l'application de la Convention de Lugano au litige et la validité de la clause attributive de juridiction doit être soumise aux conditions de forme prévues à l'article 23 de cette Convention et non aux règles découlant des dispositions du droit national.

Faits et procédure. Dans le cadre d’un transport international de marchandises par voie maritime puis terrestre, l'ensemble routier transportant le conteneur s'est renversé dans un virage, entraînant la perte de la marchandise. Le cessionnaire des droits des chargeurs et destinataires de la marchandise et l’assureur de cette dernière ont assigné les transporteurs devant le tribunal de commerce de Paris. C’est dans ces conditions que le transporteur maritime a soulevé l'incompétence des juridictions françaises en se prévalant d'une clause attributive de compétence désignant la High Court of Justice of London (Royaume-Uni).

La cour d'appel de Paris (CA Paris, 5-16, 5 avril 2022, n° 21/21280 N° Lexbase : A22271HX) s’étant déclarée incompétente, un pourvoi a été formé. La principale question qui se posait était alors celle de savoir si la clause attributive de compétence était ou non ici applicable. Plus précisément, il s’agissait de savoir si, en raison du Brexit, le Royaume-Uni devait être considéré ou non comme un État tiers à la Convention de Lugano.

Décision. La Cour de cassation apporte une réponse très claire, précisant à quelle date il convient de se placer pour déterminer la qualité de partie à cette Convention.

Ainsi, la Haute juridiction relève d’abord que les modalités de sortie de l'Union européenne du Royaume-Uni ont été réglées dans l'Accord du 24 janvier 2020 sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord de l'Union européenne et de la Communauté européenne de l'énergie atomique (l'Accord).

En application de cet Accord, entré en vigueur le 1er février 2020, le retrait du Royaume-Uni de l'Union est devenu total à compter du 1er janvier 2021.

Par ailleurs, en ses articles 126 et 127, l'Accord prévoit une période de transition jusqu'au 31 décembre 2020, pendant laquelle, sauf dispositions contraires, le droit de l'Union reste applicable au Royaume-Uni et sur son territoire, de sorte que le Royaume-Uni demeure lié pendant cette période par les obligations découlant des accords internationaux conclus par l'Union.

La Convention de Lugano, par laquelle le Royaume-Uni était lié comme État membre de l'Union européenne, n'est ni citée ni visée, même implicitement, par les dispositions de l'article 127 de l'Accord relatives aux traités et actes adoptés par les institutions, organes et organismes de l'Union déclarés, par exception, non applicables au Royaume-Uni et sur son territoire pendant la période de transition.

Dès lors, il en résulte que le Royaume-Uni est demeuré lié par la Convention de Lugano jusqu'au 31 décembre 2020, date d'expiration de la période de transition.

Or, l'application de la Convention de Lugano est subordonnée au fait qu'une des parties au moins est domiciliée sur le territoire d'un État lié par cette convention, à la désignation d'un tribunal du ressort d'un État lié par cette convention et à la reconnaissance du caractère international du litige. Par ailleurs, le Royaume-Uni, sur le territoire duquel se trouve la juridiction désignée par la clause, était membre de l'Union européenne au moment de l'introduction de l'instance le 18 avril 2019, soit avant son retrait de l'Union européenne et avant la fin de la période transitoire fixée au 31 décembre 2020. Par conséquent, la cour d'appel en a exactement déduit que le retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne est sans effet quant à l'application de la Convention de Lugano au litige et la validité de la clause attributive de juridiction devait être soumise aux conditions de forme prévues à l'article 23 de cette convention et non aux règles découlant des dispositions du droit national.

C’est donc à la date de l’introduction de l’instance qu’il convient de se placer pour déterminer la qualité de partie du Royaume-Uni à la Convention de Lugano.

Sur la validité de la clause, la Cour de cassation censure l’arrêt d’appel. Après avoir rappelé les termes de l’article 23.1 de la Convention de Lugano, la Haute juridiction relève que pour déclarer le tribunal de commerce de Paris incompétent, l'arrêt d’appel a retenu que le transporteur maritime justifie, par la production des listings des transports d'un courant d'affaires régulier et même d'un flux récurrent sur cette ligne de transport aux mêmes conditions, qui permet de considérer que les parties étaient habituées à la présence de cette clause.

Pour la Cour, les juges se sont déterminés par des motifs impropres à caractériser l'existence d'habitudes établies pendant cette période entre les parties quant à la conclusion d'une telle clause attributive de compétence.

newsid:486820

Procédures fiscales

[Brèves] Majoration pour découverte d’une activité occulte dans le cas d’une activité de joueur de poker professionnel

Réf. : CE 3° et 8° ch.-r., 5 juillet 2023, n° 470936, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A375398I

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N6756BZA

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par Marie-Claire Sgarra

Le 20 Septembre 2023

Un joueur de poker professionnel ne peut, au titre des années 2013 et suivantes, invoquer une erreur légitime qui lui permettrait d’échapper à la majoration prévue en cas de découverte d’une activité occulte. En effet, cette obligation déclarative ressort, depuis fin 2012, tant de plusieurs décisions définitives des juges du fond que des commentaires administratifs de l’administration fiscale.

Les faits. À l'issue de deux vérifications de comptabilité de son activité de joueur de poker professionnel, le requérant a été assujetti, à raison des bénéfices tirés de cette activité, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu une majoration pour activité occulte et des amendes.

Procédure. Le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande du requérant tendant à la décharge de ces impositions, pénalités et amendes. La cour administrative d'appel de Nantes l'a déchargé de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu, ainsi que de la majoration pour activité occulte correspondante, auquel il a été assujetti au titre de l'année 2016, ainsi que de la majoration pour activité occulte infligée au titre des années 2013 à 2015 (CAA Nantes, 9 décembre 2022, n° 21NT00480 N° Lexbase : A10638YZ).

Rappel.. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de 80 % en cas de découverte d'une activité occulte (CGI, art. 1728 N° Lexbase : L1445MDU).

Que dit la cour administrative d’appel ? Un contribuable qui a été mis en demeure de déposer ses déclarations d’impôt sur le revenu et n’y a pas donné suite ne peut invoquer une erreur légitime pour échapper à la procédure de taxation d’office mais peut, en revanche, invoquer une telle erreur à l’appui d’une demande de décharge de la majoration pour activité occulte. Pour les joueurs réguliers de poker, peut être invoquée au moins jusqu’en 2015 l’erreur légitime consistant à ne pas avoir déclaré à l’impôt sur le revenu les gains issus du jeu de poker au motif qu’il ne s’agit pas d’une occupation lucrative dont les gains seraient imposables.

Solution du Conseil d’État. Il résulte des dispositions de l’article 1728 du CGI précité que, dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalité des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, l'administration doit être réputée apporter la preuve, qui lui incombe, de l'exercice occulte de l'activité professionnelle si le contribuable n'est pas lui-même en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ses obligations déclaratives.

Application en l’espèce. Le requérant ne s'est pas fait connaître d'un centre de formalité des entreprises ou d'un greffe de tribunal de commerce et n'a pas déposé de déclaration de revenus au titre de l'activité de joueur de poker qu'il a exercée au cours des années 2013 à 2015.

Pour juger qu’un tel manquement déclaratif devait être regardé comme procédant d'une erreur de nature à justifier que le requérant ne se soit pas acquitté de ses obligations, la cour administrative d'appel s'est fondée notamment sur ce que ce n'est que postérieurement aux années 2013 à 2015 en litige que la jurisprudence et l'administration fiscale avaient expressément estimé que les gains réalisés au poker étaient, dans certaines conditions, imposables à l'impôt sur le revenu.

En statuant ainsi, alors que, quand bien même le Conseil d'État ne s'est lui-même prononcé sur la question du caractère imposable de tels revenus qu'en 2018 (CE 9° et 10° ch.-r., 21 juin 2018, n° 412124, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A8764XTR), l'existence de l'obligation déclarative ressortait, depuis fin 2012, tant de plusieurs décisions définitives des juges du fond que des commentaires administratifs publiés sous la référence BOI-BNC-CHAMP-10-30-40, la cour a commis une erreur de droit.

 

 

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